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Des centres de classes-lecture

INRP / IUFM de Versailles

mmmmSmmDescription des pratiques


- Centre des Alpes-Maritimes, centre de Dunkerque centre de Grenoble (Lac / Bouleaux), centre de Roubaix (CELEM)
- Alain Déchamp, Hervé Dufour, Jean Foucambert, Françoise Laurent, Raymond Platteau, Françoise Tack



Sommaire

1. Présentation rapide des centres
1.1. Dunkerque
1.2. Grenoble
1.3. Alpes Maritimes
1.4. Roubaix
1.5. Conclusion

2. Les trois premières heures
2.1. Dunkerque
2.2. Grenoble
2.3. Alpes Maritimes
2.4. roubaix
2.5. conclusion

3. Quelles négociations préalables ? *
3.1. Dunkerque
3.2. Grenoble
3.3. Alpes-Maritimes
3.4. Roubaix
3.5. conclusion

4. le budget-temps de l'enfant
4.1. Dunkerque
4.1.1. Lecture-projet
4.1.2. Lecture en auto-correction
4.1.3. Lecture plaisir
4.1.4. Écriture
4.1.5. emploi du temps
4.2. grenoble
4.2.1. Lecture et écriture de La Chronique
4.2.2. Présentation de livres
4.2.3. Entraînement sur Elmo-Elsa
4.2.4. Aides à la lecture
4.2.5. emploi du temps
4.3. Alpes-Maritimes
4.3.1. - Les semi-obligatoires :
4.3.1.1. La lecture du circuit-court Tapage
4.3.1.2. Le projet
4.3.1.3. La présentation de livres
4.3.2. les obligatoires :
4.3.2.1. Les activités BCD
4.3.2.2. Les activités autour de la théorisation et de l'entraînement à la lecture
4.3.3. emploi du temps CP-CE...CM2
4.4. Roubaix
4.4.1. ateliers autonomes de lecture
4.4.2. ateliers d'écriture
4.4.3. travail sur un livre de littérature jeunesse
4.4.4. les activités en BCD
4.4.5. activités au rétroprojecteur
4.4.6. activités informatiques
4.4.7. ateliers sportifs ou artistiques
4.4.8. activités extérieures
4.4.9. présentation et bilan
4.4.10. emploi du temps récapitulatif des 3 semaines
4.5. Synthèse
4.5.1. Les pratiques de lecture
4.5.1.1. Lecture et écriture de journaux
4.5.1.2. Présentation de livres
4.5.1.3. Lecture dirigée
4.5.2. Les activités à la BCD
4.5.3. Les aides techniques à la lecture et l'écriture
4.5.3.1. Aides à la lecture et à l'écriture
4.5.3.2. Ateliers de lecture

5. Le budget temps des adultes
5.1. Préparation du séjour
5.1.1. Dunkerque
5.1.2. Grenoble
5.1.3. Alpes-Maritimes
5.1.4. Roubaix
5.2. Travail au quotidien
5.3. concertation
5.3.1. Dunkerque
5.3.2. Grenoble
5.3.3. Alpes-Maritimes
5.4. Bilan et suivi du séjour
5.4.1. Grenoble
5.4.2. Roubaix
5.5. Conclusion

6. Les projets
6.1. Des exemples de projets réalisés
6.1.1. Dunkerque
6.1.2. Grenoble
6.1.3. Alpes-Maritimes
6.1.3.1. Le commanditaire et comment il a été défini :
6.1.3.2. Déroulement :
6.1.4. Roubaix
6.2. Analyse
6.2.1. Quelques constats
6.2.2. Deux conceptions de la pédagogie de projet
6.2.3. Questions, réponses et précisions
6.2.3.1. Dans quel cadre s'inscrivent les projets menés au centre-lecture ?
6.2.3.2. Comment se négocient les projets avec l'école ou les classes ?
6.2.3.3. Comment les enfants sont associés à cette négociation ?
6.2.3.4. Quels partenaires sont associés au projet ?
6.2.3.5. Comment sont réparties les tâches entre les différents partenaires ?
6.2.3.6. Quelle place ont les enfants dans le projet ?
6.2.3.7. Comment les C.L. répondent-ils aux besoins de formation ?
6.3. conclusion

7. Les activités d'enseignement
7.1. Les différents types d'apports d'information et/ou de théorisation
7.1.1. Dunkerque
7.1.2. Grenoble
7.1.2.1. Des activités de bibliothéconomie
Identifier le genre des écrits (tri de textes)
Les premières de couverture
Le chemin du livre
Les catalogues
Une page de documentaire
La médiathèque
Un quotidien régional
7.1.2.2. Des activités autour de différentes techniques de lecture
Livret d'accompagnement d'ELMO
ATEL
7.1.3. Alpes-Maritimes
7.1.3.1. La lecture de Tapage, en particulier de la rubrique Pourquoi/comment :
7.1.3.2. Les activités autour de l'écriture de Tapage :
7.1.3.3. Les activités d'enseignement au cours du projet :
7.1.3.4. Les activités B.C.D. :
7.1.3.5. Les activités de lecture :
7.1.4. Roubaix
7.2. Les entraînements systématiques
7.2.1. Dunkerque
7.2.1.1. Pour la production d'écrit
7.2.1.2. Pour les activités de lecture
7.2.2. Grenoble
7.2.2.1. Elmo, Elsa
7.2.2.2. Elmo International
7.2.3. Alpes-Maritimes
7.2.3.1. Activités en BCD
7.2.3.2. Activité lecture
7.2.4. Roubaix
7.2.4.1. Ce qui relève d'un apprentissage au centre
7.2.4.2. Ce qui relève d'un apprentissage extérieur au centre
7.3. analyse
7.4. Dominantes des classes-lecture existantes.

7.4.1. En ce qui concerne les activités de systématisation.
7.4.2. En ce qui concerne les activités de théorisation.
7.4.3. En ce qui concerne la méthodologie
7.4.4. Conclusion :

8. L'observation des écrits
8.1. Les productions reçues
8.2. Les destinataires :
8.3. Les dispositIfs mis en place
8.4. Ce que sont les écrits

8.4.1. La présentation
8.4.2. L'observation des signatures :
8.4.3. Les trois journaux en chiffres :
8.5. Quelques éléments de réflexions :
8.5.1. Le centre de Grenoble produit La Chronique
8.5.1.1. Des textes sur ce qui se vit au quotidien :
8.5.1.2. Des écrits en réaction à d'autres écrits
8.5.1.3. Des écrits sur les apprentissages
8.5.1.4. Des écrits en réaction à des visites ou des rencontres
8.5.1.5. Des écrits sur le monde
8.5.2. Le centre des Alpes-Maritimes produit Tapage
8.5.2.1. Des écrits sur ce que l'on vit
8.5.2.2. Des écrits sur l'apprentissage
8.5.2.3. Des écrits sur les présentations de livres
8.5.2.4. Des écrits sur la vie dans le monde
8.5.3. Le centre de Roubaix produit RoulTaBille n°21
8.5.3.1. Des sorcières célèbres
8.5.3.2. Poésie
8.5.3.3. Remède de sorcières
8.5.3.4. Guide des sorcières
8.5.3.5. Rencontre avec B. Rouer
8.5.3.6. Une règle de jeu en 25 points
8.5.3.7. Une potion de recette pour devenir enfant
8.5.3.8. Un conte : La sorcière Caspaline.
8.5.4. Séjour 2 : Le centre de Roubaix a produit un questionnaire
8.5.4.1. Trente questions sur La faune et la flore
8.5.4.2. Trente-cinq questions sur la Culture
8.5.4.3. Vingt-quatre questions sur l'histoire et la géographie
8.6. Une représentation différente de l'écrit
8.6.1. Pour Grenoble et les Alpes-Maritimes
8.6.2. Pour Roubaix
8.7. Le traitement des écrits
8.7.1. Échelle de réécriture
8.7.2. comparaison entre les séjours et entre les centres
8.7.3. La représentation des indices
8.7.3.1. Premier exemple
8.7.3.2. Deuxième exemple
8.7.4. Mais jusqu'où ira la réécriture ?
8.7.5. Conclusion ?

9. synthèse


Description des pratiques dans les centres de classes-lecture.

Cette étude concerne quatre centres auto-observés à partir d'une grille commune au cours de l'année scolaire 1996-1997 : Dunkerque, Grenoble, Alpes Maritimes et Roubaix. Pour chacun des points sur lesquels portera l'analyse, nous tenterons de conserver la même démarche : une rapide description séparée de chaque lieu suivie d'une synthèse mettant en évidence points communs et spécificités. Nous avons fait le choix d'aborder cette observation à travers des événements topiques tels que la préparation du séjour avec les enseignants des classes accueillies, le déroulement des 3 premières heures, le budget-temps de l'élève, le déroulement des projets, les activités d'enseignement... Auparavant, il est sans doute utile de rappeler quelques faits généraux jalonnant l'histoire des classes-lecture.

Les classes-lecture ont été imaginées par l'AFL vers 1987 comme un moyen d'expérimenter un dispositif de formation mieux adapté à la fois aux nécessités d'élever le niveau de maîtrise de l'écrit et à quelques avancées pédagogiques que les dispositifs institutionnels de formation initiale et continue pouvaient difficilement prendre en compte. Le projet pédagogique des classes-lecture se structure en effet autour de la rencontre de deux expériences.

- La première est celle que bon nombre de membres de l'AFL ont en commun depuis leur participation à la recherche INRP concernant l'organisation générale de l'école élémentaire. Pour ne retenir que l'essentiel de ce patrimoine, il s'agit de toutes les implications des cycles (hétérogénéité, travail en petits groupes, équipes éducatives), des conséquences d'une mise en relation entre les conditions de l'apprentissage et les modalités d'aide que représente l'enseignement (importance d'un statut de responsabilité et de pouvoir comme condition d'apprentissage, nécessité d'une implication dans une production réelle dans le milieu, enseignement conçu comme théorisation de pratiques, apport d'informations et systématisation), de la nécessité de conduire simultanément une action dans l'école et en dehors de l'école (les élèves "apprennent" en participant à la production de cette action dans le milieu).

- La seconde expérience est celle que sont en train de constituer au même moment les groupes de recherche de l'INRP et de l'AFL de manière spécifique autour des questions de lecture et d'écriture : importance de la littérature jeunesse, rôle et fonctionnement des BCD, leur lien avec les autres lieux de lecture publique, importance de circuits courts d'écriture et rôle de la réécriture, nécessité d'investissements systématiques dans les aspects techniques de la lecture, apports de l'informatique pour le traitement de textes et la PAO.

C'est donc à la fois un projet pour l'école et un projet pour l'écrit qui nourrit la pratique autour de laquelle il s'est agi d'inventer un dispositif de formation, d'où l'appellation de classe-lecture qui sera retenue. Le programme s'articule autour de la découverte de la littérature jeunesse, du fonctionnement de la BCD et d'une formation bibliothéconomique, de la production quotidienne d'un journal, de la conduite de projets tournés sur l'extérieur dans leurs aspects liés à l'animation autour de la lecture et de la production d'écrits, enfin d'un entraînement technique systématique avec les logiciels de l'AFL.

Mais les classes-lecture sont aussi conçues comme des lieux de formation pour les élèves et pour les adultes ou, plus exactement comme des lieux de formation d'adultes à l'occasion d'une formation intensive des élèves pour de nouveaux rapports avec l'écrit. D'où une ambiguïté persistante par rapport aux commanditaires, le plus souvent municipalités ou éducation nationale. Il ne s'agit pas d'adjoindre à l'école ordinaire un passage de quelques jours dans un centre spécialisé pour transformer les performances de lecture des élèves. Il s'agit de disposer d'un outil d'innovation et de formation où, en grandeur réelle, des équipes d'adultes intervenant dans l'école et son environnement vont pouvoir se former à des pratiques nouvelles de rencontre de l'écrit. Ce qui doit accélérer la prise de conscience des collectivités locales de la nécessité de mettre en œuvre des politiques cohérentes autour de la lecture et d'offrir des possibilités de formation à des coéducateurs, enseignants, parents, bibliothécaires, travailleurs sociaux, acteurs de la vie associative, etc.

L'AFL va créer un centre national des classes-lecture à Bessèges en 1989 qui recevra la visite de plusieurs centaines d'enseignants et de responsables des collectivités locales et de l'Éducation nationale. En 1991, le recteur Migeon va soutenir cette proposition dans son rapport au ministre de l'Éducation. En 1993, l'AFL met fin pour des raisons financières aux activités du centre de Bessèges et rapidement d'autres centres se créent, les uns en liaison assez forte avec les présupposés de l'AFL, d'autres sur des positions originales et partiellement critiques par rapport à Bessèges, d'autres enfin en toute ignorance de cause et sans filiation d'aucune sorte.

À partir de 1995, JP.Benichou qui a ouvert le centre de classes-lecture de Nanterre dans le cadre de l'IUFM de Versailles dont il est un des directeurs s'efforce de faire se rencontrer, avec le concours de l'INRP, les différents centres fonctionnant à ce moment. Il en ressort vite l'impression d'une grande diversification des histoires, des présupposés et des mises en œuvre, d'où la curiosité d'aller y voir d'un peu plus près à travers une recherche descriptive un peu systématique autour des questions de l'origine, du fonctionnement pédagogique, des effets auprès de élèves et des adultes. 7 à 8 centres ont trouvé les moyens de participer à ce travail sans s'engager également sur chacune des questions. Quatre centres se sont impliqués de manière lourde dans le présent travail.


1. PRESENTATION RAPIDE DES CENTRES
Nous nous en tiendrons ici à des critères formels.

1.1. DUNKERQUE
Dans le cadre du Contrat d'Agglomération signé en octobre 1991 par l'État, le Conseil régional du Nord-Pas de Calais et la Communauté urbaine de Dunkerque, l'Éducation nationale avait décidé d'apporter des moyens supplémentaires dans la lutte contre l'échec scolaire et de développer des actions spécifiques. C'est ainsi qu'en mai 1993 ont été conçues les Classes transplantées Lecture-Ecriture de Dunkerque.

La création d'un lieu unique a permis :
- l'implantation de trois postes d'instituteurs
- le travail en petits groupes de 8 à 10 élèves
- une formation parallèle des maîtres : développer des actions concrètes transférables en classe, avoir le temps d'y réfléchir et bénéficier d'un soutien pour les analyser.

Ces classes doivent être un lieu d'apprentissage, d'échange et de communication, d'expérimentation et de recherche, d'exploitation de l'environnement culturel et sportif de l'agglomération dunkerquoise.

Neuf sessions de 2.5 semaines sont organisées chaque année, accueillant simultanément 2 classes en demi-pension. Dans les premières années, priorité a été donnée au cycle II ; l'ouverture s'est faite ensuite au cycle III devant la prise de conscience des problèmes de maîtrise de la langue avant l'entrée au collège ainsi qu'une certaine inquiétude des enseignants qui se demandent comment 'enseigner' l'expression écrite de manière efficace.

1.2. GRENOBLE
Le centre de classes lecture, créé en 1989, s'appuie sur le fonctionnement particulier de la Maison du Lac qui a participé depuis 1972 aux recherches de l'INRP sur l'organisation générale de l'école élémentaire avec les autres écoles du quartier 1 de la Villeneuve de Grenoble. Les enfants et les adultes accueillis viennent s'intégrer dans des animations et une politique permanentes, existant avant et continuant après eux.

La Maison du Lac se caractérise par :
- une organisation de la scolarité du 1er degré en 3 cycles et en groupes hétérogènes d'âges, avec suivi d'un même groupe par le même enseignant pendant 3 ans
- un dispositif de liaison quotidienne entre les familles et l 'école visant à une prise en compte mutuelle de ce que vit l'enfant tout au long de la journée à l'école et en dehors
- une organisation pédagogique commune à plusieurs groupes classes visant à une diversification des activités, au modelage de la taille des groupes en fonction des activités conduites et à une meilleure utilisation des compétences des adultes
- une BCD conçue comme un service général et un observatoire des écrits
- une production d'écrits importante par le biais de journaux, outils d'information et de théorisation des pratiques pour les enfants et les enseignants
- des coins spécialisés qui permettent un travail autonome et individualisé
- des projets d'ouverture sur (et de travail avec) le monde social
- un entraînement particulier en lecture (ELMO 0, ELMO, ELSA) et en production d'écrits
- une collaboration avec le Centre Audio Visuel de la Villeneuve et la Médiathèque.

Un séjour lecture nécessite la mise en place de deux dispositifs parallèles.

Le premier au Centre-Lecture et à l'école du Lac-Bouleaux :
Les élèves d'une seule classe à la fois (CE2, CM1, CM2) sont accueillis pendant 4 semaines en demi-pension et intégrés pour partie au fonctionnement normal du cycle 3 de l'école du Lac-Bouleaux.

Ils sont plus particulièrement associés aux élèves d'une classe de cycle 3 de l'école Lac-Bouleaux pour mener ensemble les projets prévus pendant le séjour. Il est à noter qu'ainsi chaque classe de cycle 3 de l'école du Lac-Bouleaux, aura un rôle particulier à jouer dans un séjour lecture au cours de l'année scolaire.

Deux classes d'une même école participent à 2 séjours succéssifs. Elles se tiennent mutuellement informées et peuvent bénéficier de l'aide de l'équipe des classes-lecture pour mettre en place les premiers éléments de la politique de lecture propre à leur quartier.

Deux instituteurs (celui de la classe en stage et celui d'un cycle 1 ou 2 remplacé dans sa classe par un instituteur du Centre.) des partenaires (issus de la bibliothèque, du centre social, de la M.J.C., de la Maison de l'Enfance, des associations de parents d'élèves, de l'équipe de circonscription) sont en stage en même temps et sont intégrés au fonctionnement normal des cycles de l'école, observent le déroulement des différentes activités et participent aux projets en cours.

Le deuxième dans l'école qui a demandé un séjour lecture (appelée "site")

Un travail de lecture-écriture s'effectue sur le site avec l'intervention de deux instituteurs du centre :
- un instituteur du centre prend en charge une classe de cycle 1 ou 2 pour effectuer un stage lecture-écriture avec cette classe. Cela permet à l'instituteur-titulaire de la classe d'accompagner la classe de cycle 3 en stage-lecture au centre-lecture et de participer aux activités, projets et formations dispensées au centre. Ce dispositif permet ainsi à quatre instituteurs du site de suivre une formation au cnetre (2 pour le 1er séjour, 2 pour le 2ème séjour).

- Un 2ème instituteur du centre-lecture (à mi-temps) mène des actions lecture autour de la B.C.D. sur le site, liées au projet de production final.

Le choix d'intervention en complémentarité centre-lecture-site contribue à impliquer l'ensemble de l'école et de ses partenaires dans une réflexion sur la mise en place d'une poli-tique de lecture à l'école.

1.3. ALPES MARITIMES
Créé en 1991, ce centre n'a pas de lieu puisque c'est l'équipe qui le constitue qui se déplace pour aller travailler pendant trois semaines dans des classes d'accueil. Deux formateurs permanents auxquels s'ajoutent un enseignant (différent à chaque séjour) ayant précédemment bénéficié du dispositif et un maquettiste font transporter par la mairie d'accueil le volumineux matériel du centre (10 ordinateurs, une PAO, une bibliothèque, des logiciels de lecture, etc.). L'équipe pédagogique des écoles concernées met 3 salles à disposition, la BCD le matin, une salle pour le matériel informatique, la municipalité fournit des animateurs qui prennent en charge les enfants en première partie d'après-midi afin de libérer accueillis et accueillants pour des temps de formation. Il est demandé aux uns et aux autres de proposer ce stage classe-lecture aux parents de l'école, aux animateurs municipaux, bibliothécaires de la commune, etc. Une réunion est organisée pour les adultes désirant participer aux stages. Les séjours sont de 3 semaines et on observe un glissement progressif des demandes vers le cycle III, majoritaires depuis 1996.

1.4. ROUBAIX
Créé en 1991 dans la suite d'une école de plein air, ce centre, ouvert également à des classes mathématique, accueille en demi-pension les classes venues des 3 circonscriptions d'inspection qui se partagent le territoire de la commune. Cinq classes-lecture sont accueillies simultanément : 4 du cycle III (CE1-CE2 et CLIS uniquement, pas de CM1,CM2) et 1 de CP. Depuis le démarrage, plus de 6000 enfants et 160 enseignants sont venus, souvent plusieurs fois à l'occasion des 260 classes ainsi organisées. Les séjours sont d'une durée de 12 jours répartis sur 3 semaines. Chacun des enseignants accueillant du centre aura la charge d'une classe dont il devient en quelque sorte " le second maître " pendant la durée du séjour.

1.5. CONCLUSION
Cette courte présentation montre déjà l'hétérogénéité des dispositifs sous l'appellation commune de centre de classes-lecture, hétérogénéité dont il faut chercher l'origine dans les circonstances de création des différents centres. Deux centres, celui de Grenoble et celui des Alpes Maritimes, se développeront sur des présupposés proches de ceux de l'AFL en prenant toutefois des formes différentes puisque le premier accueille des classes extérieures en demi-pension tandis que le second conduit son travail directement dans l'espace des classes concernées. Les 2 autres centres constituent à l'inverse des variations fortes autour du thème central au point de n'avoir parfois en commun avec Bessèges que le principe d'une action massive et groupée en direction du rapport à l'écrit. On observe donc des différences importantes entre ces 4 centres, aussi bien sur le niveau des classes accueillies (du CP au CM2) que sur leur nombre simultané (de 1 à 4), sur la durée de l'action (de 2 à 4 semaines), sur la possibilité d'un suivi, sur la diversité des adultes accueillis, etc.


2. LES TROIS PREMIERES HEURES
Nous nous sommes intéressés à la manière dont démarrait un séjour dans la mesure où il ne va pas de soi de quitter le fonctionnement ordinaire de la classe pour se préoccuper (enfin ?) de lecture et d'écriture. Quelle mise en scène introduit-on pour poser ou masquer ce problème ? Chaque centre présente ici un démarrage réel.

2.1. DUNKERQUE
Il s'agit d'une classe de CM1 travaillant sur le thème de la mer qui est un projet du centre de classes-lecture (produire un conte). Dans un premier temps, les enfants sont accueillis par le maître référent du centre. Il fournit une série d'informations aux enfants et à l'enseignant accueillis sur le fonctionnement durant le séjour. Ensuite, les élèves visionnent un montage audiovisuel constitué d'une série de diapositives et d'une bande sonore sur le thème de la mer.

Ensuite, dans la classe ont lieu :
- le déballage
- le déblocage de l'imaginaire
- la structuration des idées
- le choix du héros et du problème dans le cadre d'une phase collective destinée à rappeler les différents constituants du schéma narratif et plus spécifiquement de la situation initiale.

Puis les enfants visitent les lieux avant de se rendre à la cantine. Dans ces 3 heures sont inclus l'accueil des enfants dans leur école d'origine et le transport jusqu'au centre.

2.2. GRENOBLE
(récit à travers le regard d'un enseignant accueilli)

9h. Accueil dans la salle de restaurant scolaire

Observation réciproque des élèves de la classe d'accueil (Lac & Bouleaux) et de la classe accueillie. Arrivée du personnel de la classe-lecture et intervention du directeur :
- descriptif de l'emploi du temps
- présentation des ateliers du matin
- horaires restaurant scolaire, récréations, consignes diverses, périmètre autorisé (car école à aire ouverte), etc.
- présentation des ateliers de l'après-midi

9h.35 répartition des élèves en groupes

Distribution du matériel (cahiers spécifiques, carnet "Petit Libraire", cahier de "Chronique") ; début des ateliers du matin après répartition des effectifs en 4 groupes (critères de choix préétablis : intérêt pour le thème, affinités ou incompatibilités, équilibre des éléments moteurs).

9h.50 Parcours et impressions personnelles
- demande de plan pour exploration succincte du groupe scolaire
- repérage des emplacements des 4 groupes
- impressions : sensation de liberté, d'ouverture, libre circulation sans gêne ; fourmillement organisé du personnel, attitude courtoise, gens "pressés" ; ordre, rigueur, matériel, documentation et information à disposition de tous ; comportement agréable des élèves de l'école d'accueil, problèmes quotidiens traités rapidement avec explication des attitudes.

10h.30 pause

Questions posées à l'équipe des classes-lecture pour décider de la façon de gérer efficacement le temps pour les enseignants accueillis. Choix préconisé : travailler successivement une semaine avec chaque groupe, pour marquer un intérêt et comprendre les activités proposées dans chaque groupe et pour observer le comportement de tous les élèves pendant le séjour. En fin de pause, sortie pour discuter avec les élèves sur leurs premières impressions (pas encore trop préoccupés par les livres, étonnés de ne pas avoir encore " écrit ", contents d'être là).

10h45 Premier choix d'atelier

Atelier "Une bande de copains"/actualité littéraire pour la jeunesse, choix personnel motivé par la rencontre avec un auteur (Michel Honaker/Le prince d'ébène), proposée après quelques jours.

Importance accordée par l'animateur à chaque enfant et écoute de ses motivations. Présentation d'une dizaine d'ouvrages d'auteurs connus et déjà abordés par les classes-lecture précédentes et l'école du Lac pour compléter les lots existants ; liens entre nouveaux livres et écrits précédents de ces auteurs. Livres présentés de façon attrayante en tenant compte des acquis des élèves.

Remise de l'éditorial demandé aux enseignants accueillis pour parution dans La Chronique du lendemain.

2.3. ALPES MARITIMES
8h.30-9h.

Sont présents dans une salle de classe de CE1 :
- les 2 animateurs permanents des classes-lecture
- une animatrice temporaire pour cette classe-lecture (enseignante ayant suivi une classe-lecture une précédente année)
- les deux enseignantes et les enfants des classes de CE1 et CE2 de l'école où vont avoir lieu les classes-lecture.
- une institutrice à la retraite et 3 mères d'élèves.

Les animateurs de la classe-lecture se présentent et demandent à chaque adulte de le faire en précisant leur implication dans le séjour. L'animatrice classe-lecture explique ce qui se passera durant ces 2 semaines. Avant la récréation du matin, la lecture du quotidien "TAPAGE" à l'intérieur de chaque groupe-classe. Après la récréation, CE1 et CE2 sont mélangés pour les activités autour de la BCD et les projets : le groupe A écrira pour TAPAGE, le groupe B préparera une exposition sur Picasso (projet des enseignants pour les élèves de l'école) et le groupe C s'associera à cette exposition en se proposant d'expliquer aux parents de l'école comment ils peuvent aider leurs enfants à découvrir les peintres et les tableaux. Ensuite, elle donne l'emploi du temps type d'une matinée. L'après-midi., pendant que les adultes travailleront ensemble, les enfants seront à nouveau par classe avec les animateurs qui leur liront chaque jour une histoire, leur proposeront des jeux à l'extérieur et les aideront dans des réalisations manuelles. Ensuite, ils seront à nouveau avec leur maîtresse pour une présentation de livres quotidienne et le bilan de la journée. À 16h.30, ils quitteront l'école et les adultes continueront à travailler jusqu'à 18 heures.

Les enfants et les parents regagnent alors les salles de classe. Les parents se répartissent de façon à ne pas être dans le même groupe que leur enfant.

9h.-9h.30 dans chacune des 2 classes, enfants et adultes assis en rond.

L'emploi du temps de la journée est écrit au tableau en même temps qu'il est commenté. Chacun prend ensuite connaissance du dossier de présentation et une discussion prenant appui sur ce qu'on a lu s'engage : l'animateur donne la parole (enfants et adultes doivent demander la parole). Il sera obligé de rappeler en de multiples occasions cette règle surtout quand les adultes s'autorisent à demander aux enfants de se taire quand ils n'ont pas la parole !

9h.30-10h. dans chacune des 2 classes.

Chaque enfant et chaque adulte a en sa possession une feuille A4 avec en son milieu la photocopie du livre sur lequel chaque classe travaillera pendant ces 2 semaines. Chacun doit écrire autour de la photocopie ce qu'il en connaît. Mise au point collective : on récapitule sur une grande feuille en rouge ce que l'on repère sur une première de couverture (titre, auteur, éditeur, etc.) et en bleu ce que l'illustration nous évoque.

10h.30-12h. en groupes de projet puis en BCD.

Chaque groupe de projet met en place le projet : qui passe la commande ? pour qui ? qui réalisera le projet ? pourquoi ? comment ? Début d'organisation du travail, répartition des tâches et plan de travail...

En BCD, pendant une demi-heure, les enfants par groupes hétérogènes de sexe et de classe vont devoir classer une trentaine de livres comme ils l'entendent. Les 10 dernières minutes sont réservées à un retour réflexif : comment chaque groupe s'est-il organisé pour travailler ? quelle clé de classement a finalement été retenue et pourquoi ?

2.4. ROUBAIX
La participation de la classe au séjour transplanté a été précédée, dans l'école d'origine, d'une rencontre entre le maître accueillant, le maître accueilli et les enfants. Lorsqu'ils arrivent au centre, les élèves connaissent au moins une personne, celle qui les accueille dans sa classe. Les premiers moments de l'accueil mettent les enfants en présence d'autres personnes (les autres enseignants, le personnel d'entretien) et d'autres classes. Des rencontres se sont déjà faites dans le car de ramassage ou à l'arrivée au centre. Les présentations " officielles " sont faites dans chaque classe par le maître qui accueille.

Les élèves sont alors invités à prendre de nouveaux repères spatiaux : espace collectif où on se rassemble le matin à l'accueil pour boire un verre de lait en discutant des problèmes du grand groupe ; espace personnel où on range cahiers et documents ; espace de travail autonome (ateliers dans la classe).

Les buts du séjour sont rappelés aux enfants et on explique pourquoi on ne fera pas de calcul ou d'histoire... Ensuite, on présente le déroulement de la journée à travers la consultation de l'emploi du temps. Aujourd'hui : rallye afin de découvrir les divers lieux où on sera appelé à travailler et les personnes qui seront présentes durant le séjour. Les règles du jeu sont précisées et les équipes de 3 ou 4 enfants constituées. Le maître accueillant reste dans la classe et organise le jeu, le maître accueil est près d'une salle spécifique (arts plastiques, sports, BCD, informatique) et assure le bon fonctionnement en apportant des aides ponctuelles à la lecture des fiches et des consignes.

Après la récréation, on visite sous la conduite du maître accueillant les abords (préau, restaurant scolaire, entrée et sortie de l'école, etc.) et on donne les règles collectives (le self, les pelouses, etc.). Retour en classe pour découvrir le fonctionnement des activités du séjour : les groupes d'écriture, les ateliers autonomes, les activités en demi-groupe (l'un tenu par le maître accueillant, l'autre par le maître accueilli) et les ateliers décloisonnés de sport ou d'arts plastiques choisis par l'enfant et assurés par l'ensemble des adultes.

L'enfant est alors sollicité pour remplir son contrat du séjour, contrat qui repartira à la fin à l'école d'origine et sera présenté aux parents.

2.5. CONCLUSION
On sera peut-être étonné de la simplicité avec laquelle semble se faire le démarrage d'un nouveau séjour, comme si tout allait de soi. Certes, du côté des accueillants, l'affaire semble rôdée mais rien ne peut empêcher que, pour les accueillis, c'est la première fois ! S'il n'y a rien d'étonnant à aller à la montagne pour une classe de neige, il ne semble pas non plus d'avoir à s'étonner d'aller dans un centre spécialisé pour faire de la lecture ou, pour le cas des Alpes-Maritimes, d'avoir besoin de recevoir le renfort de 4 personnes. Est-ce un faux problème ou cette apparente facilité n'est-elle que la manifestation continuée de l'habitude de ne pas se poser ce genre de question ou, plus simplement une marque de confiance ou encore le résultat d'une bonne préparation ? Alors, que s'est-il passé avant ces 3 premières heures ?


3. QUELLES NEGOCIATIONS PREALABLES ?
Il s'agit là de décrire comment le centre de classes-lecture a préparé le séjour avec les enseignants accueillis, comment ceux-ci expliquent aux élèves leur demande de formation, comment les enfants régissent à cette demande, comment le centre de classes-lecture accueille et prend en charge les nouveaux rapports qui se créent entre les enfants et les adultes accueillis.

3.1. DUNKERQUE
En mai-juin, une réunion d'information est organisée pour les maîtres susceptibles d'être intéressés par un séjour l'année suivante. Un stage dit de préparation du séjour est ensuite organisé à la rentrée de septembre pour les enseignants que l'inspecteur a retenus parmi les candidats qui se sont faits connaître à l'issue de la réunion d'information précédente.

L'enseignant accueilli n'explique pas aux enfants sa demande de formation. Les enfants perçoivent le séjour comme un lieu et un moment de réalisation d'une partie du projet initial de leur classe.

L'un des premiers aspects à prendre en compte par le centre est justement celui de la dépossession de sa classe pour le maître accueilli, dépossession qui pourrait être d'autant plus vive qu'un des enseignants accueillants "prend" et "fait" la classe à sa place. Dans un premier temps, l'enseignant "non actif" observe ses élèves et peut ainsi prendre un recul réflexif et critique ; il a d'ailleurs le loisir d'intervenir quand il le désire durant les activités de lecture-écriture. Puis, peu à peu, il s'inclut dans le groupe classe et devient un élément de l'ensemble. Il en garde d'ailleurs le "contrôle" à certains moments (EPS, ateliers, sorties, etc.). Enfin, à partir de la deuxième semaine, il reprend en main progressivement et totalement les activités de la journée. L'enseignant accueillant est considéré alors comme maillon supplémentaire aidant le groupe accueilli dans le bon déroulement du projet, comme il est d'usage dans toute classe transplantée.

3.2. GRENOBLE
(à partir du récit d'un enseignant accueilli)

En mai, l'école a déposé un dossier de candidature en précisant que ce projet intéresse l'ensemble de l'école (3 classes élémentaires et une classe maternelle). Le Projet d'école se propose en effet d'élargir les domaines culturels, d'améliorer l'acquisition d'outils et de moyens d'apprentissage, d'utiliser la BCD de façon optimale. La venue en classe-lecture devrait notamment permettre d'élaborer une programmation cohérente en lecture/écriture sur l'ensemble de l'école, de favoriser une meilleure efficacité dans la lecture ainsi qu'un meilleur accès aux divers médias. Il y a donc une continuité et une cohérence entre le Projet d'école et le centre de classes-lecture qui apparaît alors aux yeux de tous comme une aide et non comme une intrusion.

En septembre, les membres du centre de classes-lecture au complet sont invités lors de l'Assemblée générale de rentrée à présenter le séjour aux parents. Les enseignants de l'école ont d'abord précisé leurs motivations puis les membres du centre de classes-lecture ont décrit le contenu et les modalités pratiques du séjour en insistant sur le rôle des parents : le centre est ouvert à tous, les parents peuvent y venir et participer à l'écriture de "La Chronique" et aux différents projets.

À la mi-septembre, réunion des enseignants de l'école avec l'équipe du centre de classes-lecture pour définir le contenu du séjour. Priorité est donnée aux activités concernant directement les élèves. Une réunion hebdomadaire est prévue dans l'école pour que chacun puisse suivre l'avancement du travail.

De son côté, l'enseignant explique aux élèves et aux parents que sa demande de formation répond aux objectifs prioritaires définis dans le Projet d'école que les parents ont contribué à définir et correspond aux nécessités d'une formation continue et d'une adaptation aux nouvelles donnes et aux nouvelles technologies. Les parents, d'abord sceptiques (uniquement de la lecture !) ont fait confiance aux enseignants puis se sont impliqués dans les différentes actions liées à ce projet (expo-vente et rencontre avec un écrivain).

Les élèves n'ont pas d'abord de réactions particulières puis l'intérêt est progressivement apparu puisqu'ils ont vécu en parallèle le premier séjour des élèves d'une autre classe de l'école à travers les échanges de "La Chronique" et qu'une enseignante du centre de classes-lecture est venue à l'école faire avec eux 2 ateliers : préparation de l'expo-vente de livres et préparation de la rencontre avec l'écrivain JN Blanc (Jeu sans ballon). Les élèves ont donc progressivement adopté une position de demandeurs anticipant déjà les avantages du stage. Un sondage préalable témoigne du fort intérêt que constitue l'existence d'un journal quotidien et d'un re-cours permanent à l'informatique.

Le centre de classes-lecture a d'autant moins de difficulté à prendre en charge des rapports nouveaux entre élèves et adultes accueillis qu'il ne semble pas, aux yeux des élèves et des enseignants, qu'il se crée une rupture avec ce qui existe avant. C'est un moment dans un projet et non une rupture.

3.3. ALPES-MARITIMES
Les négociations administratives et techniques entre l'école, le centre de classes-lecture et la municipalité ont commencé en février 1994 pour aboutir à un séjour en 1997. Au début jan-vier 97, rencontre réellement et pédagogiquement préparatoire entre le centre de classes-lecture, les enseignantes de l'école et le CPC. Discussion autour du Projet d'école (aménagement et animation de la BCD) et du projet de l'enseignante (écrire un livre dont l'histoire se passerait dans le château du vieux village et qui aurait comme prolongement un spectacle à la fin de l'année scolaire). À la mi-janvier, nouvelle réunion avec les enseignantes auxquelles s'est jointe une conseillère municipale, puis rencontre avec les parents.

L'enseignante n'a aucun mal, auprès de ses élèves, à intégrer la classe-lecture dans le projet d'école (maîtrise de la langue orale et écrite), dans la mise en place de la BCD et dans le pro-jet d'écriture et de spectacle sur le château du village. Les enfants réagissent avec enthousiasme tout en s'inquiétant (et les maths, le sport, les horaires ?).

Les enseignants du centre de classes-lecture prennent en charge les nouveaux rapports qui se créent entre enfants et adultes impliqués dans le stage en favorisant le dialogue enfants/adultes, en valorisant par la réécriture l'écrit des enfants, en donnant aux enfants le goût d'argumenter sans cacher que, s'il faut trancher, c'est encore l'adulte qui l'emportera, donc en étant clairs sur la place, les compétences et le statut de chacun.

3.4. ROUBAIX
La préparation des séjours débute en avril de l'année précédente par l'organisation du calendrier. Les priorités pédagogiques relèvent d'une concertation avec les 3 circonscriptions de Roubaix. Le choix des candidats retenus à partir de leur fiche de vœux est fait par les inspecteurs.

À la rentrée, les enseignants accueillis participent ensemble à un regroupement d'une semaine animé par les équipes de circonscription et par les enseignants du centre de classes-lecture. Ainsi ils ont été informés de l'organisation, des modalités de fonctionnement et des outils disponibles dans la structure. Le projet de participation à un séjour est négocié entre les divers adultes inscrits simultanément dans une période d'accueil.

Une ou plusieurs réunions sont possibles avant la venue des classes et une rencontre entre accueillants et accueillis (adultes et élèves) a lieu dans l'école d'origine dans les semaines qui précèdent la venue au centre. Au cours de cette réunion, la présence des parents reste à l'initiative des maîtres accueillis et la présentation du séjour se fait oralement et/ou au moyen d'un document vidéo.

La demande de formation des maîtres accueillis n'apparaît pratiquement jamais comme une question et il n'y a, en conséquence, pas d'explications sur ce sujet données aux élèves. De manière implicite, cela s'exprime par des questions qui concernent plus l'utilisation des outils que les objectifs de cette utilisation. Généralement, le maître accueilli explique à ses élèves l'intérêt d'aller en classe-lecture par l'apport de nouveaux matériels qui ne sont pas dans l'école (rétroprojecteur, BCD, site informatique, etc.) et aussi par le fait que, le travail se faisant avec un maître en plus (l'accueillant), les groupes seront moins importants et l'aide plus efficace.

Les enfants réagissent en général favorablement à cette information et axent leurs réactions sur la nouveauté des activités, les ateliers sportifs et artistiques et le fait de se transplanter.

De nouveaux rapports vont être vécus au centre : un autre maître, d'autres adultes, d'autres règles collectives, d'autres fonctionnement, d'autres lieux. L'organisation favorise d'une part la sécurisation des enfants (1 maître pour un groupe) et d'autre part l'ouverture aux autres (restauration, ateliers décloisonnés de l'après-midi).

3.5. CONCLUSION
Là encore, comme pour le déroulement de la première matinée, on n'exprime pas de tour-ments particuliers et, apparemment, les choses semblent aller de soi pour tout le monde. Ce n'est probablement pas aussi simple qu'on le dit ou, tout au moins, c'est l'indice que, pour ces enseignants candidats à un stage, un pas important a été franchi dans l'affirmation d'un professionnalisme qui sait rencontrer la confiance des collègues, des parents et des enfants en se situant, grâce à la formation continue, à la pointe des techniques pédagogiques nouvelles. Cette demande de formation est alors le contraire de l'expression d'une incompétence. Qui ne se réjouit que son médecin ou son réparateur de chauffe-eau en fasse autant ? Mais cette affirmation tranquille de l'intérêt de se perfectionner change le statut du "maître" en le posant comme un artisan et non comme un artiste, quelqu'un dont l'exercice professionnel est, par définition et au sens propre du terme, discutable. De là à reconnaître que l'échec n'est pas seulement imputable à l'élève ou au manque de moyens... L'enseignant qui vient avec ses élèves et des parents dans un lieu pédagogique où on ne fait pas ce qu'il fait d'ordinaire, et sans doute pas non plus ce qu'il sait faire, accepte que son statut soit mis en cause, et devant les témoins les plus directement impliqués. Au fond, il prend le beau risque de mettre en pratique cette profonde remarque de Claparède : "Qui a cessé d'apprendre est indigne d'enseigner.". Mais, ce faisant, il modifie la représentation traditionnelle du Savoir, ce quelque chose que les uns ont et qu'il s'agit de transmettre à ceux qui ne l'ont pas. Il pose en actes l'idée que c'est quelque chose qui se construit, qui se construit à plusieurs, qui se construit pour l'individu comme pour la société, pour l'enfant comme pour l'adulte. Dès lors, la venue en classe-lecture ne peut pas, qu'on y travaille explicitement ou non, ne pas transformer pour l'enfant son rapport au savoir et aux processus de sa construction, déjà parce qu'elle lui permet de voir des adultes qui lui sont proches en train d'apprendre, avec lui. C'est, très probablement, une des premières fois, sinon la première, qu'il est témoin et acteur d'une situation "instituée" de ce type. Quel appui y trouve-t-on pour mettre le dur métier d'apprendre au centre d'une réflexion collective ?


4. LE BUDGET-TEMPS DE L'ENFANT
Les centres de classes-lecture présentent ici les passages obligatoires d'un enfant, définis en accord entre accueillis et accueillants, en expliquent les raisons et affichent l'emploi du temps.

4.1. DUNKERQUE
L'après-midi, les activités sont à dominante sportive ou culturelle, notamment au sein de la bibliothèque municipale voisine (bibliothéconomie, recherche documentaire, acculturation, etc.

Chaque matin, l'enfant passe par trois ateliers, deux de lecture et un d'écriture.

4.1.1. Lecture-projet
Dans cet atelier, les activités de lecture mises en place sont au service d'un projet (presse, album, poésie...) par les aides qu'elles apportent à l'enfant producteur de texte. Par exemple : exercices sur la structuration de phrases, sur la cohérence textuelle ; mise en évidence des constituants d'un texte, connecteurs, embrayeurs, majuscules, ponctuation... ; exercices sur les reprises, les répétitions ; mise en évidence des règles et contraintes de fonctionnement d'un récit ; analyse type grammaire en texte (analyse comparative, relevés...)

4.1.2. Lecture en auto-correction
Atelier de lecture où les enfants ont à élaborer et utiliser des stratégies de lecture (sur article de presse, poésie, fiche technique, album, conte...) leur permettant d'accéder à un comporte-ment de lecteur efficace. Parallèlement, un travail d'auto-correction est demandé à l'enfant à qui on donne des éléments de réflexion et non la " bonne " réponse. Lorsqu'un exercice est terminé, l'enfant s'évalue en dressant lui-même le bilan de son travail.

4.1.3. Lecture plaisir
Développer l'envie de lire en aménageant des moments de lecture libre auxquels se succèdent des moments d'échange et d'explicitation où l'enfant partage son plaisir ou son déplaisir avec les autres.

4.1.4. Écriture
La classe se répartit la tâche d'écriture. Chacun des 3 groupes constitués rédige une partie de l'écrit à produire en 3 phases : premier jet, deuxième jet avec correction active, synthèse. Le premier jet se fait en dictée à l'adulte, dictée partielle ou en autonomie. Le deuxième jet permet une correction active autonome facilitée par différents outils élaborés avec les enfants : grille de relecture, code de correction, listes analogiques référencées, cahier de repères,... Au moment de la synthèse, les écrits des enfants d'un même atelier sont mis en commun pour former un texte quasi définitif. Chaque groupe obtient ainsi un produit, soit au total trois parties. Enfin, une synthèse générale collective permet d'obtenir un texte définitif commun à la classe.

4.1.5. emploi du temps

4.2. GRENOBLE
Dans une journée, les enfants ont des passages obligés sur certaines activités.

4.2.1. Lecture et écriture de La Chronique
Faire en sorte que les enfants éprouvent que lire et écrire aident à vivre. Le circuit court permet une réaction ou un retour rapide, ce qui permet d'expérimenter la puissance de l'écrit à travers les polémiques qu'il suscite.

Tous les matins, les enfants lisent La Chronique. Puis au sein du groupe de projet auquel ils appartiennent, ils réagissent, argumentent et débattent à l'oral des articles publiés. Enfin, ils rédigent, le plus souvent individuellement, un texte qui développe leurs arguments et pose un nouveau problème. Les adultes présents les aident à préciser leurs pensées en réagissant au fur et à mesure. Des groupes d'enfants sont parfois amenés à rédiger des textes à la demande d'un autre groupe ; ils font aussi le point pour le journal sur l'état d'avancement de leur travail.

4.2.2. Présentation de livres
Tous les jours, les enfants assistent à une présentation de 5 livres faite par un adulte : bibliothécaire ou enseignant. À la suite, ils peuvent emprunter les livres présentés. Cette présentation cherche à donner des repères aux enfants pour se mouvoir dans la littérature jeunesse au travers d'auteurs, de genres, de thèmes, etc. qui sont mis en réseau. Les problèmes contemporains auxquels peuvent être confrontés les enfants sont abordés dans la plupart des ouvrages, dans la vie ou les aventures des personnages. Une éducation citoyenne est donc sous-jacente à la lecture de ces ouvrages, les thèmes les plus fréquents étant la mort, la maladie, l'amitié, le racisme, le respect des autres, etc. L'adulte n'apporte que son point de vue, une lecture particulière de 5 ouvrages. Ceci est précisé d'emblée aux enfants. Durant le séjour, deux points sont faits sur leurs lectures et ils sont l'occasion d'un échange de points de vue sur les livres lus.

4.2.3. Entraînement sur Elmo-Elsa
Il s'agit de démarrer ou de perfectionner un entraînement en lecture en mettant l'accent sur le sens et les enjeux techniques. Les 4 semaines doivent permettre à chaque enfant de comprendre ce qu'il fait quand il lit, d'analyser ses stratégies de lecteur et d'être assez familier du logiciel pour commencer un véritable entraînement à son retour à l'école.

4.2.4. Aides à la lecture
Il s'agit de donner des repères pour permettre aux enfants d'entrer dans les différents types d'écrits. C'est une sorte de formation bibliothéconomique sur le fonctionnement des livres, les genres, les éditions, les collections. Les élèves formalisent leurs apprentissages en prenant aussi des notes sur leurs lectures qui inaugurent un cahier, Le Petit Libraire, qu'ils poursuivront ensuite.

4.2.5. emploi du temps

4.3. ALPES-MARITIMES
Les passages obligatoires sont de 2 ordres : les "semi" obligatoires et les obligatoires.

4.3.1. - Les semi-obligatoires :

4.3.1.1. La lecture du circuit-court Tapage
Un circuit-court est une "production régulière d'écrits qu'un groupe de vie élabore pour lui-même comme instrument de compréhension et d'analyse de ce qu'il vit. Sa diffusion, stricte-ment limitée au groupe, est systématiquement accompagnée d'un temps de réflexion commune." (Nathalie Bois). Chaque enfant participe à ce moment quotidien de 30 à 45 minutes. Pendant les 10 premières minutes, chaque enfant doit prendre connaissance de ce qu'il veut dans "Tapage". Il n'est pas obligé ensuite d'intervenir pendant la discussion mais doit "montrer" (!?...) qu'il reste attentif.

4.3.1.2. Le projet
Chaque enfant participe à ce moment quotidien d'une heure environ. Il contribue à l'élaboration et à la production du projet mais il peut ne pas intervenir oralement ou ne pas participer pleinement aux activités. Quitte, pour lui, d'assumer ensuite par rapport aux adultes et autres enfants sa faible participation.

4.3.1.3. La présentation de livres
Chaque enfant assiste à ce moment de 20 à 30 minutes et peut s'investir ensuite dans une discussion d'¼ d'heure environ. Seule obligation, là encore, signifier qu'il reste attentif.

4.3.2. les obligatoires :
elles relèvent du domaine de la théorisation et de l'entraînement systématique. Chaque enfant est sollicité oralement et par écrit.

4.3.2.1. Les activités BCD
Ces activités d'une ½ heure sont à la fois entraînement au fonctionnement des bibliothèques et du livre mais aussi mise en place effective de la bibliothèque de l'école. D'autre part, chaque enfant est sollicité pour expliquer sa méthode de travail (et comment il s'est organisé avec les autres quand l'activité doit être menée en petits groupes) et pour exposer les résultats.

4.3.2.2. Les activités autour de la théorisation et de l'entraînement à la lecture
Ces activité quotidiennes sont de 2 ordres :
- pendant une semaine, une découverte quotidienne des exercices d'ELMO accompagnée d'une information sur les présupposés théoriques
- pendant l'autre semaine, une heure quotidienne passée sur un texte long (par exemple, " La montagne interdite " de Giorda, Bayard presse) abordé à travers différents types d'activités (travail sur le dictionnaire, passage à reconstituer, passage à réécrire, etc.). Cette heure est partagée entre recherche individuelle et réflexion collective.

4.3.3. emploi du temps CP-CE...CM2

4.4. ROUBAIX
L'emploi du temps est fourni pour les deux séjours et établi pour la durée des trois semaines. Le temps de l'enfant se réparti comme suit :
Ateliers autonomes de lecture : 12 heures
travail d'écriture en atelier dirigé : 7 heures
travail de lecture sur un livre 4 heures 20
de littérature jeunesse
activités en BC.D : 4 heures 45
activités avec utilisation
du rétroprojecteur : 4 heures 15
de l'informatique : 4 heures 45
activités en ateliers sportifs ou artistiques : 12 heures 45
activités extérieures (musée) : 3 heures 40
activités de présentation et de bilan : 5 heures

Les contraintes spatiales (spécialisation de locaux : une salle de rétroprojection, une salle informatique, une BCD) font que la répartition à l'intérieur des locaux spécifiques est organisée de manière formelle avant la venue des enfants. Toutes ces salles permettent d'y faire un autre type d'activité (ex: lecture d'un ouvrage, écriture, recherche... ), mais généralement elles sont utilisées en fonction de leur spécificité. Chaque classe accueillie a un emploi du temps qui intègre cette notion et cela donne une rigidité de fonctionnement (changement d'activités pour laisser la place à une autre classe).

4.4.1. ateliers autonomes de lecture
La possibilité est donnée aux maîtres qui viennent en séjour de mettre en place des ateliers de lecture. Ceux-ci sont constitués par des ateliers du type VERITECH ou SEDITOP outils commerciaux qui peuvent être réintroduits en classe, et par des ateliers prenant en entrée l'aspect ludique de l'activité comme le coloriage avec consigne, les jeux de fenêtre-surprise (mémory). l'arbre à lettres, les dix indices, le rallye des mots, le loto des phrases, tous créés par les enseignants successifs qui ont travaillé au CELEM . Pour ces ateliers une information est donnée lors de la mise en route, ils sont auto-correctifs. Ils se passent dans la classe avec en parallèle le travail pour un autre groupe en écriture. Chaque enfant a un contrat à remplir dans cette activité.

4.4.2. ateliers d'écriture
La répartition des enfants dans divers ateliers qui se déroulent en simultanéité donne des groupes qui varient de 4 à 8 enfants. L'atelier dirigé d'écriture est un moment privilégié de production d'écrits. Chaque classe peut avoir 1, 2, 3 ou 4 ateliers sur des productions différentes ou complémentaires (un album-souvenir + un jeu de loto + un écrit poétique + une lettre ou une affiche et écrire une histoire ou une pièce de théâtre). Généralement le thème est commun à l'ensemble des élèves de la classe (ex: le cirque, la peur ...) et les écrits ont un vocabulaire plus ou moins commun, des sources documentaires complémentaires, un vécu commun si une animation est prévue pour l'ensemble des élèves.

4.4.3. travail sur un livre de littérature jeunesse
Pendant plusieurs années, les enfants qui venaient au centre repartaient avec le livre qu'ils avaient étudié durant leur séjour. Le prix élevé de cette opération un livre par enfant a fait qu'elle n'a pu être poursuivie. Néanmoins la pratique de lire au moins un livre durant le séjour est maintenue, les livres sont choisis sur le thème en fonction du niveau des élèves. Le vocabulaire de l'ouvrage sert de base aux exercices de lecture avec l'informatique (programme : lectexte, exotexte)

4.4.4. les activités en BCD
La BCD sert de support aux activités de repérage , de classement , de recherche. Les animations sont de différents types :
- connaissance de l'outil et de ses possibilités : la marguerite, la classification, les repérages par des activités de présentation ou des animations ayant comme point d'entrée l'aspect ludique (rallye des livres, le carnaval des héros, le jeu des couvertures, le jeu des collections…)
- animations autour du livre (présentation d'ouvrages, lecture, …) et lecture plaisir avec prêt de livres aux enfants.

4.4.5. activités au rétroprojecteur
Il s'agit essentiellement d'exercices qui mettent en jeu des compétences en lecture et qui sont travaillées de manière systématique : anticipation, lecture rapide, association graphie-image, sens

4.4.6. activités informatiques
D'une part la connaissance de l'outil (clavier, souris, fonctionnement) et d'autres part des exercices de lecture qui sont des exercices de systématisation (closure, orthographe…) ou des productions d'écrits avec l'utilisation de l'outil. Le site comporte un type de matériel (exercices) et les classes sont dotées d'un appareil permettant l'écriture.

4.4.7. ateliers sportifs ou artistiques
Chaque après-midi, les enfants choisissent pour la durée du séjour la pratique d'une activité (arts plastiques, musique, gymnastique, natation…). Une évaluation est faite en sport, une production artistique est réalisée.

4.4.8. activités extérieures
En accord avec le musée et la médiathèque, une matinée d'animation a lieu dans leurs locaux.
- Musée : lecture de tableau, recherche…
- Médiathèque : présentation, exercices de recherches, lecture sur place, inscriptions possibles. Les enfants découvrent le lieu après le travail réalisé à la BCD et les inscriptions sont nombreuses.

4.4.9. présentation et bilan Le séjour commence par un rallye qui permet la découverte des locaux, il se termine par un bilan des enfants et du maître accueilli. Ce bilan est écrit et il termine le contrat présenté et signé au départ et dans lequel on trouve les informations sur les travaux qui seront réalisés par les enfants. Un travail de réflexion collective en petits groupes est généralement mis en place.

4.4.10. emploi du temps récapitulatif des 3 semaines

4.5. SYNTHESE
Les emplois du temps, mieux que les descriptions données par les centres eux-mêmes, traduisent bien les priorités différentes. On le voit notamment dans le choix entre des plages d'activités qui occupent jusqu'à une demi-journée autour d'activités qu'on peut qualifier de "polycentrées" et des plages qui correspondent à des moments précis et successifs, à horaires fixes, dans le cas d'activités "monocentrées".

Au-delà de ce constat, c'est la signification à accorder à la place de ces divers temps qu'il faut trouver. Les activités polycentrées placées en début de journée et de séjour marquent la volonté des accueillants de bâtir le séjour autour de la notion de projet et de mettre en place les conditions de la prégnance de celui-ci sur les activités d'enseignement de type traditionnel. Un emploi du temps plus morcelé et rigoureux dans lequel les activités polycentrées sont diluées montre a contrario la prégnance des activités d'enseignement comme éléments à assembler dans la réalisation du projet. Au fond, ce qui est posé ici, c'est la centration de la classe-lecture sur la démarche de projet ou non.

Ces emplois du temps sont sans doute assez révélateurs des motivations initiales des créateurs de chaque centre. En ce sens, Dunkerque et Roubaix ont en commun d'avoir été voulus par des inspecteurs persuadés qu'il faut revoir un certain nombre de fondamentaux de l'enseignement de la langue, qu'il s'agisse de lecture ou d'écriture. Ces centres ont été conçus comme des lieux de formation continue pour une ou des circonscriptions au service d'une stratégie de rénovation de l'enseignement du français et partant, de manière réaliste, de l'existant, des pratiques et des re-présentations des enseignants. Il s'agit donc de faire évoluer les leçons de lecture et d'expression écrite, de créer des ateliers de travail autonome et individualisé pour les exercices et, très secondairement, de finaliser ces investissements méthodologiques dans une plus grande ouverture sur le milieu. C'est ainsi que les projets tournés vers l'extérieur sont davantage centrés sur l'étude du milieu que sur l'action dans le milieu.

À l'inverse, Grenoble et les Alpes-Maritimes sont nés d'une conception plus globaliste, ne séparant pas la nécessaire évolution des investissements techniques d'un fonctionnement général de l'école autour d'ateliers permanents utilisant naturellement dans leur production du savoir lire et du savoir écrire. Ces ateliers permanents visent prioritairement la production d'un journal quotidien et le fonctionnement de l'observatoire des écrits que représente la BCD. La progression technique apparaît alors comme théorisation et systématisation de ce que chaque acteur met en œuvre dans la conduite de ces ateliers permanents. On ne peut trouver meilleure opposition entre cette approche et celle de Roubaix et Dunkerque que le statut donné au produit du travail d'écriture : pour les uns (Roubaix et Dunkerque), un 'objet' devra avoir pris corps à la fin du séjour et les activités convergent vers sa production ; pour les autres (Grenoble et les Alpes-Maritimes), l'objet préexiste et exige une écriture quotidienne, c'est en le faisant fonctionner, de jour en jour, et en y prenant une part de plus en plus importante, que s'ouvre, pour chaque enfant, une zone d'apprentissage proximale dans laquelle l'enseignement trouve à se programmer.

Néanmoins, dans tous les cas, on rencontre au moins 3 types d'activités : celles qui se constituent autour de la pratique de la lecture, celles qui traitent de la bibliothéconomie et celles qui sont du domaines des aides techniques à la lecture et l'écriture.

4.5.1. Les pratiques de lecture
Trois grandes approches se dégagent :

4.5.1.1. Lecture et écriture de journaux
"Tapage" dans les Alpes-Maritimes et "La Chronique" à Grenoble sont écrits, publiés et lus chaque jour par les participants au séjour. Dans les 2 cas, la plage du matin, juste après l'accueil, est le moment réservé à cette rencontre où chacun prend connaissance des nouvelles du jour. Un temps de discussion et d'échange suit la lecture. L'écrit est ici un outil de traitement du vivre ensemble.

4.5.1.2. Présentation de livres
On observe dans tous les centres une très forte prise en compte de la littérature jeunesse. Dans les Alpes-Maritimes et à Grenoble, la présentation de livres par les adultes est quotidienne ; elle s'accompagne de débats auxquels les enfants sont associés en donnant leur avis après une lecture individuelle. À Dunkerque et Roubaix, des moments particuliers sont réservés au cours des séjours pour échanger autour des livres ou pour présenter des livres sur un même thème afin de choisir celui qui fera l'objet d'une lecture suivie.

4.5.1.3. Lecture dirigée
On trouve dans les emplois du temps de Dunkerque et de Roubaix des moments spécifiques réservés à un atelier de lecture. Cet atelier a pour objectif d'aider à la mise en place de stratégies de lecture spécifiques à des types d'écrits (album, conte, recette, etc.)

4.5.2. Les activités à la BCD
La BCD est un lieu essentiel des centres de classes-lecture qui sert à la fois à la mise en œuvre de projets d'écriture, de lieu d'information, de lieu ressource, de lieu d'animation et de recherche, etc. Tous les centres consacrent le temps nécessaire à l'entraînement des compétences de base pour utiliser des bibliothèques (ordre, classement, repérage, aides à la lecture, etc.) et à la gestion des fonds.

4.5.3. Les aides techniques à la lecture et l'écriture

4.5.3.1. Aides à la lecture et à l'écriture
Ces aides relèvent de la théorisation et de l'entraînement systématique. Elles utilisent le plus souvent des supports et des outils précis. Dans tous les centres, se retrouvent des plages " informatiques " qui sont réservées à des temps de perfectionnement des aspects techniques de la lecture. Roubaix propose en outre un travail systématique autour de la lecture grâce au rétroprojecteur.

4.5.3.2. Ateliers de lecture
À Roubaix et Dunkerque, une organisation de la classe en atelier est systématiquement entreprise. Un adulte prend en charge un groupe, l'autre est en travail autonome. Les enfants ont une fiche atelier, des possibilités de choix dans une progression et un système d'auto-correction.


5. LE BUDGET TEMPS DES ADULTES
L'aspect plus ou moins reconnu et plus ou moins revendiqué de la formation des enseignants détermine les modalités du déroulement de la journée des adultes. On est ici devant une question décisive car il est évident qu'aucun centre de classes-lecture n'imagine que le destinataire de son action est durablement l'élève qui participe au stage. Les problèmes de lecture doivent trouver leur solution quotidienne là où ils se vivent quotidiennement, c'est-à-dire dans l'école et dans l'environnement social et familial des élèves. Comparé à ce travail de fond, chacun sait que ce n'est pas un coup de pouce de quelques jours au cours d'une scolarité qui va changer grand-chose. Le rôle d'un centre de classes-lecture est ailleurs, dans la capacité de faire évoluer le fonctionnement des enseignants, des équipes d'école et leurs liens avec les autres acteurs de la lecture dans le quartier.

Tout ce qui est entrepris avec les enfants doit donc être lu à un autre niveau, dans la modification des représentations et des actions des enseignants de retour, non seulement dans leur classe, mais dans leur école et leur quartier. On imagine volontiers la diversité des situations selon l'ensemble des conditions de création des centres. Sans revenir ici sur les grandes options pédagogiques visibles dans l'emploi du temps des enfants (la place d'un enseignement disciplinaire, le rôle du projet, etc.), la question se pose d'un temps spécifique de "formation" des adultes accompgnant les classes accueillies. Plusieurs étapes sont à considérer : la préparation des séjours, le travail au quotidien, le bilan et suivi du séjour.

5.1. PREPARATION DU SEJOUR
La préparation directe des séjours est parfois précédée par de l'information auprès des enseignants, y compris comme à Roubaix dans le cadre de l'animation pédagogique de circonscription. La préparation directe se fait avec les enseignants des classes concernées. Plusieurs séances sont nécessaires.

5.1.1. Dunkerque
Deux classes sont accueillies simultanément au centre de classes-lecture
- 1 réunion d'information d'1 ou 2 journées en fin d'année scolaire pour les candidats potentiels
- 1 semaine de préparation (stage de 24 heures) en début d'année pour ceux qui ont été retenus permettant de définir le projet et d'élaborer un projet d'écriture
- 2 rencontres dans la classe du maître accueilli avant sa venue au centre pour mettre au point le projet, procéder à une évaluation diagnostique des enfants en fonction du projet et constituer des groupes de travail.

5.1.2. Grenoble
Les séjours s'organisent à deux niveaux : premièrement au niveau des deux classes qui viennent l'une après l'autre au centre-lecture et à l'école Lac-Bouleaux ; deuxièmement au niveau de l'école qui postule (le site) pour préparer le stage lecture dans les deux classes de cycle 1 ou 2 dont l'instituteur sera déchargé et pour les animations lecture autour de la BCD touchant toute l'école.

Leur préparation nécessite :
- une rencontre de 3 heures avec le conseil des maîtres de l'école, les différents partenaires de l'école (bibliothèque, etc.)
- une rencontre avec tous les parents de l'école pour informer et inviter à participer
- une rencontre avec chacun des instituteurs de cycle 1 ou 2 remplacé dans sa classe
- une rencontre avec les maîtres concernés par les animations lecture sur site
- une réunion en cours de stage avec les parents de chaque classe de cycle 1 ou 2 pour faire le point sur le déroulement du stage lecture
- une réunion bilan avec le conseil des maîtres, les intervenants et la municipalité.

5.1.3. Alpes-Maritimes
Un séjour concerne 2 classes de la même école. Ils sont précédés de :
- 2 rencontres de 2 heures avec les enseignants afin d'élaborer ce que pourrait être le projet.
- 1 rencontre avec les animateurs qui prennent les enfants en charge les après-midi afin de se mettre d'accord
- 1 rencontre de 2 heures avec les enseignants, la municipalité et les parents pour présenter la classe-lecture, informer sur les activité des enfants, proposer de participer au séjour.

Les enseignants ont la possibilité, dans les années qui suivent, de participer à l'encadrement d'un séjour dans une autre école.

5.1.4. Roubaix
Information dans le cadre des animations pédagogiques
- à la rentrée, rencontre d'une journée avec les enseignants retenus afin de choisir les objectifs, les modalités de fonctionnement, le projet
- 1 rencontre d'une journée dans la classe du maître accueilli afin de prendre contact avec les enfants et les familles et procéder à une évaluation diagnostique des enfants en fonction des projets
- 1 rencontre de 3 heures au centre afin de constituer des groupes de travail, choisir des activités et assurer la préparation matérielle du séjour.

5.2. TRAVAIL AU QUOTIDIEN
À Roubaix, les enseignants accueillants et accueillis font très souvent "classe" en parallèle et un temps formel de concertation est organisé une ou deux fois par séjour. Dans les autres centres, le maître accueillant prend en charge la classe puis le maître accueilli intervient progressivement au cours du séjour après un travail de préparation en commun. Dans les Alpes-Maritimes et à Grenoble, après une semaine d'observation, les enseignants accueillis prennent en charge progressivement les activités d'enseignement et de théorisation (aides à la lecture, présentation de livres, lecture de "Tapage" ou de "La Chronique", etc.). Pour les Alpes-Maritimes, les 'non enseignants' sont tenus de faire une présentation de livres et certains choisissent de participer quotidiennement au comité de rédaction. À Dunkerque, après les 2 semaines d'observation, l'accueilli peut prendre en charge la classe (sa classe) pour "s'essayer" les 2 matinées restantes.

5.3. CONCERTATION
5.3.1. Dunkerque
Alternativement deux réunions par semaine pour chaque enseignant accueilli, en début d'après-midi durant les ateliers sportifs afin de faire le point et de préparer le lendemain.

5.3.2. Grenoble
Il y a une réunion de concertation hebdomadaire pour suivre l'avancement des projets. Un après-midi par semaine est consacré à de la formation (théorisation) sur la production d'écrit, un autre sur la BCD, un autre sur la présentation de livres et un sur les projets prenant en charge les prolongements lors du retour dans l'école. En outre, le maître accueilli doit rédiger dans le numéro 1 de "La Chronique" un article dans lequel il indique à ses élèves les raisons de sa candidature à un séjour au centre de classes-lecture et un autre en fin de séjour pour préciser les perspectives et proposer un bilan du séjour.

5.3.3. Alpes-Maritimes
Chaque jour de 13h.30 à 15h.30, les enfants sont en ateliers avec des animateurs, ce qui permet aux enseignants de travailler ensemble et de se former en préparant le travail du lendemain. Cette préparation se poursuit entre 17 et 18 heures après le départ des enfants.

Enfin, dans certains centres, des actions sont entreprises en direction des autres intervenants et également des parents. Dans les Alpes-Maritimes, des réunions (1 ou 2) sont organisées en soirée pour les parents. À Grenoble, la participation des parents au séjour est sollicitée. De même à Roubaix où cette relation avec les familles a impliqué le centre dans une collaboration avec la médiathèque locale pour la formation des intervenants en BCD, des parents et des animateurs périscolaires.

5.4. BILAN ET SUIVI DU SEJOUR
5.4.1. Grenoble
Un stage de 5 semaines encadré par le centre de classes-lecture et le centre audiovisuel sur le thème : "Lire et produire des écrits et des images" et s'appuyant sur un séjour en classe-lecture en cours est ouvert à l'ensemble des instituteurs du département. Les instituteurs ayant participé à des séjours-lecture peuvent s'y inscrire..

5.4.2. Roubaix
Un suivi des projets entamés au centre de classes-lecture est possible pour les enseignants qui le souhaitent avec des interventions des formateurs du centre au sein de la classe.

5.5. CONCLUSION
Ce qui colore le budget-temps des adultes accueillis, c'est l'aspect compagnonnage entre pairs. Et c'est sans aucun doute une caractéristique forte des centres de classes-lecture. Le maître de stage commence par travailler lui-même devant l'apprenti, avec le matériau de celui-ci (les élèves) et sur la durée. Ce dispositif de formation fonctionne sur une double décentration. Le maître accueilli peut opérer un retour réflexif sur sa propre pratique à travers le regard qu'il pose sur la pratique d'un autre. Ce "luxe" est d'ordinaire réservé aux conseillers pédagogiques et aux inspecteurs, voire aux professeurs d'IUFM, qui n'ont pas ou plus de lieu personnel de réinvestissement pratique et s'en servent seulement pour conseiller ou enseigner des enseignants, c'est-à-dire qu'ils procèdent vis-à-vis de l'apprenti d'une manière différente de celle qui leur a permis de "savoir" ce qu'ils cherchent à transmettre. Il ne s'agit pourtant pas ici de prôner la leçon modèle mais de faire réfléchir au pouvoir formateur de cette décentration qui permet à un professionnel (l'accueilli) d'opérer un retour réflexif sur sa pratique à partir de l'observation d'un autre professionnel (l'accueillant). Une seconde décentration porte cette fois sur l'élève qui n'est plus ici considéré comme le propre obstacle au projet qu'on a sur lui (projet qu'il comprenne ou qu'il fasse ou qu'il se taise, etc.) mais comme acteur dans un événement dont on ne porte pas la responsabilité. C'est sans doute alors, parce qu'on n'a pas à vaincre sa "résistance", qu'on peut découvrir sa cohérence et réfléchir à la manière dont l'interaction pédagogique prend (pour le "bon" élève) ou non (pour le "mauvais") appui ordinairement sur un comportement global.


6. LES PROJETS
C'est évidemment un des points sensibles de toute organisation pédagogique, point déjà évoqué précédemment à travers le budget-temps de l'enfant.

6.1. DES EXEMPLES DE PROJETS REALISES
Nous donnons ici une fiche descriptive d'un des projets de chacun des centres.

6.1.1. Dunkerque
Ce projet concerne une classe de CM1 impliquée dans l'écriture d'un livre de contes. Au départ, l'enseignante a choisi, seule, ce projet d'écriture de contes car, de formation scientifique, elle travaillait très peu l'expression écrite et, à son avis, de manière superficielle. De plus, elle ne travaillait pas du tout par projet car, selon elle, c'était trop difficile avec une classe de 29 élèves. Pour que les enfants s'approprient le projet, elle les a imprégnés de lectures de contes et leur a proposé d'aller en classe-lecture-écriture pour écrire un conte. Les étapes suivantes ont été franchies :
- imprégnation de lectures de contes dans la classe d'origine
- élaboration d'un schéma de structure par les enfants (toujours dans la classe d'origine)
- séjour en classe-lecture
- implication des enfants dans le projet d'écriture
- définition du produit fini : livre de contes (3 contes seront écrits à partir d'une même situation initiale : "une histoire en cache une autre", titre choisi par les enfants). Chaque groupe va écrire son propre conte
- planification des tâches
- retour dans la classe d'origine : illustration et fin de l'écriture

Régulièrement, des moments de contrôle du produit ont été aménagés par le maître avec les enfants pour juger de l'adéquation du produit en cours avec l'objectif initial. Les élèves de cette classe n'ont pas réalisé la maquette du livre. Ce livre a été diffusé dans la bibliothèque de quartier, la mairie, la BCD de l'école. Il a été offert à tous les enfants, à la maîtresse et à l'IEN.

6.1.2. Grenoble
Le projet concerne la réalisation d'une exposition-vente de livres..

Présupposés et Cadre général du projet : L'exposition-vente de livres est une action menée par une école en direction de son quartier, avec l'aide de partenaires : bibliothécaires, libraire, pa-rents… Elle devient ainsi le moyen pour favoriser le développement d'une culture de l'écrit ! Elle doit permettre à ses acteurs - enfants, adultes, - de prendre du pouvoir sur cette culture de l'écrit. Une exposition-vente de livres est une opération coopérative, de promotion des livres et de la littérature jeunesse, où les enfants transformés en conseillers à la vente vont utiliser leurs compétences de lecteurs en se mettant au service d'un public.

Réalisation : L'ensemble de l'école (le site), l'ensemble des groupes de projets en classe-lecture travaillent en vue de réaliser une exposition-vente de livres sur site.

Chaque groupe et classes ont en charge la tenue et l'animation d'un stand de l'exposition-vente de livres.

Pour que chacun se sente responsable et pour que l'information passe le mieux possible, un comité d'organisation a été créé. Il comprend des élèves délégués des classes restées à l'école (4 CE1-CE2, 2 CP, 2 GS maternelle), l'instituteur du centre-lecture (½ temps BCD) et des parents. Les délégués ont été choisis ou élus. Cette procédure a d'ailleurs fait l'objet de discussions dans le quotidien du centre de classes-lecture La Chronique. Il a été convenu de 2 réunions par semaine d'environ 45 minutes les lundis et jeudis matin (les parents ne sont pas toujours présents mais y sont invités). À l'issue de chaque réunion, un compte-rendu est donné aux classes et chaque délégué est tenu d'en faire un rapport oral dans sa classe.

Les premières réunions ont été consacrées :
- à expliquer l'utilité d'une expo-vente
- au rôle des délégués
- aux tâches à accomplir
- à trouver un libraire susceptible de reprendre les livres invendus et de faire une remise intéressante.

Les enfants ont donc écrit à plusieurs libraires. Deux ont répondu. Le "mieux disant" a été retenu. Peu à peu, au cours de réunions suivantes, tous les différents points ont été abordés et leurs réalisations suivies de près. Tout ceci a donné lieu au choix d'un logo pour l'école, à un concours d'affiches, à l'élaboration d'un texte pour les invitations et à la création d'un slogan " Vivre les livres ". La tenue de 11 stands correspondant à 11 thèmes a été décidée.

Pour la tenue de ces différents stands, des responsables enfants et parents ont été désignés et un planning de roulement a été établi. Les parents se sont engagés à tenir un buffet et une buvette et à aider les enfants dans leur stand. Afin de faire vivre les livres dans chaque stand, des animations conçues par ou avec les enfants sont proposées. Ce sont des devinettes, puzzles, jeux, coloriages, découpages, recherches de personnages, etc.

Pour que chacun s'intéresse à tous les stands, le fil conducteur est un grand jeu. Chaque stand propose 2 questions, une pour le cycle 2, une pour le cycle3. Un bulletin réponse est donné à cha-que enfant et les réponses justes récompensées. Le même projet est mené, dans le même temps, à l'école du Lac-Bouleaux. Des échanges d'expérience et une collaboration se mettent en place notamment par l'intermédiaire de " La Chronique " (journal quotidien interne du Centre-Lecture).

6.1.3. Alpes-Maritimes
Un projet CE1 / CE2 : un journal pour l'école

6.1.3.1. Le commanditaire et comment il a été défini :
Les enseignantes avaient déjà eu la pratique d'un journal scolaire dans l'école mais il avait vite été abandonné parce que d'après elle "c'était un fourre-tout". Elles décidèrent de profiter du séjour classe-lecture pour enclencher un autre processus. Nous leur proposons d'aider les enfants à produire un numéro 00 qui serait alors critiqué par ses futurs lecteurs.

6.1.3.2. Déroulement :
Jour 1 : est défini avec les enfants et les adultes de la classe (l'animateur classe-lecture, l'institutrice, la directrice du centre de loisirs de Roquebrune, une maman) le projet. Trois fiches sont proposées au groupe : une fiche définissant le projet, une fiche "plan de travail des trois semaines", une fiche "ce qu'il y a faire et qui le fera".

Jour 2 : rappel du projet, observation du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Première décision : observation d'une cinquantaine de journaux scolaires par groupes. On écarte ceux qui ressemblent plutôt à des magazines, des revues. Parmi les journaux retenus, chaque groupe choisit celui qui lui semble le plus intéressant. Collectivement, un certain nombre de critères sont dégagés

Jour 3 : rappel du projet, observation du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Nous établissons une liste de tout ce que les enfants pensent trouver dans un journal.

Jour 4 : rappel du projet, observation du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Afin d'aider les enfants, les adultes, à partir de la liste de la veille, ont établi une grille d'observation. Chaque enfant a un journal à observer : n°, date, périodicité, nombre de rubriques, nom des rubriques, nombre d'articles, titres des articles, qui a écrit les articles (anonymes, enfants, adultes).

Jour 5 : rappel du projet, observation du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Il est expliqué aux enfants que les adultes ont observé que beaucoup d'entre eux avaient du mal à comprendre ce qu'était une rubrique et que nous allons leur proposer un petit entraînement à partir des rubriques de Tapage et d'articles qu'il faut repositionner. Ensuite, à partir des rubriques découvertes en observant les journaux, les enfants doivent classer des articles tirés de ces différents journaux. Correction et analyse.

Jour 6 : observation du plan de travail. Récapitulation des différentes rubriques classées par les enfants et collées sur de grands panneaux. Observation de la fiche "ce qu'il y a à faire" : connaître les attentes des futurs lecteurs enfants et adultes, et qui écrira dans le journal de l'école. Un groupe établit un questionnaire pour les enfants (quelles rubriques souhaitent-ils ?), un groupe un questionnaire pour les parents pour connaître ce qu'ils aiment faire dans la vie, un groupe réfléchit à l'organisation de la mise en place du journal après la classe-lecture (qui écrit ? périodicité ? qui finance ? gratuit ou payant ? etc.).

Jour 7 et jour 8 : observation du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Un groupe dépouille les questionnaires parents, un groupe dépouille le questionnaire enfants, un groupe écrit une lettre à l'Association de parents et au maire pour le financement (étude de lettres officielles).

Jour 9 : observation, du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Le questionnaire enfants a montré que les enfants interrogés ne voyaient pas trop ce qu'il pouvait y avoir comme rubriques dans le journal ni à quoi cela pouvait correspondre. Toutefois, les adultes du groupe acceptèrent qu'on garde toutes les rubriques sélectionnées pour le numéro 0. : chronique, vie de l'école, vie dans le monde, culture (livres, musiques), loisirs (animaux, jardinage, bricolage, cuisine, jeux), histoires/poèmes.
Après un premier comité de rédaction, les enfants se répartissent dans les différentes rubriques et commencent à écrire. Difficultés pour les enfants qui ont choisi d'écrire une histoire. Pour la rubrique "Vie de l'école" un groupe va observer ce qui se fait en maternelle. Pour la rubrique "Vie dans le monde", il est proposé aux enfants de se servir de numéros de Tapage. Un groupe écrit pour la rubrique "loisirs" et a choisi de parler des animaux. Cela donne un écrit où tout est mélangé et ne peut intéresser personne. Tous les enfants ont beaucoup de mal à écrire.

Jour 10 : observation, du plan de travail et de ce qu'il y a à faire. Analyse et mise en commun de ce qui a été déjà écrit : les histoires ne sont pas des histoires, les écrits sur les animaux n'intéressent personne. Chacun retourne à son écriture puis pour certaines rubriques des mises en commun sont faites. Les enfants arrivent de mieux en mieux "à exprimer leurs ressentis" (selon l'expression de la maîtresse).

Jour 11 : observation et lecture de la pré-maquette réalisée par les adultes la veille. Chacun commente, analyse, critique, discute ce qui est écrit. On observe que les enfants ne s'impliquent pas assez, énumèrent bien souvent sans donner leur avis. Ils ne poussent pas leur réflexion pour comprendre et expliquer leur choix. Les enfants réécrivent ou retravaillent les différents articles.

Jour 12 : lecture collective du numéro 0 avec des illustrations.. Élaboration d'une grille de réactions qui sera proposée aux lecteurs de ce numéro 0 le lendemain lors du rallye-lecture élaboré par les C.P. pour les parents, élaboration d'un règlement pour le concours "Quel nom pour le journal de l'école ?" Un moment collectif est réservé à ce que les enfants pourraient faire l'après-midi avec les animatrices pour le stand " journal de l'école".

À suivre : l'analyse des grilles de réactions, le titre du journal, le financement, les numéros suivant. D'ores et déjà, les enseignantes ont mis en place pour le lundi matin qui suit la classe-lecture, des ateliers pour les trois classes dont un pour l'écriture du numéro 1 de l'école. Plusieurs numéros du 'Rataou News' sont déjà parus.

6.1.4. Roubaix
Les animaux fantastiques. (Réalisation d'un documentaire)

A partir d'un thème de base choisi, les animaux, le travail est commandité par le maître accueilli qui travaillera d'autres types d'écrits dans sa classe après le séjour .

L'objet de l'écrit est la réalisation d'un documentaire sur les animaux par un groupe de la classe du CE. Ce sera un bestiaire fantastique réalisé pour chaque enfant et qui réunira les créations de tous les membres du groupe. Deux exemplaires seront constitués en plus, un pour la BCD de la classe, un pour le Maître.

Le projet s'est déroulé suivant le processus temporel suivant :
- recherche des invariants du documentaire :
tri de textes, échanges, hypothèses et vérifications
réalisation d'un panneau mural qui servira de repères pour l'autocontrôle des écrits
étude des textes documentaires

- création graphique d'un "animal"
À partir d'images, dessin, photos repris dans divers documents, sur un calque, on reproduit diverses parties du corps de l'animal choisi qui s'ajoutent les unes aux autres pour former un animal inconnu fantastique.
- recherche des éléments constitutifs du corps et annotation de dessin
- recherche du nom de l'animal [nom généralement composé en deux parties accolées reprenant le nom des animaux choisis (ex: crocophant...)]
- écriture du documentaire imaginaire de l'animal, propositions étudiées collectivement et réécrites.
- activités de réécriture.
- fabrication des livrets.

6.2. ANALYSE
Le mot "projet" apparaît dans les options pédagogiques prises par les centres Lecture. Il s'applique à une forme de pédagogie. Mais il semble que cette pédagogie recouvre des pratiques différentes suivant les lieux.

6.2.1. Quelques constats
Les projets examinés sont ici ceux liés à une production de lecture-écriture.
. Si les projets se déroulent tous dans la matinée, la lecture des différents emplois du temps des enfants nous apprend que tous les centres n'y consacrent pas le même volume horaire, pendant un séjour :
- A Roubaix et Dunkerque, le temps consacré au projet est d'une demi-heure quotidienne par enfant sur les deux ou trois semaines du séjour, soit 1/12 du temps,
- Dans les Alpes-Maritimes, entre 60 et 75 minutes sont consacrées le matin au projet, et ceci durant les trois semaines du séjour ; l'après-midi, les animateurs culturels et sportifs poursuivent les projets dans leur réalisation matérielle. C'est donc sans doute plus du quart du temps qui y est consacré,
- A Grenoble, le temps consacré au projet est d'une heure trente à deux heures quoti-diennes par enfant pendant les quatre semaines du séjour, soit 1/3 du temps.

. On note également que suivant les centres, la gestion des projets n'est pas organisée de la même façon :
- A Roubaix et Dunkerque, l'emploi du temps est découpé en une suite d'activités : exercices de lecture et d'écriture, activités artistiques ou sportives, sorties culturelles... Curieusement, le temps consacré au projet lui-même peut passer inaperçu à la lecture de l'emploi du temps. Les centres précisent donc que ce qui est appelé "écriture ou atelier d'écriture" dans l'emploi du temps est le moment où les enfants produisent pour leur projet : rédaction des articles du journal, écriture des différents épisodes de l'album en cours de réalisation... Les autres activités mentionnées concourent à une acquisition de savoirs que les enfants pourront réutiliser au moment opportun pour mener à bien leur projet. Certaines de ces activités peuvent se mettre aussi au service des projets. Elles sont menées par des spécialistes (ou des enseignants), elles apportent un plus à la production finale : des illustrations pour l'album en cours d'écriture, une affiche pour annoncer une exposition par exemple.
- A Grenoble et dans les Alpes-Maritimes, le projet est un tout. Les différentes tâches à conduire pour arriver à la production finale sont listées par le groupe en charge du projet. Ces tâches peuvent amener le groupe à lire, écrire, échanger, dessiner, manipuler des outils informatiques, réaliser des affiches, faire des sorties... Des interventions de spécialistes (plasticiens, bibliothécaires, informaticiens...) sont parfois nécessaire à la réalisation du projet. Elles sont incluses dans le temps projet ou font l'objet d'une dérogation à l'emploi du temps type. Le groupe définit ses propres besoins de formation en fonction des difficultés qu'il rencontre lors de la mise en œuvre du projet. Les enfants peuvent être ainsi amenés à s'entraîner, systé-matiser pour acquérir une compétence nécessaire à la réalisation du projet : maîtriser certaines notions de bibliothéconomie pour tenir son rôle de conseiller à la vente le jour de l'exposition vente de livres, connaître les éléments constitutifs d'un article de journal pour rédiger un article du numéro 0 du prochain journal de l'école...

. Les projets aboutissent dans les quatre centres à une production qui allie lecture et écriture : journaux, plaquettes, expositions, multimédia, fiches techniques…

. Les destinataires de ces productions ne sont pas les mêmes d'un centre à l'autre :
- A Dunkerque, les productions restent internes au centre et visent donc le public du centre
- A Roubaix, certaines productions sont internes au groupe lui-même, d'autres visent l'école dont sont originaires les stagiaires, voire l'extérieur
- A Grenoble et dans les Alpes-Maritimes. les projets sont en majorité tournés vers l'extérieur (quartier, commune...) ou s'adressent à la communauté scolaire dont sont originaires les stagiaires. Les centres cherchent également à promouvoir les productions en créant un événement ou en participant à des manifestations culturelles : concours, tenue de stand à l'occasion de sciences en fête, édition d'une plaquette pour un musée. Le projet peut ne pas s'arrêter une fois la production finie, l'action menée : l'exposition sera retravaillée en plaquette diffusable à un plus large public, l'hypertexte sera imprimé en cédérom...

6.2.2. Deux conceptions de la pédagogie de projet
Volume horaire consacré aux projets, gestion du projet, place des activités périphériques aux projets, type de production à l'issue du projet, destinataires de ces productions, autant de points qui révèlent deux conceptions différentes de la pédagogie de projet.

Dans la première, le projet fait partie d'un processus de transmission de savoirs. Le projet tient lieu de mise en œuvre de ce qui a été enseigné, il devient un exercice vivant. Il est le point d'application des enseignements. On passe ainsi de l'enseignement aux apprentissages. Les enseignants y trouvent le sens à donner aux apprentissages de leurs élèves. Le projet est mis en parallèle à d'autres activités. On part d'un corps de savoirs constitués. Un état de la question est fait au moyen d'évaluations passés par les élèves. Des savoirs sont listés. Choisis parmi les "meilleurs", ils sont à acquérir ou à renforcer. Le projet est là pour mettre en prati-que ces savoirs. Le centre-lecture est un dispositif de transmission des savoirs avec des intentions normatives.

Dans la deuxième, le projet tente de mettre en place un processus de production de savoirs. Il est le point de départ de tout apprentissage. C'est un projet de vie. Dans le projet défini ainsi, les acteurs sont aussi bien des enfants que des adultes. Les activités de systématisation sont mises en place pour entraîner sur les difficultés rencontrées lors du projet.

Les classes-lecture de Dunkerque et Roubaix sont plus proches de la première conception : Transmission de savoirs, contrairement aux classes-lecture de Grenoble et des Alpes Maritimes qui se reconnaissent d'avantage dans la deuxième : Production de savoirs. Ceci s'explique sans doute par l'histoire de chaque centre : qui a créé le centre, quel cahier des charges a été mis en place, quels étaient les référents pédagogiques des différentes équipes ? Cependant les centres évoluent, il est préférable de les observer sur leurs pratiques plutôt que sur leurs intentions afin de mieux saisir quelle réalité recouvre pour eux au quotidien la pédagogie de projet.

6.2.3. Questions, réponses et précisions
6.2.3.1. Dans quel cadre s'inscrivent les projets menés au centre-lecture ?
A Grenoble, le centre essaie d'aider l'équipe qui dépose une demande de séjour à élaborer un projet qui peut être le point de départ ou un temps fort de la politique de lecture qu'elle met en place. Ce projet doit impliquer le plus de partenaires possibles. " Au cours des séjours, des groupes de 15 élèves environ, doivent notamment mener un projet à son terme. Les projets retenus répondent à une demande exprimée par une classe, une école, se rattachent à une manifestation culturelle ou bien encore créent l'événement. Tout projet débouche donc sur une production dont les destinataires sont identifiés dès le départ. La réalisation du projet in-cite à une réflexion sur la nature et les enjeux de la lecture et de l'écriture en même temps qu'elle en impose l'usage. C'est dans ce cadre qu'a été réalisé l'hypertexte hypermédia à partir de l'album Navratil éd. du Rouergue" Lac n°17

6.2.3.2. Comment se négocient les projets avec l'école ou les classes ?
Dans les Alpes-Maritimes et à Grenoble, une école pose sa candidature à un séjour en Classe lecture. Cette candidature est motivée par écrit. Après avoir analysé la demande, l'équipe du centre-lecture rencontre celle de l'école candidate. L'équipe du Centre fait des propositions. Les équipes définissent ensemble les objectifs particuliers au séjour et les moyens à mettre en place pour les atteindre. Ainsi elles élaborent le projet qui aboutira à l'action marquant le sé-jour.

Pour le séjour de Roquebrune Cap-Martin (dans les Alpes-Maritimes), " les enseignantes avaient déjà eu la pratique d'un journal scolaire dans l'école mais il avait été vite abandonné parce que d'après elles " C'était un fourre-tout ". Elles décidèrent de profiter du séjour classe-lecture pour enclencher un autre processus Nous leur proposons d'aider les enfants à produire un numéro 00 qui serait alors critiqué par ses futurs lecteurs. "

Dans un quartier de Grenoble, coincé entre la voix ferrée et l'Isère, excentré par rapport aux équipements culturels de la ville, le choix des 2 équipes s'est porté sur une manifestation cul-turelle. " L'exposition-vente de livres est une action menée par une école en direction de son quartier, avec l'aide de partenaires : bibliothécaires, libraire, parents... Elle devient un moyen pour favoriser le développement d'une culture de l'écrit ! Elle doit permettre à ses ac-teurs - enfants, adultes - de prendre du pouvoir sur cette culture de l'écrit. " Donc avec l'école Jean Macé, au cours du séjour 44, 6 à 7 groupes mènent un travail en parallèle. Cer-tains de ces groupes travaillent au centre-lecture (suivant des modalités déjà précisées dans les autres chapitres), d'autres travaillent dans l'école candidate avec l'aide de 2 enseignants du centre. Tous ces groupes participent à la création d'un événement culturel : l'exposition-vente de livres.

6.2.3.3. Comment les enfants sont associés à cette négociation ?
A Dunkerque, lors d'un séjour fin 1996, " A l'origine, les enfants regrettaient une mauvaise circulation des informations dans l'école, qu'elles soient internes ou externes au milieu sco-laire. Après discussion en classe, plusieurs solutions ont été proposées par les enfants dont celle d'un journal finalement retenue. Cette proposition soumise aux autres classes de l'école est entérinée. La classe de C.P. - C.E.1 bénéficiant du séjour lecture est mandatée par l'école pour élaborer le journal 0. "

Dans les Alpes-Maritimes., lors d'un séjour à Vallauris, les équipes du centre-lecture et de l'école candidate ont défini un projet. La production finale est une exposition présentant les tableaux de Picasso visibles au musée de Vallauris. Les groupes se constituent. " La com-mande est passée au groupe par l'animateur du centre-lecture et l'enseignante. Le projet est défini avec les 16 enfants et les 5 adultes constituants le groupe qui prend en charge le pro-jet. "

A Grenoble, le projet et les groupes de travail sont définis en concertation par les équipes d'adultes (centre-lecture - école candidate). Puis un numéro spécial de La Chronique (journal quotidien interne au centre) présente le travail des différents groupes ainsi que le projet pour lequel travaillent tous ces groupes. Les enfants choisissent avec leur instituteur le groupe dans lequel ils travailleront. Les enfants sont associés aux projets dans un deuxième temps. Ils sont informés du projet, des commandes qui leur sont passées. C'est dans l'exécution du projet qu'ils trouveront leurs places comme partenaires.

6.2.3.4. Quels partenaires sont associés au projet ?
Dans les Alpes Maritimes, pour le projet " Écrire sur des tableaux de Picasso " à Vallauris, " le projet est défini avec 16 enfants de la classe de CE1-CE2 de l'école en stage et 5 adultes (1 animateur classe-lecture, 1 institutrice, 1 C.E.S. animatrice de la B.C.D. de l'école élé-mentaire et 1 de l'école maternelle, un parent d'élève). "

A Grenoble, pour réaliser le projet " l'hypertexte hypermédia à partir de l'album Navratil éd. du Rouergue ", ont travaillé ensemble, " des élèves de cycle 3 des écoles Condorcet (Seyssins) et Lac/Bouleaux (Grenoble), un enseignant du centre-lecture, un enseignant du Centre Audio Visuel (Grenoble) et une bibliothécaire de la Médiathèque de l'Arlequin (Grenoble). "

6.2.3.5. Comment sont réparties les tâches entre les différents partenaires ?
A Grenoble, pour l'exposition-vente de livres (déjà citée), en parallèle des différents groupes qui travaillent tous à la tenue d'un stand de livres et à son animation, est créé un comité d'organisation. " Pour que chacun se sente responsable et pour que l'information passe le mieux possible, un comité d'organisation a été créé. Il comprend des élèves délégués des dif-férents groupes, un enseignant du centre-lecture et des parents. Il a été convenu de 2 réunions par semaine d'environ 45 minutes les lundis et jeudis matin. A l'issue de chaque réunion, un compte-rendu est rédigé. Il est publié dans La Chronique qui sera aussi le support des échan-ges, des débats tout au long de la réalisation du projet. "

Dans les Alpes Maritimes, le groupe de projet, à l'issue de sa première séance, peut comman-diter aux adultes des tâches précises qui permettront au projet de progresser à la séance sui-vante.

6.2.3.6. Quelle place ont les enfants dans le projet ?
Dans les Alpes Maritimes, le centre-lecture annonce que l'enfant est un des partenaires du projet. Sa parole est donc entendue au même titre que celle de l'adulte, elle peut amener une discussion dans le groupe qui se recentre par rapport à la commande initiale. Des traces écrites internes au groupe servent de références en cas de litige : une fiche définissant le projet, une fiche " plan de travail du séjour ", une fiche " qui fait quoi ? ". Un bilan des actions et de l'avancée du groupe est fait de manière systématique en fin de séance.

A Grenoble, La chronique sert de régulateur, les enfants peuvent y exprimer leur doute, y po-ser leur question, apporter leur point de vue. "Il n'y a pas de raison pour que les personnes qui vont à l'exposition-vente de livres se moquent de nous. Ce ne sont pratiquement que des parents qui viennent, ou des personnes de la famille, ou des amis. Est-ce qu'ils seraient capa-bles de faire aussi bien que nous ? Sonia, Eulalie et Sabrina disent qu'elles ont peur pour l'exposition-vente, peur que les adultes se moquent d'elles. Normalement ils n'ont pas à se moquer. En plus elles doivent savoir expliquer les livres ; ce n'est pas pour rien qu'on a fait une classe-lecture. Judith "

6.2.3.7. Comment les C.L. répondent-ils aux besoins de formation ?
A Grenoble, si les enseignants de l'école candidate ne sont pas, dès le premier jour, plongés dans le concret des différents projets et restent observateurs la 1ère semaine du séjour, c'est pour leur permettre de prendre du recul par rapport aux projets menés par les enfants qui aboutiront à l'action qui engagera leur école, leur quartier en fin de stage. C'est une école qui est en stage, ce ne sont pas des individus isolés. Les enseignants en stage au centre-lecture sont mandatés par leur école pour être les moteurs du projet retenu lors des concertations pré-alables entre le centre et l'école candidate. Ils sont observateurs des projets des enfants, ils sont acteurs du projet de leur école. Des temps de théorisation leur permettent de faire le point sur la pédagogie de projet mise en place au centre. Leur implication dans les projets menés par les enfants est lié au projet de leur école.

Dans les Alpes Maritimes et à Dunkerque, les adultes sont engagés dans les projets dès le dé-marrage du séjour. Un temps quotidien de théorisation est prévu pour faire le point sur la pé-dagogie que met en place le centre.

6.3. CONCLUSION
On ne dira sans doute jamais assez combien cette question de l'existence et de la nature du projet est centrale dans le débat pédagogique. Et, de ce fait, mal posée aujourd'hui, volontai-rement ou non. Ce qui est finalement en question, c'est de décider si le projet est affaire de pédagogie ou d'épistémologie. D'un point de vue pédagogique, le projet n'est jamais qu'un moyen dans une stratégie de transmission de savoirs et le débat oppose immanquablement d'une part ceux qui le situent au début de la séquence comme l'occasion de révéler les be-soins, mettre en situation les manques, rendre fonctionnels les investissements qui vont suivre ou, plus simplement, faire office de motivation et d'autre part ceux qui le situent au terme de la séquence comme l'occasion d'un réemploi, le dépassement de l'obstacle, le réinvestisse-ment et la systématisation. Les joutes opposent les tenants de la contextualisation et ceux de la décontextualisation du savoir. On en vient alors à des considérations sur le " coût " du projet dont on peut toujours craindre qu'il prenne trop de temps par rapport à ce qu'il prépare ou exerce. En opposition à ces dispositifs pédagogiques de transmission qui suppose l'extériorité du savoir, l'apprentissage de sa mise en œuvre et/ou sa rencontre fonctionnelle, la perspective épistémologique voudrait considérer le projet comme lieu et processus de l'élaboration du sa-voir. Il s'agit d'un projet de production réelle dans, vers et avec d'autres agents sociaux. Le savoir est alors défini comme ce qui se transforme chez l'individu par son entreprise d'agir sur le monde pour le transformer, une sorte de refus de la séparation entre travail productif et tra-vail intellectuel, une réflexion sur la différence entre connaissances qui se transmettent et sa-voirs qui s'élaborent et dont la nature et l'effet vont dépendre de la situation dans laquelle ils sont produits. On voit bien que ces deux conceptions du projet se partagent les options des centres de classes-lecture et sans doute de manière plus lucide que dans les débats habituels.


7. LES ACTIVITES D'ENSEIGNEMENT
Le choix a été fait de décrire les activités d'enseignement à travers les temps d'apport d'informations, de retour réflexif sur des pratiques et de systématisation

7.1. LES DIFFERENTS TYPES D'APPORTS D'INFORMATION ET/OU DE THEORISATION
Il est évident que la conception de l'enseignement entretient des relations fortes avec le débat précédent autour du projet conçu comme démarche de contextualisation ou de décontextuali-sation de ce qui est objet d'enseignement ou comme situation mettant en œuvre un travail produisant indissociablement de la transformation du réel et cette transformation particulière de l'acteur sous forme d'élaboration de savoirs. Nous recensons ici les modalités d'apports d'informations, de faits, de connaissances, investissements indispensables et qui ont souvent été critiquées sous l'appellation d'enseignement magistral alors que ce qui est condamnable, c'est de confondre connaissances et savoirs, produits et processus et de croire que l'apprentissage résulte de l'enseignement. Nous sommes ici plutôt dans l'hypothèse que l'enseignement est l'ensemble des aides apportées à l'apprentissage, ce qui suppose qu'on ait réfléchi en amont aux situations dans lesquelles celui-ci peut avoir lieu et qui ne se confondent pas avec les aides qu'on lui apporte. La mise à disposition d'informations, de faits, de techni-ques, de connaissances, etc. est une composante nécessaire de l'enseignement, de même que les temps de théorisation ou de retour réflexif qui permet, souvent en petits groupes, de pren-dre conscience et de formaliser les processus et les savoirs à l'œuvre dans la réalisation de tâ-ches complexes.

7.1.1. Dunkerque
Des activités régulières sur la reconnaissance des différents types de textes et les écrits qui leur correspondent sont menées régulièrement. Les moments d'apports d'informations et de théorisation consistent souvent en des échanges oraux entre enfants et/ou avec le maître. Par exemple :
- comment reconnaître un type d'écrit et sa fonction sociale ?
- comment entrer dans un écrit défini pour le lire efficacement ? (lecture linéaire, sélective, partielle, etc.)
- définir au mieux les stratégies élaborées par les enfants pour 'résoudre' un 'problème' de lecture ?
- comment fonctionne une bibliothèque municipale ? à quoi sert-elle ? comment est est-elle organisée ? (classement, espaces, documentaires, presse, etc.)
- comment écrire un type d'écrit spécifique ?

7.1.2. Grenoble
7.1.2.1. Des activités de bibliothéconomie
Elles permettent de réordonner ou théoriser des données utiles à la réalisation des projets (pae exemple, pour l'exposition/vente de livres, les enfants tiennent un carnet de notes de lecture pour être plus efficaces dans leur rôle de conseiller à la vente).

Identifier le genre des écrits (tri de textes)
- les enfants ont chacun une ou deux fiches d'écrits différents : documentaires, fictions, maga-zines, etc. Travail individuel d'observation
- Mise en commun. Échanges et identification des écrits. Manipulation des livres.
- Remettre les écrits dans les bons livres. Recherche d'indices.
- On reprécise les genres

Les premières de couverture
Repérer titre, auteur, éditeur, lecture de l'illustration, du résumé, du sommaire. Hypothèses sur le thème, le sujet du livre.

Le chemin du livre
depuis sa conception jusqu'à sa diffusion.

Les catalogues
Les maisons d'édition, leur politique éditoriale à travers les collections qu'elles publient.

Une page de documentaire
Structuration d'une page ; comment on entre dans un documentaire ; observation d'une page dans plusieurs types de documentaires ; les hiérarchies dans la page.

La médiathèque
Organisation, inscriptions, prêts individuels.

Un quotidien régional
Carte des quotidiens régionaux ; les différentes éditions du Dauphiné ; observation des rubri-ques, organisation du quotidien (pages locales, régionales, nationales, publicité, etc.) ; obser-vation de la " une " et fabrication d'une " une " personnelle à partir de titres choisis et décou-pés dans les quotidiens ; rencontre avec le directeur des correspondants du Dauphiné.

7.1.2.2. Des activités autour de différentes techniques de lecture
Livret d'accompagnement d'ELMO
Ce petit livret apporte des informations sur les raisons d'un entraînement en lecture et l'utilisation pratique du logiciel Elmo.

ATEL
Utilisation du fichier ATEL (atelier d'entraînement à la lecture -MDI-) comme support de théorisation des exercices d'Elmo.

7.1.3. Alpes-Maritimes
Séjour 1 : trois classes CP - CE1/CE2 - CM1/CM2

7.1.3.1. La lecture de Tapage, en particulier de la rubrique Pourquoi/comment :
Tapage est le quotidien des Classes-Lecture destiné uniquement aux enfants et aux adultes qui y participent. C'est un outil de réflexion pour des individus qui ont un vécu commun. Une des rubriques " Pourquoi/comment " permet une réflexion sur les apprentissages. Au cours du séjour, des textes abordant les questions suivantes ont été écrits et discutés le matin pendant la lecture de Tapage: à quoi cela sert de lire, comment j'ai appris, copier sur, travailler à l'école seul ou en groupe, faire des fautes, qu'est-ce qu'une B.C.D., à quoi sert le travail sur le texte long.

7.1.3.2. Les activités autour de l'écriture de Tapage :
- aide à l'écriture : avant l'écriture, l'adulte qui participe au groupe Tapage, redéfinit le "pour qui on écrit". Ensuite, au cours de l'écriture, il est le premier lecteur du texte de l'enfant, réagit devant l'enfant en tant que lecteur puis l'aide à mener sa réflexion un peu plus loin et à donner de la cohérence à son texte.
Exemple : le texte de Didier sur les punitions dans Tapage n°5. Didier écrit "Oui, les punitions servent pour qu'on ne recommence pas. J'en pense que c'est pas bien quand on a 50 lignes- Alors, si on en a cent, c'est insupportable. " L'adulte lit et dit : "Peux-tu donner un exemple qui te concerne ?" Didier écrit : "Moi, j'ai déjà été puni avec des lignes alors ça m'a servi de leçon parce que j'avais donné un coup de pieds pour me défendre." L'adulte lit et dit : "Je suis un autre enfant, je sais que je peux t'embêter puisque tu ne te défendras pas." L'enfant écrit : "Maintenant je me défends en allant dire qu'il m'embête. " L'adulte lit et dit : "Je suis un autre enfant et je dirais que tu es un rapporteur". L'enfant écrit : "On me traiterait de cafard. S'il me donne un coup de pied, je lui rends. " L'adulte lit et dit : "Mais, tu écrivais que les punitions servaient de leçons. Le problème est peut-être ailleurs alors. " Et en redéroulant le scénario de l'écriture, il essaie de montrer que c'est en imaginant les réactions de lecteur et maintenant en essayant de comprendre l'incohérence que l'écriture commencerait vraiment. Mais, l'heure de récréation met fin à ce travail.

- aide à la réécriture : les enfants qui, la veille, ont écrit pour Tapage doivent comparer individuellement la réécriture de l'adulte et leur texte. Un moment en commun permet un échange sur cette réécriture et une réflexion sur l'écrit. Une consigne pour la réécriture d'un texte de Tapage est alors donné.
Exemple : le texte de Guillaume sur un accident de la route évoque principalement le sort de la voiture. La réécriture de l'adulte insiste sur cet aspect : ". -Pauvre Petite Voiture ! Avant hier sa vie s'arrêta, Écrasée et aplatie. Pauvre Petite Voiture... " Après discussion sur les rai-sons de la réécriture, l'adulte propose une réécriture en prenant en compte les occupants de la voiture : des militaires. Un enfant propose comme titre : Pauvre petit militaire. Thibault écrit alors : "Pauvre p'tit militaire, Il était si beau, ... Il montait la garde... Avant hier sa vie s'ar-rêta, Explosé par un obus... On l'a retrouvé en 5 morceaux. "

7.1.3.3. Les activités d'enseignement au cours du projet :
Au cours du projet de nombreuses activités d'enseignement ont lieu. Exemples : pour le be-soin du projet, un groupe d'enfants a dû écrire une lettre à l'Association de parents et au maire pour une demande de subvention. Après avoir fait un premier jet, nous avons proposé aux en-fants une réflexion et une théorisation à partir de lettres officielles (celles envoyées et reçues à l'école). D'autres moments : la composition d'un journal, le tableau à double entrée, prendre des notes.

7.1.3.4. Les activités B.C.D. :
Au cours de ce moment, les enfants ont pu participer à des échanges quotidiens à partir du travail effectué. Ces échanges ont porté sur les points suivants :
- comment organiser un travail de recherche en groupe,
- sur quels indices s'appuyer pour établir une typologie de textes. Le travail s'est fait par deux.
- comment classer les livres dans une bibliothèque : les fictions, les documentaires, autres (en grand groupe),
- comment organiser une recherche dans un documentaire (individuellement)
En milieu de séances, un premier moment de réflexion se déroulait : chacun expliquait com-ment il avait organisé son travail (ou comment ils s'étaient organisé au sein d'un groupe) et sur quels indices il s'était appuyé pour répondre à la consigne.
- en fin de séance, un deuxième moment de réflexion avait lieu pour faire le bilan.

7.1.3.5. Les activités de lecture :
autour d'ELMO :
- analyse des résultats au test : la vitesse, la compréhension, l'efficacité, présentation d'un tableau montrant où se situerait des comportements de lecteurs.
- montage diapositives : travail sur l'anticipation, les empans, les prises d'indice, la dis-crimination, etc.
remise en ordre d'un texte : le ballon rouge.
autour d'un texte long : un travail systématique d'analyse et de réflexions>sur la langue écrite a été mené à partir de trois moments de la Montagne interdite. Entre les trois moments choisis, un adulte lisait à haute voix le texte :

- moment 1 : dictionnaire alphabétique des mots du début de l'histoire, recherche des mots qui sont écrits le plus souvent (père 9 fois, grand 8 fois, berger 5 fois, moutons 4 fois, etc.). On sait maintenant dans ce texte que l'on nous parlera d'un grand-père et d'un berger : quand nous évoquons les bergers, à quoi pensons-nous ? (bergerie, brebis, chien, montagne, sommets, brouter, laine, etc.) Les enfants donnent les mots pendant qu'un adulte les écrit au tableau. Il sollicite à chaque fois un contexte ou demande aux enfants d'épeler le mot pour pouvoir l'écrire. Retour au dictionnaire : recherche des mots par ordre de fréquence. On écrit les mots que l'on trouve neuf fois, puis huit fois, etc. L'adulte écrit les mots au tableau dans des colonnes de fréquence. Il écrit systématiquement un homonyme, ajoute ou enlève une majuscule ou une lettre lorsque l'enfant ne donne pas le contexte ou n'épelle pas le mot (là pour la, paire pour père, mois pour moi, etc.) Chaque moment donne lieu à une analyse plus approfondie sur les mots : on écrit pas des sons mais du sens. Dans chaque colonne, on en-toure les mots porteurs de sens. Puis analyse de quelques mots outils qui vont permettre de voir comment pourrait être écrit le texte : mon, je, m'. Etc.

- moment 2 : reconstitution d'un passage. Dans un premier temps, le dictionnaire est proposé. Quelques exemples de réflexions :
grand peut aller avec bois, père, loup, bâton ; grands avec buissons, agneaux, bois, coups (pour les ronces, il nous faudrait grandes). Comment savoir que "bois", c'est le bois. Cela pourrait être bois de "je bois".
larmes et loups : "le loup a pu manger les agneaux et il pleure". Intervention de l'adulte: si "mangés" est écrit quelle peut être la phrase "Le loup a mangé les deux agneaux. " L'adulte : "L'écriture est correcte mais il n'y pas de s". "Les deux agneaux ont mangé le loup. " l'adulte : "Toujours pas de s. " "Les agneaux ont été mangés parle loup." L'adulte donne un autre exem-ple : "Le loup les a mangés. "
cherchaient : "Le grand-père et le petit cherchaient les agneaux. " "Mais, le grand-père n'est pas là. Il ne sait pas que les agneaux se sont échappés". etc.
Dans un deuxième temps, le squelette du passage est proposé : travail sur la structure du texte à partir de la ponctuation, etc. Ensuite, par deux, les enfants essaient de reconstituer le texte.

- moment 3 : écrire la fin de l'histoire : respect de l'écriture à la première personne et de la chronologie de l'histoire.
Ce travail a été mené avec les enfants de CE2 et certains de CM1. Les autres CM1 et les CM2 ont fait le même travail. Toutefois, le travail du moment 1 sur le dictionnaire a consisté dans une recherche des mots (porteurs de sens ou outils) qui désignent : des êtres humains et des animaux, des qualificatifs, des lieux, des moments, des actions.

7.1.4. Roubaix
Les apports d'informations sont faits en fonction des projets réalisés en lecture et en écriture. Ils ne sont pas systématiques mais répondent à une demande formelle ou informelle. Il s'agit généralement d'éléments d'information donnés à un ou plusieurs enfants, voire au groupe, mais pas à l'ensemble de la classe. Ces apports sont souvent faits oralement et ne posent pas toujours la question de la confrontation ou de l'échange avec les autres.

Les théorisations sont réalisées au cours d'apprentissages qui sont prévus dans les séjours. Elles concernent :
- des activités à la BCD (connaissance de la BCD et de son fonctionnement, classe-ment, rangement, connaissance de l'objet " livre ", etc.)
- l'informatique (clavier, souris, utilisation d'un traitement de texte, etc.)
- l'écrit (invariants des écrits travaillés, règles d'écriture, etc.)

7.2. LES ENTRAINEMENTS SYSTEMATIQUES
Il s'agit souvent ici d'une familiarisation avec des outils dont l'usage aurait tout avantage à être systématique comme l'emploi d'un traitement de texte ou une méthode de dactylographie ou des recherches dans des fichiers matières ou des systèmes de codage pour des corrections, etc. Il s'agit aussi de matériel et des techniques visant explicitement un entraînement afin de développer des compétences techniques intervenant dans des stratégies plus globales. On peut parler ici d'exerciseurs, au sens de s'exercer jusqu'à l'obtention d'un résultat satisfaisant. Là encore, ces exercices ont pu être décriés et assimilés à du dressage mais on sait mieux au-jourd'hui que l'aisance effective résulte, non pas d'une automatisation mais d'une prise de conscience, d'une compréhension des processus en jeu et de l'anticipation de leur nécessaires variations en fonction de situations qui sont toujours nouvelles.

7.2.1. Dunkerque
7.2.1.1. Pour la production d'écrit
Liste analogiques codées (orthographe grammaticale majoritairement) ; codes de correction ; grilles de relecture ; cahier de repères ; dictionnaires et usuels ; traitement de texte..

7.2.1.2. Pour les activités de lecture
Reconnaissance et entrée dans différents types d'écrits ; compréhension globale ; compréhen-sion de l'explicite, de l'implicite ; anticipation ; émission et vérification des hypothèses for-mulées ; utilisation du contexte ; enrichissement du vocabulaire ; recherche documentaire...

7.2.2. Grenoble
7.2.2.1. Elmo, Elsa
Il s'agit le plus souvent de démarrer un entraînement en lecture sur micro-ordinateur. L'accent est mis sur le sens et les enjeux d'un tel entraînement. Il est indissociable d'un travail sur l'acte lexique fait au moyen d'un petit livret (pourquoi et comment Elmo ? ), du fichier Atel et de la cassette " Le mouvement des yeux " (éd. A.F.L. Centre audiovisuel de Grenoble) ou du montage diapositives " L'acte lexique " (éd. A.F.L.).

7.2.2.2. Elmo International
Ce logiciel est utilisé avec des enfants petits lecteurs de cycle 3. L'accent là aussi est mis sur le sens et les enjeux de la lecture. Un texte est choisi comme support des exercices d'Elmo International. Là également, un travail sur l'acte lexique est mené au moyen des exercices d'Elmo International édités sur papier, de certains exercices d'Atel, et parfois également du montage diapositives " L'Acte lexique " ou de la cassette " Le mouvement des yeux ".

7.2.3. Alpes-Maritimes
7.2.3.1. Activités en BCD
- le test sur fiche : chaque enfant a dû indiquer de quel genre de livres provenaient les diffé-rents extraits (18)
- classer les fictions en : romans, albums, contes, poésie
- ranger et coter les fictions de l'école
- classer les documentaires avec la classification Dewey
- fiche : où trouver la réponse à cette question ?
- associer première de couverture, index et sommaire du même documentaire

7.2.3.2. Activité lecture
- test ELMO et analyse des résultats
- série d'ELMO en liaison avec montage diapos "l'acte lexique"
- texte "le ballon rouge" à reconstituer
- découverte du dictionnaire du début de "la montagne interdite"
- classement individuel des mots : lieux, personnages, temps, actions, etc.
- reconstitution d'un passage à partir de son dictionnaire
- écriture de la fin de l'histoire, comparaison avec la fin écrite par l'auteur (Giorda)

7.2.4. Roubaix
Les entraînements systématiques sont issus de 2 sources :
7.2.4.1. Ce qui relève d'un apprentissage au centre
La mise en place d'ateliers de travail autonome permet aux enfants de se trouver confrontés à une situation pédagogique nouvelle. Dans ce cas, il y a apport d'informations pour permettre aux élèves de comprendre la situation nouvelle, les réajustements se faisant durant le séjour (outils d'auto-contrôle, fiche et système de codage, etc.). L'objectif est autant les acquis tech-niques que l'autonomie dans la tâche.

7.2.4.2. Ce qui relève d'un apprentissage extérieur au centre
La mise en place d'ateliers permet aux enfants de poursuivre un apprentissage lié à un atelier autonome fait en classe. Elle s'oriente vers l'acquisition de savoir-faire (valider, se corriger, respecter les consignes, utiliser un appareil, etc.). Il en va de même pour toutes les activités présentées au centre incluant des techniques spécifiques (informatique, rétroprojecteur, etc.)

7.3. ANALYSE
Si l'on prend comme référent les classes-lecture de Bessèges où on rencontrait ces trois types d'activités : systématisation, théorisation autour d'ELMO, travail de bibliothéconomie :
- quelle est la dominante actuelle des classes-lecture existantes ? (que reste-t-il de notre modèle ?)
- quelles activités veulent promouvoir les classes-lecture : théorisation, systématisa-tion, bibliothéconomie?

Avant de commencer tout essai d'analyse, il semble nécessaire de donner quelques "défini-tions" d'usage en ce qui nous concerne.

Systématisation : à partir d'une découverte qui a conduit à une théorisation, il est demandé à l'enfant de réinvestir ce qui est supposé acquis dans un exercice décontextualisé. La théorisa-tion fortifie alors ses bases.

Théorisation : à partir de données observées au cours de différentes activités similaires ou non, une interprétation se met en place et les propositions théoriques qui voient le jour sont étudiées (mises en pratiques) et rediscutées, jusqu'à ce que le groupe énonce les propriétés qui conviennent au type d'activité.

Il semble nécessaire d'ajouter à ces activités la méthodologie, puisque dans deux des centres, Roubaix et Alpes-Maritimes, elle apparaît dans le budget temps de l'enfant.

Méthodologie : donner à chacun la possibilité de réfléchir et de s'exprimer sur la démarche qui lui a permis de réaliser ce qu'il avait à faire.

Les activités de ce type vont se rencontrer à différents moments des classes-lecture, regroupés arbitrairement en trois grandes catégories :
- lecture : ELMO/ELSA, ELMO INTER, ATEL, texte long, types de textes, types d'écrits et autres (non précisés si inscrits dans feuille budget temps) ;
- B.C.D. : bibliothéconomie, notes de lecture, objet livre, objet presse ;
- écriture : jeux/exercices, réécriture1, réécriture 2.

Si on compare systématisation, théorisation et méthodologie, dans les trois centres étudiés, les différences sont flagrantes. Il est cependant à noter que Grenoble et les Alpes-Maritimes res-tent malgré tout dans leur globalité plus proche que Grenoble/Roubaix ou Roubaix/Alpes-Maritimes.

7.4. DOMINANTES DES CLASSES-LECTURE EXISTANTES.
7.4.1. En ce qui concerne les activités de systématisation.
Quel que soit le centre, la dominante est la lecture, au cours de leçons de lecture ou de séances de "bibliothéconomie". Les centres de Roubaix et des Alpes-Maritimes maintiennent un équi-libre entre les activités de systématisation en lecture, B.C.D. et écriture, Grenoble concentrant ce type d'activités dans le domaine du lire.

À la lecture des document fournis pour ce type d'activités, il a été difficile de déterminer clai-rement pour tous les centres si les exercices proposés l'étaient systématiquement ou s'ils étaient réellement des exercices de systématisation. Point commun entre les centres : utilisa-tion des logiciels d'entraînement à la lecture de l'AFL. Mais le temps imparti par chacun à cette activité est bien différent.

Elmo 0 pour Roubaix. Simplement mentionné dans l'équipement de leur site informatique, mais n'apparaît pas dans le budget temps des deux séjours observés. Elmo pour Grenoble et les Alpes-Maritimes qui est associé à ATEL. A Grenoble le budget temps de l'enfant sur EL-MO est presque trois fois plus important que celui des Alpes-Maritimes.

7.4.2. En ce qui concerne les activités de théorisation.
Globalement ces activités sont mises en place principalement en lecture et BCD. Les centres de Grenoble et des Alpes-Maritimes y consacrent un temps conséquent, Grenoble étant le centre qui met le plus l'accent sur ce type d'activités, mais toujours, comme pour les activités de systématisation, dans le domaine du lire.

Il est à noter que le budget temps total de ce type d'activité est plus réduit que celui des acti-vités de systématisation pour tous les centres. Cependant, ces activités de théorisation ont un budget temps égal aux activités de systématisation pour ELMO et ATEL, dans les centres de Grenoble et des Alpes-Maritimes. Donc toujours trois fois plus important à Grenoble pour ELMO.

7.4.3. En ce qui concerne la méthodologie
Seul le centre de Roubaix laisse un temps à la méthodologie dans les différents domaines ob-servés : lecture, BCD, écriture. Dans les Alpes-Maritimes, c'est en activités BCD (bibliothé-conomie et objet livre) qu'apparaissent ces moments de méthodologie. Mais en temps réel, la méthodologie n'occupe qu'une petite part dans les activités d'enseignement.

7.4.4. Conclusion :
Les centres de Grenoble et des Alpes-Maritimes. ont un air de famille assez prononcé avec feu le centre de Bessèges. Les enfants ont grandi et chacun a suivi son chemin sur des voies diffé-rentes mais qui se rejoignent, se recoupent, s'éloignent, etc., dans le temps. L'environnement humain, les expériences de chacun influencent le cheminement de ces deux centres, mais la source de réflexion théorique transpire à travers les réponses données à leurs questionnement .

Ce sont les activités de lecture qui prédominent dans les centres observés avec :
- ELMO à Grenoble et dans les Alpes-Maritimes. À la différence de Bessèges, ATEL est utilisé en parallèle à ELMO à Grenoble. Type d'activité, systématisation, théorisa-tion. Grenoble est le centre qui consacre, de façon notable, le plus de temps au travail à partir d'ELMO et ATEL.
- travail sur un texte long, à Roubaix et dans les Alpes-Maritimes, ce qui ne se faisait pas à Bessèges. Dans les Alpes-Maritimes, le travail sur texte long occupe une place importante pour aboutir à une systématisation et une théorisation.
- sur les différents types de textes et d'écrits, à Grenoble et Roubaix. Systématisation, théorisation sur texte long et types d'écrits occupent à Roubaix une plus grande plage horaire.

Viennent en deuxième position les activités B.C.D. :
- la bibliothéconomie prend la plus grosse partie du budget temps de cette catégorie avec pour les Alpes-Maritimes, un pourcentage temps de méthodologie très nettement supé-rieur à celui des autres centres.
- les notes de lecture font partie des activités menées à Grenoble et Roubaix, mais pas dans les Alpes-Maritimes.
- l'objet livre est "étudié" dans les trois centres.
- l'objet presse fait aussi partie des activités d'enseignement à Grenoble, pour un des séjour observé (projet).

Grenoble est le centre qui laisse le plus de temps pour les activités B.C.D.

Les activités d'écriture arrivent enfin en troisième position :

S'il n'est pas question de Grenoble dans les lignes qui suivent c'est qu'ils n'ont noté aucune ac-tivité d'écriture pour les séjours observés.
- Jeux et exercices sont uniquement sous la forme d'activités de systématisation dans les Alpes-Maritimes et le budget temps qui leur est imparti est comparable aux activi-tés de bibliothéconomie, ELMO et texte long. En ce qui concerne le centre de Rou-baix, une place plus grande est laissée à la systématisation et à la théorisation. Un peu de méthodologie se glisse dans ces activités jeux/exercices.
- la réécriture : sous se mot il existe des pratiques bien différentes qui vont du toilet-tage à l'écriture de la lecture du réécriveur !

On peut visualiser ces informations à l'aide de quelques tableaux synthétiques.

À l'issue de cette observation des activités d'enseignement, on peut, malgré la diversité des pratiques d'un centre à l'autre, réaffirmer un principe commun qui est aussi une ligne de force de cette entreprise particulière de formation des adultes à travers les enfants. Ce qui frappe en effet, c'est à la fois la diversité de ce qui est proposé et l'importance dans l'emploi du temps que prend ce travail méthodique. Les classes-lecture réagissent ainsi à un certain vide pédago-gique qui suit parfois le stress du cours préparatoire. Si la rencontre de l'écrit est un apprentis-sage continu, encore faut-il donner un contenu au-delà de l'alphabétisation initiale. Certes, on a vu se développer les BCD mais davantage comme des lieux de proximité pour emprunter des ouvrages ou faire des enquêtes documentaires que comme lieu d'une observation métho-dique de la production écrite. On mise sur une exhortation à la lecture, y compris en utilisant des concours et des parcours en méconnaissant que le fameux plaisir de lire n'a rien de naturel pour la majorité des enfants qui n'en voient guère l'exemple dans leur environnement familial et social. Pour la majorité des élèves, le plaisir n'est pas un point de départ mais un point d'arrivée vers lequel il faut construire opiniâtrement un chemin et non miser sur de miraculeu-ses conversions. Pour devenir ensuite affaire de goût, la lecture doit se construire dans la né-cessité d'un programme qui allie le développement d'indispensables compétences techniques à la découverte guidée de territoires innombrables. De même pour l'apprentissage de cette nouvelle manière de penser qu'est l'écriture.


8. L'OBSERVATION DES ECRITS
L'observation des écrits reçus dans le cadre de ce chapitre doit permettre d'appréhender quelle approche de l'écrit développe chacun des trois centres ayant envoyé des écrits, au-delà des hy-pothèses de travail, voire des positions de principes qu'ils peuvent avoir émises.

Si l'écrit est envisagé majoritairement dans l'éducation nationale et dans l'esprit de la plupart des gens comme le moyen de transcrire une pensée préalablement élaborée à l'oral, comme un moyen de conservation et de communication de cette pensée et comme un moyen d'expression (les mots-clés se répartissent entre rédaction et expression écrite), en quoi les centres de clas-ses-lecture/écriture peuvent-ils être porteur d'une recherche permanente et d'une autre appro-che de l'écrit ?

Mais, l'observation des écrits ne peut se suffire à elle-même. Il faut encore explorer les condi-tions de leur production : durée, aides apportées avant ou en cours d'écriture, traitement ulté-rieur, etc. Dans certains centres, le travail sur les écrits initiaux des enfants (correction, mis en forme), voire leur réécriture, fait partie de la formation des adultes qu'ils soient enseignants, parents, animateurs de centre de loisirs, bibliothécaires,…

8.1. LES PRODUCTIONS REÇUES

Premier séjour

Deuxième séjour

support

Pagination

Parution

support

pagination

parution

Grenoble

Journal

4 B5

Quotidienne

Journal

4 B5

Quotidienne

Roubaix

Journal

12 A4

Fin de séjour

Feuillets questionnaire type " Trivial Pursuit "

8 feuilles

Fin de séjour

Alpes-Maritimes

Journal

2 A3 plié

Quotidienne

journal

2 A3 plié

Fin de séjour

Les centres de Grenoble et des Alpes-Maritimes n'ont fourni que des écrits produits quoti-diennement à l'exclusion de ceux produits dans le cadre de projets (cf. chapitre Les projets en classe-lecture). Ainsi, les écrits envoyés dans le cadre de ce chapitre sont ceux qui relèvent du seul projet : "travailler intensivement (journaux quotidiens) une autre approche de l'écrit". À l'inverse, le centre de Roubaix a donné les productions écrites finales dans le cadre d'un pro-jet.

8.2. LES DESTINATAIRES :
Premier séjour

Le lieu de

production

Le but

Le producteur

Le destinataire

Grenoble

La Chronique

Le centre lecture

Faire réagir, échanger, débattre, informer, éprouver les enjeux de l'écrit

Élèves du centre

Élèves et enseignants du centre

Roubaix

RouleTaBille

La classe lecture

Divertir, informer

Élèves de la classe-lecture

Élèves eux-mêmes, et les parents

Alpes-Maritimes

Tapages

La classe-lecture dans une école

Faire réagir, échanger, débattre

Élèves d'un groupe

Élèves et adultes en classe-lecture

Deuxième séjour

Le lieu de

production

Le but

Le producteur

Le destinataire

Grenoble

La Chronique

Le centre lecture

Faire réagir, échanger, débattre, informer

Élèves du centre

Élèves et enseignants du centre

Roubaix

Questionnaire

La classe lecture

Divertir, faire acquérir des connaissances

Élèves de la classe-lecture

Futurs élèves joueurs

Alpes-Maritimes

Tapages

La classe-lecture dans une école

Faire réagir, échanger, débattre

Élèves d'un groupe

Élèves et adultes en classe-lecture

- pour le centre de Grenoble, les producteurs sont les destinataires de " La Chronique " c'est à dire tous les participants au séjour lecture : enfants, enseignants, parents et les enfants et en-seignants des cycles 2 et 3 de l'école Lac-Bouleaux. Rappel : la particularité du centre est son implantation dans l'école du Lac-Bouleaux. Les séjours lecture sont étroitement liés à la vie de l'école : vie quotidienne, projets. " La Chronique " est le journal quotidien du centre et de l'école. Tous les groupes ou classes destinataires de " La Chronique " ont un temps de ré-flexion interne et un temps de réaction par écrit. Tous les textes sont lus et traités le jour même.

- pour les Alpes-Maritimes, les producteurs sont les élèves du groupe de projet Tapage et les destinataires sont tous les élèves de la classe-lecture, leurs enseignants, les enseignants-animateurs de la classe-lecture, les parents participant au séjour ;

- pour Roubaix, les destinataires semblent être en priorité les enfants eux-mêmes qui reparti-ront en fin de séjour avec leur production.

Dans le cadre d'une classe-lecture, la principale caractéristique de La Chronique et de Tapage est d'être produits par tous les enfants (ou un groupe d'élèves de la classe-lecture) pour être lus et débattus par tous les participants de la classe-lecture le lendemain matin. Les enfants doi-vent pouvoir alors évaluer quotidiennement la lecture qui est faite de leurs écrits avant de se lancer dans de nouveaux écrits. Malheureusement aucun descriptif de ces moments de lecture quotidienne n'a été fourni (pour Tapage voir Les actes de lecture n°57). La Chronique inclut de temps en temps des informations.

- pour Roubaix, les enfants de la classe-lecture participent à la réalisation finale d'un projet (1 à 4 productions pour une classe) . RouleTaBille a pour principale caractéristique d'être diffusé aux enfants de la classe-lecture en fin de stage. Un envoi systématique du questionnaire est fait aux autres écoles roubaisiennes. Ces écrits ont pour caractéristiques de divertir des enfants du groupe (ceux qui n'ont pas écrit tel article) ou des personnes extérieures au groupe et/ou d'acquérir un certain nombre de connaissances.

8.3. LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE

Grenoble

quotidiennement

Roubaix

quotidiennement

Alpes-Maritimes

Lecture des textes

30 mn pour tous les enfants

30 à 40 mn pour tous les enfants chaque jour

Écriture des textes

30 mn pour tous les enfants

45 mn

60 à 90 mn un jour sur deux*

* le groupe est partagé en deux groupes A1 et A2 : préparation orale sous forme de comité de rédaction pour tous de 15 à 20 minutes, ensuite le groupe A1 écrit pour le tapage du lendemain, le groupe A2 compare son texte et le texte paru puis réécrit un texte paru

- À Grenoble, La Chronique est l'outil qu'un groupe s'est donné pour travailler la réalité au moyen de l'écrit, avec l'espoir qu'il comprendra mieux ce qu'il vit, qu'il fera mieux ce qu'il a entrepris ou ce qu'on attend de lui. Elle est conçue pour une lecture accompagnée. Les ques-tions des uns et les remarques des autres contribuent à éclairer les zones d'ombre qui peuvent subsister dans les textes et à expliciter la part d'implicite qu'ils renferment. La diversité des textes et les échanges qui s'instaurent autour d'eux contribuent à faire prendre conscience à tous que l'écrit n'est pas neutre, qu'il peut rendre compte de manières diverses d'une réalité. La chronique est un travail sur la langue. A la suite de la lecture et d'un débat oral, tous les enfants écrivent pour La Chronique : moment de prise de distance par rapport au débat oral, moment d'affirmation de ses idées. Les adultes présents à ce moment d'écriture les aide préci-ser leurs pensées, affiner leur argumentation en réagissant la plupart du temps à l'oral ou en leur donnant des consignes d'écriture (formes, vocabulaire…) au fur et à mesure à l'écriture de leur texte. La future Chronique est construite par les adultes l'après-midi. Les enfants sa-vent qu'en fonction du contenu de La Chronique, leur texte peut ou non être retenu pour une publication. Les lecteurs peuvent recevoir aussi des commandes d'écriture par le biais de questions posées dans La Chronique par d'autres lecteurs.

- Pour les Alpes-Maritimes, la commande provient du groupe d'adultes, commande préparée la veille au soir en fonction du bilan que les enseignants ont fait avec les enfants de leur classe en fin d'après-midi. Mais, si la lecture de Tapage incite à l'écriture d'autres textes, le comité de rédaction du groupe d'enfants et d'adultes qui s'occupent de Tapage pendant tout le séjour, peut changer de sujets de réflexion. Lors de ce comité de rédaction, tous les enfants du groupe Tapage (groupes A1 et A2) participent à un tour de table sur les sujets à traiter. Ensuite, le groupe A1 écrit pendant que les enfants du groupe A2 comparent leurs brouillons de la veille avec le texte publié ce matin dans le journal. Cette comparaison donne lieu ensuite à une ré-flexion sur le pourquoi et le comment des différentes réécritures et le choix d'une piste de ré-écriture d'un des textes publiés (la réécriture de la réécriture de l'adulte). Les enfants savent que leur texte sera réécrit et que le lendemain, ils effectueront le travail de comparaison et qu'ils réécriront eux-mêmes un des textes parus.

Les adultes aident les enfants qui écrivent (groupe A1) lorsque ceux-ci le demandent. Ils sont les premiers lecteurs des écrits, réagissant en direct et permettant ainsi aux enfants de réécrire immédiatement leur propre texte afin, bien souvent, de trouver une cohérence dans leur écrit.

- Pour Roubaix, chaque classe à 1, 2, 3 ou 4 ateliers sur des productions différentes ou com-plémentaires (un album souvenir + un jeu de loto + un écrit poétique + une lettre ou une affi-che + une histoire ou une pièce de théâtre). Généralement, le thème est commun à l'ensemble des élèves (ex : le cirque, la peur).

Les différents dispositifs donnent de premières indications sur ce que privilégie chaque centre :

- La Chronique est lue par les enfants en stage lecture au centre et les enfants de l'école du Lac-Bouleaux. De par l'implantation particulière du Centre dans une école, le Centre et l'école du Lac-Bouleaux ont des activités quotidiennes communes. La Chronique est une de ses activités quotidienne au même titre que des animations autour de la B.C.D. , des projets (cf. la préparation de l'exposition-vente de livres) ou le temps de récréation. Elle est lue par groupe de projet ou dans le groupe classe. Tous les enfants qui la lisent réagissent également par écrit. Le temps de lecture et d'écriture offert par élève est d'une heure quotidienne soit 16h pour un séjour de 4 semaines (8h de temps lecture, 8h de temps écriture). Aucune publi-cation n'a lieu entre deux séjours.

- Tapage est lu par des enfants et des adultes (il est lu par classe ; dans chaque classe, il y a un certain nombre d'enfants qui ont écrit pour Tapage) qui ont un vécu commun et qui ont eu l'occasion résoudre un certain nombre de problèmes de vie sans avoir recours à l'écriture et ceci lors des réunions bilans du soir. Les classes-lecture des Alpes-Maritimes ne donnent pas accès à l'écriture du circuit-court à tous les enfants Ceux qui y participent ont sur trois semai-nes un temps global d'écriture qui peut varier de 12 à 18 heures pour un séjour de trois semai-nes (en tenant compte dans ces moments de la préparation orale, de la théorisation et de la ré-écriture d'un texte d'adulte) et un temps lecture de 6 à 8 heures pour trois semaines.

- à Roubaix, le temps d'écriture pour un enfant se situe entre 5 et 7 heures pour un séjour de douze jours.

8.4. CE QUE SONT LES ECRITS
La diffusion de ces écrits est faite sous forme de journal.

8.4.1. La présentation
Grenoble : La Chronique comporte quatre pages. Chacune d'elles correspond en règle géné-rale à une rubrique déterminée. Le nom des rubriques n'apparaît pas toutefois en tête des pa-ges. Au début de chaque séjour, La Chronique est présentée aux enfants avec ses différentes rubriques.
Page 1 : un (des) textes qui présente(nt) un point de vue sur un événement, une situation de vie, une attitude, une proposition.
Page 2 : un coup de projecteur sur le travail d'un groupe, sur un projet en cours, sur une ques-tion de vie collective…
Page 3 : des informations techniques sur l'acte lexique, des bibliographies, des présentations de livres, des extraits de textes d'auteurs…
Page 4 : des rubriques multiples :
"C'est à dire" des textes ou des réflexions qu'il semble intéressant de publier et qui n'ont pas trouvé place dans les autres pages.
"En bref" : quelques mots sur des informations arrivées à l'école et archivées dans un clas-seur en libre accès.
"A vos agendas" : des rendez-vous à ne pas manquer.

Il arrive qu'une rubrique disparaisse momentanément au profit d'une autre.

Roubaix : certains écrits sont placés sous un titre générique. D'autres ont leur propre titre.

Alpes-Maritimes : chaque texte est placé dans une rubrique bien définie. Chaque écrit com-porte un titre et un chapeau et est accompagné d'un extrait de la littérature jeunesse ou d'un texte d'un numéro antérieur ou d'un extrait de la presse.

8.4.2. L'observation des signatures :
Grenoble : les textes sont écrits individuellement, quelquefois à deux, de rares fois en groupe (texte produit par un groupe de projet) . Les signatures ne comportent que le nom des enfants. On y trouve quelques textes d'adulte en particulier dans le premier numéro.

Roubaix : on trouve aussi bien des textes individuels que des textes collectifs.

Alpes-Maritimes : pour les enfants de cycle 3, les textes sont écrits individuellement, quelque-fois à deux. Pour les cycles 2, les textes ont été produits à partir d'une prise de notes lors d'une discussion avec un groupe de 4 enfants. Les signatures comportent le nom des enfants et l'ad-ditif "écrit par..." suivi du nom d'un adulte. Le premier numéro est écrit par les animateurs des classes-lecture.

8.4.3. Les trois journaux en chiffres :

  

Grenoble

La Chronique

14

3 à 6

Sur 4 semaines

Alpes-Maritimes

Tapage

10

36

4

Sur 3 semaines

Roubaix

RouleTaBille

1

Sur 2 semaines

Nombre moyen d'écrits sur un numéro

Longueur moyenne des écrits les plus courts

Longueur moyenne des écrits les plus longs

Longueur moyenne d'un extrait littérature jeunesse

Grenoble

La Chronique

25

10 mots

100 mots

300 mots

Alpes-Maritimes

Tapage*

4

100 mots

250 mots

50 mots

Roubaix

RouleTaBille

34

40 mots

600 mots

* Les Alpes-Maritimes ont publié trois numéros de Tap'boîte lors du premier séjour considéré.

Nombre de numéros pour un séjour

Nombre d'écrits par numéro

Longueur moyenne des écrits les plus courts

Longueur moyenne des écrits les plus longs

Alpes-Maritimes

Tapages spécial boîte aux lettres

3

N°1 : 12

N°2 :14

N°3 : 7

5

63 mots

* Tap'boîte disparaît au fur et à mesure que se déroule le séjour. Les écrits publiés sont de cours textes produits par les enfants à n'importe quel moment de la journée. " Les auteurs sont entièrement libres de leur choix. La seule censure clairement énoncée à sa présentation concerne les écrits de délation, les accusations diverses, le règlement de compte nominatif... Le genre d'écrits que l'on y trouve : des phrases relatant un événement..., des informations..., des histoires très courtes..., des mises au point..., des blagues... et plus rarement des réactions à un article de Tapage. La lecture : elle se fait le matin en même temps que Tapage. Si, lors des premières paru-tions, il est l'objet de toutes les lectures, il provoque rarement des discussions et, petit à petit, Tapage lui vole la vedette. Les enfants ne sont pas dupes ! Si, au départ ils aiment y voir leur signature, ou ce qu'a dit le ou la ca-marade, ils se lassent rapidement de ces "non-textes" et ce, que l'adulte s'y intéresse ou non. En effet, ils se ren-dent bien compte, d'autant plus que cet écrit n'est pas le seul dont ils disposent, que la plus grande partie de ce qui est écrit dans Tap'boîte, s'est déjà dit dans la cour de l'école ou ailleurs mais en situation de communication orale. " (Françoise Laurent dans "Les écrits en classe-lecture, correction ou réécriture" - dossier CAFIMF).

8.5. QUELQUES ELEMENTS DE REFLEXIONS :
La comparaison des chiffres dans les tableaux ci-dessus peut donner des indications sur ce que les différents centres proposent à la lecture aux enfants.

En ce qui concerne Grenoble et les Alpes-Maritimes, la longueur des textes et leur nombre (qu'il s'agisse de textes d'enfants réécrits ou non par un adulte et des textes d'auteurs de la litté-rature jeunesse) semblent inversement proportionnels : à Grenoble, de nombreux textes courts d'enfants et quelques textes longs d'auteurs ; dans les Alpes-Maritimes, un nombre plus réduit de textes d'enfants (réécrits par un adulte, ne l'oublions pas) mais des textes plus longs accom-pagnés d'un nombre identique de textes d'auteurs mais plus courts.

À Roubaix, le nombre d'écrits pour un numéro est important puisqu'il s'agit d'écrits participant à un projet de séjour. D'autre part, les signatures montrent de nombreux textes collectifs alors que Grenoble et les Alpes-Maritimes privilégient l'écrit individuel.

Nous allons regarder maintenant quels types d'écrits nous pouvons lire dans chacune des pu-blications.

8.5.1. Le centre de Grenoble produit La Chronique
Dans ce journal quotidien en circuit-court, chaque numéro comprend environ 25 textes d'en-fants ainsi que, dans certains numéros :
- le texte d'un adulte,
- de temps en temps un "mémoire d'extrait" : extrait de la littérature jeunesse,
- quelques textes informatifs (il faut rappeler que La Chronique est lue par tous les élè-ves du centre).

Les textes vont d'une seule phrase : "Moi, j'aime la pluie parce que ça nous rafraîchit." à des écrits plus construits : "Nous n'avons pas le droit de faire le Carnaval à l'extérieur. Mais à quoi ça sert de le faire dans l'école ? On ne pourra pas brûler Monsieur Carnaval. Et ceci se passera dans chaque école. Terminés les défilés dans les rues ! Ne pourrait-on pas le faire quand même dehors ? Au moins dans la cour ou sur la colline en face de l'école ! C'est in-terdit ? Le carnaval est une fête, une tradition... que le plan Vigipirate éteint. Il ne reste plus qu'une petite flamme juste pour se déguiser."

8.5.1.1. Des textes sur ce qui se vit au quotidien :
" Au début, j'avais peur des autres élèves. Après, on s'est présenté. En fait, les autres enfants ne sont pas si terribles que ça. Michel est comme je le pensais. Il a plein de livres qu'on va lire." Mathias

"L'école Lac/Bouleaux est différente de la nôtre ; ce qui m'a étonné. Je ne pensais pas qu'on pouvait organiser les classes par cycles." Arnaud

"Samedi, on a fait des maths. On a regardé une cassette sur le ski de fond aux Jeux Para-Olympiques d'Albertville." Élodie et Heidi

"Au ski, il y en avait qui faisait du ski de fond et d'autres du ski de piste. Moi, j'ai fait du ski de fond. C'était la première fois que j'en faisais..." Hindi

"Nous proposons que chaque classe choisisse un thème. Puis l'ensemble des thèmes sera publié dans La Chronique et un grand vote aura lieu." Ryme et Clara

"J'ai peut-être une solution pour régler nos problèmes de projets. Si l'on reprenait l'idée de l'exposition vente. Si on reprenait l'idée de l'exposition-vente, ça marcherait peut être. Je m'explique : pour organiser l'exposition, on avait des délégués et, régulièrement, il y avait une réunion. Nous pourrions désigner à nouveau des délégués et faire des réunions pour régler tous nos problèmes. Je vous propose d'essayer. C'est une suggestion..." Erwan

"Notre maître nous a donné un bout de papier sur lequel marquer le prénom de la per-sonne qu'on voulait élire déléguée. Ensuite on a marqué au tableau le nom des personnes choisies et on leur a demandé si elles voulaient être déléguées. La personne qui a eu 12 voix a été élue déléguée." Cindy

"Un délégué de classe est plutôt, un organisateur qu'un joueur car il organise quelque chose dont les autres profitent. Un délégué de classe doit empêcher les courses dans la classe ou dans l'école, il ne doit pas le faire lui-même, il ne doit pas provoquer des bagarres. Il faut le choisir par rapport à ses qualités." Florian

8.5.1.2. Des écrits en réaction à d'autres écrits
"Moi, je trouve que Maïlys a raison. À l'école, on commence à partir d'une image, puis les idées viennent en cherchant." Florence

"Je pense que La Chronique est courte ce matin parce que les personnes qui l'écrivent veulent nous rappeler le temps qu'ils ont mis pour faire toutes les Chroniques. Le temps qu'ils ont sacrifié chaque soir." Rémi

"Je trouve que c'est bien d'avoir choisi "Un bateau nommé Classe Lecture" comme titre pour le texte de la page 1 parce qu'un bateau tangue, peut chavirer ou naviguer tout sim-plement." Heidi

"Je suis d'accord avec Antoine de la classe de CM2 de Seyssins, car moi j'ai changé. Je n'aimais pas lire, mais maintenant j'aime." Mélanie

"Karim, je suis entièrement d'accord avec toi pour que l'école organise le tournoi." Adrien

"Je suis d'accord avec Erwan. Ce serait très bien d'avoir des délégués, comme ça on pour-rait être au courant de tout ce qui se passe. Par exemple, pour régler le problème du carnaval, on pourrait le faire dans l'école. Ce serait bien aussi de faire du ski parce que la classe de Colette, non seulement elle en a fait mais elle participe également à la classe-lecture. Et ça, ce n'est pas normal." Guillaume

"La mémoire d'extrait était super.. Nous l'avons jouée en pièce de théâtre et imaginé la fin, c'est à dire la conversation entre la directrice et Emilien." Clara

8.5.1.3. Des écrits sur les apprentissages
"Comment faire pour bien écrire ? Il faut être attentif, concentré, tout essayer. Il faut avoir des opinions, des choses à dire qui intéressent les autres, des choses qu'on aime et que l'on veut partager." Magali

"Moi, quand j'écris une lettre à ma famille, la première chose à laquelle je fais attention, c'est l'orthographe. Parce qu'autrement, ma mère n'arrive pas à me lire..." Najet

"L'intelligence, c'est le don du savoir, de la recherche, de questionner, de connaître, de vouloir rechercher et trouver, se documenter, réfléchir, écouter, être assez curieux, ne pas réfléchir bêtement, travailler pour obtenir une réponse. Ce n'est pas parce que quelqu'un est différent qu'il n'est pas intelligent. Parfois mon intelligence se développe par la littéra-ture et aussi je comprends certaines choses par la solitude." Ryme

8.5.1.4. Des écrits en réaction à des visites ou des rencontres
"Ce qui m'a surprise, c'est que les gens qui travaillent à l'UNICEF ne sont pas payés. Ce qui m'a choquée, c'est le petit garçon malade avec un gros ventre." Aude

"Jeudi 23 janvier, les groupes de Raymonde et de Michel ont rencontré un auteur : Anne Jonaz. Elle a écrit "Solinké du grand fleuve". Elle a réfléchi longtemps avant d'écrire mais au bout d'un moment, le texte est venu tout seul, d'un seul coup. Elle a mis 4 ans en tout pour écrire et faire éditer ce livre. Les éditeurs ne veulent pas toujours prendre un manus-crit et lui trouver un illustrateur. Moi, je crois que je n'aimerais pas être auteur même si j'aime bien écrire, parce que je n'ai pas beaucoup de patience. Pour faire un livre, il en faut beaucoup." Heidi

8.5.1.5. Des écrits sur le monde
"Moi, je trouve incroyable que des mendiants soient bannis comme s'ils avaient la peste. Mais aussi qu'il y ait si peu de personnes qui soient intéressées par ce problème (une per-sonne sur quatre)." Alexis

On y trouve aussi quelques écrits d'informations qui s'expliquent par la variété du lectorat.

8.5.2. Le centre des Alpes-Maritimes produit Tapage
Ce journal quotidien en circuit-court comporte quatre rubriques bien définies :
- la Chronique où on observe et on réfléchit à ce qui se passe dans un groupe qui vit ;
- la rubriquePourquoi / Comment où on réfléchit aux apprentissages et à ce que font, dans l'école, les adultes pour les enfants... Comment interviennent-ils dans ces apprentissa-ges ?
- la rubrique Livres où on compare ce que les auteurs disent et ce que nous vivons. Où l'on essaie de comprendre pourquoi certains nous touchent plus que d'autres.
- la rubrique Regard sur le monde où on donne son point de vue sur le monde dans le-quel on vit et en choisissant un article dans des quotidiens. On observe aussi la manière dont les journalistes écrivent sur les sujets.

Tapage comporte systématiquement en regard de chaque article un extrait soit de la littérature jeunesse ou de la presse, soit d'un article du même numéro ou d'un autre numéro.

Les textes sont relativement longs.

8.5.2.1. Des écrits sur ce que l'on vit
"Ce matin-là, tout le monde s'était rendu compte que la maîtresse avait l'air bizarre. Elle n'avait rien dit à Martine qui traînait dans les escaliers, à Paulo qui parlait trop fort, à Julien qui fit tomber sa règle. Elle s'assit tout simplement à son bureau, attendit le silence et dit :
- Les enfants, je décide que vous allez décider ce que vous ferez ce matin.
- Chouette, s'écrièrent les enfants en chœur.
- Alors, pas de maths, décréta Paulo.
- Un peu... quand même, suggéra timidement Julien.
- Pas question, nous allons faire du football toute la matinée, répondit Paulo en parlant fort. Je veux faire ce qui me passionne. On vote.

La proposition de Paulo l'emporta d'une voix.

À ce moment-là, on frappa à la porte. C'était Pierre le matheux de groupe qui arrivait en retard. Quand il sut que la majorité de la classe avait décidé de faire du football, il se dit que le lendemain, il se lèverait plus tôt." Thibault, texte réécrit par Alain

"Quand il est arrivé au collège, Petit Ours a dû se défendre contre les grands qui l'agres-saient. Comme ils étaient lâches ces grands de s'attaquer ainsi aux plus jeunes ! Heureuse-ment qu'à la maison il avait appris à se défendre lors des disputes avec ses frères et sœurs qui se terminaient toujours par une bagarre. C'était chaque fois la même chose. Quand une dis-cussion commençait, chacun suivait son idée sans écouter l'autre. Le mieux étant bien sûr de l'empêcher de parler. Mais, le lendemain matin, tout était oublié et tous étaient prêts à recommencer. C'était devenu comme un jeu, le jeu des enfants de la famille. Ce qui lui avait servi aussi, c'étaient les fameuses disputes entre copains lorsqu'ils jouaient au ping-pong à l'école primaire. Quels cris, quand ils s'apercevaient que l'un d'entre eux avait triché ! Et s'ils ne se battaient pas, c'est qu'ils se faisaient gronder avant d'en arriver aux mains ! Il leur aurait fallu un arbitre. Petit Ours se disait que si jusqu'à présent il en venait aux mains après les mots, en sixième tout commencerait peut-être par la bagarre avec les grands. Et s'ils n'arrivaient pas à se par-ler, ils quitteraient le collège avant de se connaître." Thibault, écrit par Françoise

8.5.2.2. Des écrits sur l'apprentissage
"Copier, tricher. Ces deux mots sont souvent associés. Et pourtant, même les plus grands peintres, écrivains et musiciens ont copié d'autres peintres, écrivains et musiciens avant de produire leur propre création. Tiens, un peu comme le bébé qui apprend en essayant d'imi-ter ses parents, comme cet enfant qui essaie de marcher dans les traces de son footballeur préféré ou cet autre qui s'entraîne à reproduire les gestes de ce skieur qui fait de si beaux vi-rages.
On décalque un dessin, deux dessins... et hop, un jour on en recopie d'autres sans aucune aide. Puis, le lendemain, on en invente un. Bien sûr, dans ce cas-là, il n'y a pas de bons points, ni de notes.
Ce n'est pas comme en classe. Là, on regarde les réponses sur son voisin ou sur le livre que l'on cache sur ses genoux. On copie pour avoir une bonne note : il faut quand même faire plaisir à la maîtresse. Ce serait trop triste de lui montrer que ce qu'elle nous a appris, on ne l'a pas bien retenu.
Au fait, les exercices qu'elle nous donne, j'aimerais bien savoir où elle les a copiés ! Comme cela, je pourrais copier les réponses." Johanna et Sidiki, écrit par Alain

" Quand tu as un exercice à faire, tu dois essayer de le comprendre et de le faire juste. Mais quelquefois, l'exercice que te donne la maîtresse est trop difficile pour toi, alors qu'elle pen-sait qu'il était facile.
Bien sûr, tu peux lui demander de t'aider, de te donner des exemples, mais ce n'est pas tou-jours possible. Et tu dois te corriger tout seul mais... tu as des fautes alors que la maîtresse devait t'aider.
Mais moi, comme je ne les aime pas, sans me décourager, je continue de chercher à les éliminer." Guillaume, mis en forme par Alain

8.5.2.3. Des écrits sur les présentations de livres
"Si Tristan avait préféré passer ses vacances chez l'Oncle Giorgio plutôt que chez sa satanée grand-mère qui le détestait, c'est qu'il ne le connaissait pas encore !
Quelle ne fut sa surprise de se rendre compte que le vieil homme était allergique aux enfants. Il se souvient encore de ces vacances de cette année-là !
Dès que le jour se levait, oncle Giorgio le mettait dehors. Il passait donc ses journées dans la rue ou au parc. Ce qui aurait pu être agréable vira au cauchemar. Un grand garçon du quar-tier l'embêta tout l'été.
À son retour de vacances, Tristan se défoula sur son petit frère et sa petite sœur. Personne ne le reconnaissait, il les chahutait sans arrêt et les disputes allaient bon train. Mais cela n'avait rien à voir avec ce qu'il venait de vivre ! Il les embêtait, d'accord, mais gentiment. Comme beaucoup de frères et sœurs le font entre eux !" Écrit par Françoise

"Il était une fois une ville où les mamans portaient des chapeaux bleus, noirs, jaunes, rou-ges. Mais n'allez pas en déduire qu'elles commettaient des crimes ou qu'elles fréquentaient des brigands !
Elles adoraient leurs enfants et avaient pour manie de les embrasser à tout bout de champ. Un peu de discrétion...
Jaloux, les copains des villes voisines se moquaient mais l'un d'entre eux chantait :
-Chapeaux blancs, chapeaux volants
-Voulez-vous aider les enfants
-Et leur apporter les baisers de leur maman." Cédric, réécrit par Suzanne

8.5.2.4. Des écrits sur la vie dans le monde
"Encore un accident pendant une course automobile ce week-end ! Je l'ai entendu ce matin à la radio.
J'apprends beaucoup de choses en écoutant la radio et je peux vous dire quelles sont les dif-férentes causes d'accidents. D'après moi, les excès de vitesse arrivent en tête. Ensuite, les ex-cès de boisson. Le mauvais temps peut aussi provoquer beaucoup d'accidents. Et enfin, la distraction est à l'origine de chocs qui sont parfois très graves.
Toutes ces informations sont dans ma tête mais je n'ai pas encore réfléchi à ce que j'allais en faire. C'est-à-dire : comment j'allais me servir de tout ce que j'apprends en écoutant la radio, comment j'allais utiliser cette source de savoir pour changer ma vie, l'améliorer." David écrit par Françoise

"Bien sûr si on m'embête, je peux le dire à la maîtresse. Mais je préfère me défendre tout seul. Pour cela, rien de tel que le karaté. J'ai l'impression que lorsqu'on fait du karaté, on est respecté par les autres... même par les plus forts ou les plus grands.
Mais si j'aime le karaté... je préfère le football parce que j'arrive à marquer des buts." Sidiki Mis en forme par Alain

8.5.3. Le centre de Roubaix produit RoulTaBille n°21
dont le thème est les sorcières. On y trouve un conte, une recette, un menu, des remèdes, un jeu avec sa règle, des mots croisés, une B.D., des poésies, un texte sur Béatrice Rouer et des textes sur les sorcières dans les contes et à la télévision.

8.5.3.1. Des sorcières célèbres
"Les apprentis sorciers est un feuilleton qui passe le dimanche vers 10h. 30 sur Canal J. Des enfants qui apprennent à devenir sorciers, à se servir d'un balai magique et à faire des potions magiques.

La Petite Sirène est amoureuse d'un humain. Pour se marier avec lui, il lui faut des jambes. Alors elle va voir une sorcière. Celle-ci lui en donne mais en échange, elle lui prend sa belle voix qu'elle enferme dans un coquillage." un groupe d'enfants

8.5.3.2. Poésie
" La sorcière a une robe noire
Et elle se regarde dans un miroir
Pour aller au bal des sorcières
Avec son père et sa mère.
Elle veut danser
Et se trouver un fiancé
Pour se marier
Et avoir un bébé
Dans une belle maison
Avec plein de chatons." Kalid

8.5.3.3. Remède de sorcières
" Pour ne plus avoir mal au dos, mettez-vous sur le ventre en disant "tidou tida" puis prenez un verre de thé avec une pincée de poils de queue de rat. " Ludivine 8.5.3.4. Guide des sorcières
"Comment sont les maisons des sorcières ?

Les maisons des sorcières ne sont pas belles parce qu'il y a toujours des chauves-souris, des chats, des crapauds, des araignées et des limaces. Il y a aussi de drôles de lumières et des éclairs au-dessus de la maison." Oulpha

8.5.3.5. Rencontre avec B. Rouer
"... Côté loisir, Béatrice Rouer ne fait pas de vélo, regarde peu la télévision et préfère lire des livres.

Côté travail, le matin, elle écrit des histoires ; l'après-midi, elle fait des courses ou corrige ses histoires. Puis, elle s'occupe de ses enfants." Un groupe d'enfants

8.5.3.6. Une règle de jeu en 25 points
"1. Monte sur le balai de la sorcière et avance de trois cases.
2. Tu es transformé en statue de chat, tu passeras le prochain tour..."

8.5.3.7. Une potion de recette pour devenir enfant
"Ingrédients : 50g. de cervelle de crocodile, 4 œufs de serpent, etc.
Matériel : saladier, fouet, pilon, etc.
Préparation : dans un grand saladier, casser les œufs et les battre avec un fouet. Ajouter tous les insectes écrasés, etc."
.

8.5.3.8. Un conte : La sorcière Caspaline.
"Il était une fois une sorcière appelée Caspaline. Elle habitait une grotte. Une nuit de pleine lune, alors qu'elle se promenait sur son balai magique, elle vit une affiche accrochée à un arbre. Sur l'affiche était écrit : les princes et les princesses du royaume sont invités au bal qui sera donné demain soir à 22h." un groupe d'enfants

8.5.4. Séjour 2 : Le centre de Roubaix a produit un questionnaire
en vue d'une réalisation d'un jeu genre Trivial Poursuit. Il comporte :
8.5.4.1. Trente questions sur La faune et la flore "Combien de cornes a le rhinocéros ?
Deux cornes
Quelles sont les couleurs de la marguerite ?
Jaune et blanc"

8.5.4.2. Trente-cinq questions sur la Culture
Où se trouve la Tour Eiffel ?
À Paris
Dans quel pays a-t-on inventé la pizza ?
En Italie

8.5.4.3. Vingt-quatre questions sur l'histoire et la géographie
Où habite le président des États-Unis ?
- A la Maison Blanche
Comment appelle-t-on les habitants de Paris ?
- Les Parisiens

8.6. UNE REPRESENTATION DIFFERENTE DE L'ECRIT
Il semble qu'on se trouve devant deux conceptions de l'écrit, l'une que partagent sur l'essentiel les centres de Grenoble et des Alpes-Maritimes, l'autre que fait fonctionner le cen-tre de Roubaix.

8.6.1. Pour Grenoble et les Alpes-Maritimes
L'écrit semble être conçu comme un outil pour penser et être plus du côté de la transformation que de l'expression. C'est un outil de réflexion, de compréhension donc de transformation de la réalité pour les élèves et les adultes qui partagent le projet des enseignants de la classe-lecture. Dans ses intentions, le centre de Grenoble écrit :
"le circuit court :
- pour faire en sorte que les enfants aient éprouvé par et pour eux-mêmes que lire et écrire aident à vivre ;
- pour permettre une réaction ou un retour rapide sur un problème soulevé ;
- pour que les enfants expérimentent la puissance de l'écrit par les polémiques qui peuvent naître de leurs écrits... Ils rédigeront le plus souvent individuellement un texte qui :
- développe leurs arguments et met en avant leur point de vue, sur une problé-matique discutée ;
- leur permet de faire le point sur leurs idées ;
- pose un nouveau problème, une question qui leur tient à cœur et qui n'a pas encore été débattue."

Le centre des Alpes-Maritimes précise : "Pour que les enfants puissent découvrir la fonction majeure de l'écrit, il faut que ce dernier repose sur une réalité effectivement vécue. L'écrit n'est important que parce qu'il interprète le monde grâce à un langage qui, comme instrument, impose par sa nature même des contrain-tes particulières qui obligent à un traitement, une transposition, au choix d'une perspective : et c'est cette interprétation que recherche le lecteur ; ce qui est d'ailleurs tellement intéressant !"

Mais, malgré des hypothèses de travail, voire des positions de principe similaires, les centres de Grenoble et des Alpes Maritimes ont mis en place des dispositifs différents et, à l'exception de ceux qui concernent les apprentissages, ils ne publient pas toujours le même type de textes.

Dans les classes-lecture des Alpes-Maritimes, tous les textes produits par les enfants sont pu-bliés mais dans des supports différents (Tapage, Tap' boîte, Drôl' d'histoire et Tapage spécial réécriture) et ne subissent pas le même traitement (réécriture adultes dans Tapage, correction et mise en forme dans Tap boîte et Drôl' d'histoire, réécriture enfants dans Tapage spécial ré-écriture). Dans le centre classe-lecture de Grenoble, tous les textes ne sont pas publiés (un comité de rédaction adultes choisit les textes qui seront publiés).

Pour Grenoble, la plupart des textes semblent rythmer une réflexion sur des questions de vie quotidienne dont certains points auraient pu être résolus à l'oral (lors de réunion coopérative par exemple). Mais, à suivre certains textes qui se font écho entre eux, on s'aperçoit que l'écrit permet à certains de prendre de la distance et d'avancer dans la réflexion autrement que si elle avait été conduite uniquement à l'oral (cf. les textes sur les délégués). Un lecteur externe à la parution de La Chronique ne peut guère entrer dans les raisons et les intentions des auteurs de certains textes. Tel n'est pas de toute façon le but de La Chronique.

Il en est de même pour les textes de Tapage mais à un autre niveau. En effet, la plupart d'entre eux peuvent être lus par des lecteurs externes aux séjours. Certaines intentions d'auteurs peu-vent même être appréhendées. Mais, il existe pour la majorité d'entre eux un niveau de lecture qui ne peut être perçu que par les participants de la classe-lecture. L'implicite qui renvoie à un événe-ment, un autre article, un débat qui a suscité l'écrit exclut les lecteurs extérieurs des vé-rita-bles intentions de l'écriture. L'importance, également, du contexte culturel commun qui se crée peu à peu pour les participants, les références "livresques" (au niveau des écritures, des thèmes, des personnages) permettent d'autres lectures qui échappent aux lecteurs extérieurs du groupe (on s'aperçoit peu à peu que les activités qui sont présentées lors des séjours tissent entre elles des fils qui font que les apprentissages ne prennent de sens que dans une globalité et non dans une parcellarisation). Certains de ces écrits publiés (écrits d'adultes à partir de textes d'enfants ou textes d'enfants réécrits par des adultes) semblent vouloir entraîner les en-fants sur le chemin du "structurel" pour quitter celui du "conjoncturel".

En bref, les écrits produits dans ces deux centres semblent vouloir se débarrasser de l'orienta-tion scolaire de l'apprentissage de l'écrit pour replacer celui-ci dans une réflexion sur son pro-pre rôle.

8.6.2. Pour Roubaix
Les écrits produits à Roubaix, dans le cadre des projets, visent d'autres objectifs : ils semblent répondre à une typologie séquentielle comme celle d'Adam et se proposent d'aider les enfants à en dégager des règles de fonctionnement qu'il s'agira pour eux de reproduire (narratif, des-criptif, poétique, etc.). Si pour les questions écrites pour le Trivial Poursuit, on peut définir des lecteurs potentiels, il n'en est pas de même pour RouleTaBille.

On sent bien que l'écrit n'a pas la même fonction que dans les deux centres précédents. Para-doxalement, on pourrait dire qu'il est davantage utilisé ici pour produire de l'écrit alors qu'à Grenoble ou dans les Alpes-Maritimes, on invite à s'en servir pour exercer une sorte de raison graphique, un mode de pensée que l'écrit produit plutôt qu'il ne produit de l'écrit ; et sans doute que dans ces deux centres, tout converge, aussi bien en lecture qu'en écriture, vers cette découverte d'un autre statut de l'écrit alors qu'à Roubaix (et sans doute à Dunkerque, bien que les productions n'aient pas été présentées ici), on se préoccupe méthodiquement de faire ac-quérir un usage de l'écrit dont on ne remet pas en cause, hormis l'exigence de qualité, la fonction.

8.7. LE TRAITEMENT DES ECRITS
Le principe adopté dans cette étude de la production écrite consiste à ne retenir que les textes ayant donné lieu à publication effective et à en remonter la genèse pour décrire le travail qui a conduit de la version initiale à la version définitive. C'est une autre manière de dire qu'il est important de pouvoir décrire la nature du travail de réécriture. Une échelle de réécriture a été élaborée pour tenter de quantifier les pratiques et les comparer.

8.7.1. Échelle de réécriture
Cette échelle distingue nettement 3 niveaux :
De 0 à 50 pour une réécriture par l'enfant auteur ou par un pair
De 60 à 85 pour une réécriture par l'adulte
100 pour une réécriture par l'enfant du texte réécrit par l'adulte

8.7.2. comparaison entre les séjours et entre les centres
À titre d'illustration, voici un relevé à Grenoble pour chacun des 2 séjours observés

Moyenne premier séjour : 31.5 Moyenne deuxième séjour : 62.1

8.7.3. La représentation des indices
Nous allons comparer pour un même indice la réalité de la réécriture d'un centre à l'autre. 8.7.3.1. Premier exemple
Grenoble texte de départ :
Aujourd'hui, mardi 21 janvier, le jour-nal n'a pas de rubriques. Il y a une page recto verso. Il ne devait avoir pas assez d'idées, de choses dans nos cahiers. Le dessin entouré signifie qu'il faut faire travailler nos stylos,... grandir notre imagination, la faire pousser...

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Alpes-Maritimes texte de départ
J'ai appris à parler en écoutant mon en-tourage. Pour nager, ça m'est venu na-turellement, peut-être parce que je suis du signe du "poisson".
J'ai appris à marcher quand mes parents m'ont mis sur mes jambes.
J'ai appris à écrire en écoutant la maî-tresse et en m'exerçant. Chez moi, je m'entraîne à écrire et à lire pour ne pas oublier les mots.

Texte édité :
Mardi 21 janvier, le journal n'a pas de rubriques. Il n'y a qu'une seule feuille recto verso. Il ne devait pas y avoir d'idées et de choses dans nos cahiers. Le dessin entouré signifie qu'il faut faire travailler nos stylos, faire grandir notre imagination, la faire pousser…

________________________________

texte édité : Comment on apprend !
On apprend grâce à l'aide des adultes, en s'entraînant et parfois c'est naturel
J'avais besoin et envie de parler : alors j'ai écouté mon entourage. J'avais besoin et envie de marcher : mes parents m'ont mis sur mes jambes.
Nager m'est venu naturellement, peut-être parce que je suis du signe du poisson.
En écoutant la maîtresse et en m'entraînant, j'ai appris à lire et à écrire.

Mais une fois qu'on a appris ça ne suffit pas, il faut s'entraîner pour ne pas ou-blier, pour parfaire son apprentissage.

Ces 2 textes ont donc fait l'objet d'une réécriture par un adulte, réécriture qui se présente comme une mise en valeur du point de vue, l'ordre du texte est conservé (indice 65).

À Grenoble, les deux textes ont le même nombre de mots. Seuls, sept mots les différencient : des mots de mise en forme (et, ne), un mot plus précis (feuille remplace page) et un mot dispa-raît (il n'y avait pas assez d'idées devient il n'y avait pas d'idées).

Pour les Alpes-Maritimes, le texte initial comprend 48 mots, le texte paru 63. Trente-neuf mots les différencient : 8 ont disparu (chez moi, manger, mots, quand, pour, les ; exerçant qui est devenu entraînant). L'adulte semble avoir lu dans le texte de l'enfant les idées "de be-soin et d'envie" et a essayé de les mettre en valeur. Il a aussi développé l'idée d'entraînement qu'il avait perçu dans le texte.

8.7.3.2. Deuxième exemple
Grenoble
texte de départ :
Mais sur la Chronique suivante, plus rien. Alors, quand on com-mence un sujet, il faut continuer, le finir. Sur le carnaval, on a donné notre impression et après plus rien, on a arrêté d'en parler. Pour le ski, c'est pareil, on a commencé puis après on n'en en-tendait plus parler.

_________________________

Alpes-Maritimes
texte de départ :
Il y a des notes en classe pour avoir le classement et pour savoir si on est le premier de la classe et aussi pour avoir des très bien et aussi des bien et des assez bien et aussi sale et aussi pour que les grands-parents, les mémés, les pépés et les papi et mamie et aus-si les parents et aussi toute la fa-mille et on peut avoir des récom-penses.

texte édité :
Quand nous commençons un sujet, nous ne le continuons pas.
Sur le carnaval par exemple, nous avons donné notre impression puis plus rien, nous nous sommes arrêtés d'en parler. Pour le ski, c'est pareil, nous avons commencé et ensuite... rien.

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texte édité :
Si les maîtresses nous mettent des notes et des appréciations, c'est pour nous permettre de savoir qui est le premier et de nous situer par rapport aux autres. De plus, j'ai l'impression que certaines notes font plaisir à la famille. C'est pour cela que l'on préfère un très bien à un sale, surtout quand il y a les mémés et les pépés qui nous montrent qu'ils sont contents en nous of-frant un petit quelque chose.

Ces 2 textes de départ ont été reconstruits, ils ont fait l'objet d'une réorganisation pour mettre en valeur le point de vue (indice 67).

À Grenoble, le texte paru compte 6 mots de moins que le texte de l'enfant mais il y a 42 mots différents. Les "on" ont été remplacés par des "nous". Le début du texte de l'enfant donnait une marche à suivre "il faut continuer, le finir". L'adulte y a sans doute lu une phrase écrite pour faire plaisir à l'adulte puisqu'il la détourne en écrivant "nous ne continuons". On y voit le début d'une réécriture provocatrice.

Pour les Alpes-Maritimes, le texte de l'adulte comporte 61 mots contre 36 dans celui de l'enfant ; 23 mots du texte initial vont disparaître, des mots outils, bien sûr mais aussi des mots " pleins " comme classe, classement, parents, récompenses ; 48 mots du texte édités n'étaient pas dans le texte initial, évidemment toujours des mots outils mais aussi appréciations, contents, impression, plaisir, rapport, situer. Au début du texte, l'adulte semble s'être censuré dans le développement de l'idée "on est le premier" en écrivant "et de nous situer par rapport aux autres". Il supprime ce qui aurait pu être le début d'une autre écriture "des très bien et aussi des bien et des assez bien et aussi sale" par un seul mot "appréciation". La deuxième partie est une mise en valeur de ce que l'enfant a écrit.

8.7.4. Mais jusqu'où ira la réécriture ?
La réécriture comme démarche pédagogique est manifestement l'objet d'un travail pédagogi-que important pour les centres de classes-lecture qui la pratiquent. Rappelons que la réécriture n'est pas systématique, ne serait-ce que pour des raisons matérielles et c'est seulement quel-ques-uns de ses textes dont un enfant va découvrir comment d'autres s'en emparent. On se ga-rantit même contre le risque du texte modèle en proposant que le plus grand nombre d'adultes (enseignants, parents, animateurs, etc.) s'essaient à réécrire un texte. C'est ainsi que dans les Alpes-Maritimes, pour un des séjours observés, sur 23 textes publiés dans Tapage donc ré-écrits, 7 ont donné lieu à 2 réécritures par des personnes différentes et 7 à 3 réécritures. En outre, pour 16 de ces textes réécrits par des adultes, les enfants ont jugé nécessaire de réécrire la réécriture de l'adulte (indice 100 de l'échelle). On entre ainsi dans une spirale non hiérar-chique de production d'où il ressort que l'écrit ne peut travailler l'expérience que s'il est lui-même travaillé. L'objectif n'est pas dans ce cas pour l'adulte de publier des textes d'enfants mis en forme pour donner un maximum d'efficacité sans trahir les intentions qu'il perçoit que l'enfant a choisies mais d'écrire son propre texte à partir d'un élément déclencheur dans celui de l'enfant, élément qui aurait pu amener l'enfant à écrire aussi un autre texte. Tout le monde se réjouirait que dans un conservatoire, un thème proposé par un débutant soit magiquement développé par plusieurs bons génies de la musique qui le trouve digne de l'intérêt qu'ils lui portent. C'est évidemment à plusieurs qu'on apprend à écrire tout seul et il n'est sans doute pire chose que ce faux respect qui enferme l'enfant dans la correction de son premier jet au lieu d'intégrer ses propositions dans une création plus collective.

Voici un dernier exemple d'une réécriture provocatrice en vue de solliciter des réactions de lecteurs pour de nouvelles écritures (indice 77).

texte de départ : A l'accident, il aurait dû faire attention et ne pas aller vite et qui a fait un bouchon et trois personnes mortes sont des militaires. Il roulait et soudain le monsieur a poussé la pauvre pe-tite voiture et il avait très peur. Ca a été impressionnant que la voiture et qui est en ruine. Je serais triste que mon copain soit mort parce que ça ne ressemble plus à une voiture.

texte publié :
Pauvre Petite Voiture !
Petite voiture s'est fait écraser hier alors qu'elle roulait tranquillement.
Elle était si mignonne
Brillante et sans éraflure
Pauvre Petite Voiture !
Elle caracolait le dimanche,
Klaxonnant et sautillant.
Pauvre Petite Voiture !
Avant hier sa vie s'arrêta,
Écrasée et aplatie.
Pauvre Petite Voiture !
Avant hier on la retrouva.
On ne la reconnaissait pas.
Pauvre Petite Voiture !
Petite Voiture n'est plus.
Voiture Folle lui a volé la vie.
Je suis triste.
Mais, au fait...
On m'a dit que Petite Voiture promenait des êtres humains...

On voit que l'adulte s'est appuyé sur un élément du texte qui a été le déclencheur de son écri-ture : pauvre petite voiture. Le texte appartient bien ici à l'adulte. C'est sans doute cette au-thenticité qui a poussé le même enfant à réécrire le texte de l'adulte (indice 100 de l'échelle). Il faut savoir que dans l'accident de voiture, un militaire avait été tué :

Pauvre p'tit militaire
Il était si beau
Il était si bien coiffé
Pauvre p'tit militaire !
Il montait la garde un dimanche
chantant la Marseillaise
Pauvre p'tit militaire ! !
avant hier sa vie s'arrêta,
Explosé par un obus.
Pauvre p'tit militaire !!!
On l'a r'trouvé en cinq morceaux
Pauvre p'tit militaire !!!!

8.7.5. Conclusion ?
Les dispositifs mis en place et l'observation des écrits témoignent d'approches différentes d'une pédagogie de l'écriture.

Roubaix s'est tourné vers un travail pointu sur la typologie des textes et sur les écrits d'expres-sion (la structure du schéma narratif) et de communication, s'inscrivant dans un mouvement que développe un grand nombre d'organisme de formation actuellement.

Grenoble et les Alpes-Maritimes se tournent plutôt vers "une écriture de transformation" (tra-vailler la réalité grâce à l'écrit, autant par son écriture que par sa lecture). Dans les Alpes-Maritimes, on essaie aussi d'explorer l'hypothèse que ce que les enfants produisent (pour le circuit-court Tapage uniquement) n'est jamais un texte ni le brouillon d'un texte. L'adulte qui doit réécrire a alors entre les mains des ébauches de textes qui ouvrent de multiples pistes d'écriture. L'enfant doit ensuite réfléchir au pourquoi et au comment, notamment en essayant de comprendre quel a été l'élément déclencheur de la réécriture, élément qui peut se trouver dans le texte initial mais aussi dans le hors-texte, dans une rencontre avec ce que vit le groupe par ailleurs.

Compagnonnage entre artisans de l'écriture sommés de produire ou enseignement préalable à une production…


9. SYNTHESE
Cette description de quatre centres de classes-lecture qui se sont auto-observés pendant une année à partir d'outils élaborés en commun ne saurait déboucher sur une généralisation et en-core moins sur l'ébauche d'un modèle. En revanche, elle permet de dégager une problémati-que de questionnement pour les centres qui se créent afin que leurs options soient plus délibé-rément choisies que subies.

On constate en premier lieu des principes organisationnels communs : un encadrement per-manent et expérimenté, des technologies modernes faisant largement appel à l'informatique, un incontestable intérêt pour la littérature de jeunesse, notamment à travers la BCD, une cen-tration importante sur les questions de production de textes.

Ce qui ressort ensuite très fortement, c'est qu'il s'agit sans équivoque d'un dispositif de for-mation d'adultes, certes à l'occasion d'un travail réel et d'une notable durée avec les enfants, mais entièrement conçu pour sa reprise avec les adultes. Il ne s'agit pour personne d'ajouter au cursus scolaire des enfants quelque stage spécialisé que ce soit qui leur donnerait une hy-pothétique bonne mine de lecteur mais bien d'agir indirectement sur le fonctionnement ordi-naire de l'institution solaire, notamment aux cycles 2 et 3, pour faire évoluer durablement au quotidien les pratiques dans la rencontre de l'écrit.

Cette formation des adultes a pris clairement le parti de l'apprentissage sur le modèle des ate-liers de peintre ou de menuiserie : les enfants sont pris en main de manière permanente par les 'maîtres de stage' et les enseignants sont invités à prendre du recul pour observer ce fonction-nement différent avec des élèves qu'ils connaissent. Ils sont ensuite progressivement réimpli-qués dans ce nouveau contexte avec un appui technique et des investissements théoriques.

Cette formation cherche néanmoins à s'inscrire dans la continuité des classes accueillies et non à substituer une logique à une autre. C'est pourquoi, les temps de négociation préalable et de suivi jouent un rôle important pour une opération dont le succès dépend de la capacité du dispositif de formation de faire vivre l'innovation la plus audacieuse mais néanmoins respec-tueuse de l'expérience et de la réalité des professionnels accueillis.

À partir de ces points communs qui fondent une réelle spécificité des centres de classes-lecture, on peut observer des diversifications à partir de quelques grandes questions.

Un premier axe concerne la nature du groupe d'adultes qui est l'objet réel de l'entreprise de formation. À une extrémité, ce groupe est réduit au seul enseignant de la classe. Il peut s'élargir aux parents, à d'autres intervenants dans l'école (BCD) ou proches de l'école (aide aux devoirs), à des acteurs du quartier. À l'autre extrémité, on rencontre la volonté d'une ville-lecture de mettre en formation une équipe intervenant dans une politique de lecture dont les enseignants ne sont pas les seuls garants, même si c'est l'école qui sert de point d'appui. En quelque sorte, cet axe serait assez bien celui de la déscolarisation de la lecture et de la ma-nière dont un centre de classes-lecture est au service d'un projet strictement scolaire ou, à l'opposé, d'un projet communautaire.

Un second axe concerne la nature de la commande au sein de l'école. S'agit-il de la formation individuelle d'un enseignement pour sa classe ou d'une formation mandatée (même s'il n'y a qu'un enseignant effectivement présent) par un groupe d'enseignants dans l'école ayant un projet collectif (organiser des cycles, l'hétérogénéité, faire fonctionner la BCD, s'ouvrir sur l'extérieur, etc.) ? En quelque sorte, cet axe traduit la manière dont un centre de classes-lecture travaille au niveau de l'organisation générale et du projet d'école ou des unités classes et de leur juxtaposition.

Un troisième axe concerne le rôle du projet dans l'organisation pédagogique. On retrouve là l'opposition entre une approche méthodique par investissements disciplinaires où le projet sert à la fois de mise en œuvre et de motivation et une approche centrée sur une production réelle dont la théorisation des processus de production conduit à une analyse méthodologique et à des constructions systématiques. En quelque sorte, cet axe oppose une conception du projet, d'une part, comme lieu de contextualisation de savoirs disciplinaires enseignés en tant que tels et, d'autre part, comme source d'une décontextualisation de processus intellectuels productifs pour lesquels le retour réflexif permet une construction théorique qui se structure progressive-ment en savoirs disciplinaires.

Un quatrième axe concerne la conception de l'apprentissage individuel dans son rapport au social et à l'hétérogénéité. On en trouve un bon exemple dans les questions que ne manque pas de poser la réécriture lorsqu'il s'agit de produire un journal correspondant à des usages sociaux convenus. L'élève apprend-il parce qu'il est associé à la réalisation de quelque chose dont la complexité le dépasse mais où ses apports vont être repris et transformés ou, à l'inverse, est-il invité à réaliser un produit qui correspond à ce qu'il est capable de réussir mais dont l'enjeu social est alors moins important que le but pédagogique ? En quelque sorte, cet axe développe un autre aspect des projets avec, d'un côté, une recherche d'autonomie im-médiate qui enferme l'enfant dans son statut et, de l'autre, une recherche de fonctionnalité qui associe l'enfant à une production collective.

On voit bien à travers ces quatre axes qui, au-delà d'un socle commun, contribuent à spécifier l'originalité de chaque lieu que la création d'un centre de classes-lecture et le choix de ses principes de fonctionnement témoignent finalement de conceptions très fondamentales de l'éducation et de la cité, de l'école et de l'enseignement, de l'enfant et de l'apprentissage. En ce sens, les centres se différencient les uns des autres sans doute moins sur des positions par rapport à l'écrit et à la lecture que sur des orientations de pédagogie générale. Autant le sa-voir…