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La revue de l'AFL

Les Actes de Lecture   n°9  mars 1985

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DOSSIER "UNE POLITIQUE DE LECTURE"

DANS UNE ZONE RURALE


La lecture en zone rurale ! Nous avons choisi ce sujet un peu par réaction contre certaines manifestations de la bonne conscience. Après le choc qui a suivi la publication du rapport sur l’illettrisme, des voix s’élèvent qui se veulent apaisantes. Nos concitoyens lisent.


Dans le même temps, les U.S.A. estiment que le nombre de leurs analphabètes fonctionnels augmente d’un million cinq cent mille par an ! Qui a intérêt à laisser croire que la lecture, en France, n’est pas un problème aussi grave qu’on le dit ?


Il est vrai que, dans ce domaine, les informations restent rares et peu éclairantes. La subjectivité est de règle et les statistiques sont aisément réfutées par le souvenir qu’on a de tel cas individuel ; comme si ce cas avait été oublié lors du calcul de la statistique, et, qu’à lui seul, il en inverserait la signification...


Les différentes enquêtes du Cercle de la Librairie ou du Ministère de la Culture sur les politiques d’achat ou les pratiques de lecture, pas plus que les statistiques des inscrits et des prêts dans les bibliothèques publiques ne parviennent à donner une vision incontestable. D’un côté, on ne manque pas d’être impressionné par le foisonnement des initiatives, le dynamisme et la créativité d’institutions multiples ; de l’autre, on se heurte au poids des chiffres. L’exception masque la règle.


Là où elles existent, les bibliothèques ne dépassent jamais 20% d’inscrits et toutes les enquêtes montrent que c’est parmi leurs utilisateurs que se recrutent les acheteurs de livres. Tout converge pour confirmer que 15% de la population concentrent 85% de la production écrite. Certes, des enquêtes comme celle de Monique EYMARD montrent que la lecture est une pratique incontournable, même pour ceux qui ont l’impression de ne jamais lire, mais si on exprime cette lecture en pourcentage du budget-temps quotidien, c’est pour les uns, la plus grande majorité, moins de 1%, et pour quelques autres plus de 20%... (1)


Peut-on réellement s’étonner de ces résultats lorsqu’on sait que dans tel département, ni meilleur ni pire que les autres, 40% de la population de plus de 15 ans n’a aucun diplôme et 25% en a un du niveau certificat d’études. On peut toujours rêver sur quelques itinéraires exceptionnels ; ils ne changent rien au fait que l’insertion sociale et professionnelle liée à ce niveau de scolarisation aboutit à un statut social qui ne favorise guère des rencontres variées avec l’écrit.


Même l’examen des tirages et des ventes, que ce soit ceux de la presse (en baisse) ou du livre, aboutit aux mêmes conclusions.


Un livre qui tire à 1 million d’exemplaires, c’est un tirage exceptionnel, un événement, alors que pour les disques de variété les gros tirages sont, si l’on peut dire, monnaie courante ! Mais même un million d’exemplaires, c’est moins de 3% de lecteurs. Et pourtant, on a l’impression qu’on a fait le plein, entendez par là qu’au moins un habitué de la lecture sur 5 l’a lu. Ce qui aboutit toujours à définir un bassin de lecture qui n’excède pas 20% de la population. Et le gros tirage des collections populaires (romans policiers ou série Harlequin) obéit au même phénomène : une clientèle fidèle mais qui représente un pourcentage infime de la population.


Le milieu rural apparaît dans cette situation encore plus dépourvu et plus mal desservi. D’où l’idée de cette rapide enquête. La commune que nous avons choisie est représentative de ce qui se vit en zone rurale tout en bénéficiant, on le verra, de conditions favorables. Il ne s’agit sûrement pas d’une commune pilote ; mais encore moins d’une survivance du passé. Elle se situe certainement au-dessus de la moyenne de ce qu’on peut rencontrer dans les milliers de communes françaises de moins de 1.000 habitants.



LA COMMUNE

P. est une commune balnéaire de Loire-Atlantique. 20.000 habitants l’été, 7 campings, plusieurs hôtels, un grand nombre de résidences secondaires. La commune compte 750 habitants au dernier recensement, dont environ 600 vivent ici en permanence. Les PTT font le tour de 325 boîtes aux lettres.


L’activité de la commune est liée à sa situation balnéaire. Les deux mois d’été comptent plus que les 10 autres. Mais les commerçants, les artisans, leurs employés permanents ou temporaires restent sur place. Une toute petite fabrique de jouets, quelques personnes qui vivent de la mer, d’autres qui travaillent à St Nazaire, Pornic, St Michel ou Nantes, 80 chômeurs et beaucoup de personnes venues prendre leur retraite dans ce qui était auparavant leur résidence secondaire : 240 personnes ont plus de 60 ans.


La station balnéaire est ancienne et accueille, dès son origine, des “grandes familles” qui y construisent une résidence. Ces notables donnent le ton. Les anciens vacanciers devenus sédentaires aujourd’hui à P. contribuent à animer la vie culturelle et muni­cipale.


Aux élections législatives, 2/3 des voix se portent à droite, mais la municipalité se reconnaît d’intérêt communal. Le maire, garagiste, en est à son deuxième mandat ; il est entouré, au conseil municipal, de com­merçants, d’artisans, de retraités. Les équipements collectifs s’honorent d’une école de voile, de belles salles de réunion, d’une école grande et qu’on agrandit encore. Les équipements sportifs appartiennent à la commune voisine.


La vie associative est assez intense.

Une Amicale laïque, animée par une vingtaine de militants assez jeunes, propose de nombreuses acti­vités: gymnastique volontaire, club photo, céramique. Elle met sur pied une exposition chaque année qui implique un grand nombre d’habitants de la commune, par exemple : les loisirs cachés des habitants de P. ; P. sous l’occupation ; P. tel qu’on peut le connaître à travers les photographies publiques et privées ; la lecture à travers les âges ; une expo nature ; etc.

L’Amicale laïque est le nerf de l’école pour les financements complémentaires grâce à l’organisation de kermesses et de bals pendant la saison.

Un club du 3ème âge se réunit le mercredi et organise sur l’année voyages, repas, goûters ; et des après-midi belote. 80 personnes y sont inscrites.

Un club nautique gère le port et l’école de voile et offre aux élèves pendant l’année une initiation sur optimists.

Un club des propriétaires lutte pour la sauvegarde de l’environnement.

Un club des chiens de défense ou plutôt de leurs propriétaires, qui concilient ainsi l’amour des animaux et la sauvegarde de la propriété privée.

Une société de chasse, autre manière d’aimer les animaux.

Un club de « scrabble » et « des chiffres et des lettres » dont les membres se distraient, s’entraînent et participent à des épreuves locales.

Un comité des fêtes au niveau communal re­groupe des responsables municipaux et des commer­çants.

Un syndicat d’initiative publie quelques brochures touristiques et assure les contacts entre loueurs et locataires, les réservations dans les hôtels, etc…

Pompiers et fanfare sont communs avec le village le plus proche.


Deux médecins, un pharmacien, une permanence d’Assistance sociale, deux infirmières constituent le volet Santé. Pas de planning familial, pas d’information sur les problèmes de Santé, d’alimentation, d’hygiène. De la même manière, pas d’instance de rencontre, d’information et de réflexion sur la réalité de la vie locale, professionnelle ou familiale. Pas d’antenne, par exemple, de la CSF, pas de militants du cadre de vie.


Le village est catholique et le curé voisin assure les services à la chapelle. Mais la vie religieuse, surtout pour les enfants, est organisée par des “dames de catéchisme” qui ne limitent pas leurs activités à la catéchèse et servent de répétitrices et d’accueil pour les élèves après l’école. Pas vraiment répétitrices d’ailleurs, puisque certaines ont recours à la méthode Boscher, qui n’est pas spécialement ce qu’on utilise au cours préparatoire !


Les jeunes de la commune trouvent leur environ­nement trop saturé l’été et trop monotone l’hiver. Ils partagent leurs loisirs entre les occupations familiales, la télévision et la mobylette qui leur offre la possibilité de succomber au pouvoir d’attraction de la ville voisine, Pornic, qu’ils fréquentent déjà comme collégien ou lycéen grâce au ramassage scolaire.


L’écrit né de la commune ou lié à elle est assez réduit : un bulletin municipal et un bulletin paroissial trimestriels ; quelques lignes des correspondants dans les journaux quotidiens locaux ou dans le Courrier de Paimboeuf hebdomadaire. Et une politique systéma­tique d’affichage chez les commerçants pour annoncer les manifestations de la commune.



LE BULLETIN MUNICIPAL

Trimestriel. Entre 20 et 25 pages. L’équivalent de 2 pages d’un journal comme “Le Monde”. Il contient des avis, des comptes-rendus, des présentations, un aper­çu des activités des asso­ciations.

Au sommaire du dernier numéro:

* le mot du Maire : 5 lignes

* petites infos : 3 pages

* décorations des Anciens Combattants et des Sapeurs Pompiers: 1 page

* vacances scolaires : 1 p.

* animation sportive : 1 p.

* Syndicat d’Initiative : l p.

* Club Scrabble et Chiffres et Lettres : 1 page

* culture et Bibliothèque pour tous: 1 page (en fait, 22 lignes pour présenter l’heure du conte mensuelle, les derniers achats et rappeler les heu­res d’ouverture).

* et encore : la météo, le camping, 1’assainissement, le recycla­ge du verre, le Club nauti­que, l’aménagement d’une plage, le Club du chien, 1’Amicale laïque, l’Amicale des Anciens et des Retrai­tés, etc..


En bref, un écrit essentiellement informatif :

« Lorsqu’il y a un décès dans la commune, la population n’en est pas toujours informée. Soit on ne prend pas le journal et si le prend l’avis n’y est pas forcément inséré. Dorénavant, un encadré sera placé sur la vitrine du Syndicat d’Initiative, comme cela existe dans certaines communes de montagne, avec le -nom de la personne décédée et l’heure de l’inhumation. »­



LE COURRIER DE PAIMBOEUF

Hebdomadaire local de 14 pages


% DE LA SURFACE:

18% en publicité.

21% en photos.

15% en annonces ou programmes.

46% en textes et titres.


RÉPARTITIONS DES PAGES:

informations générale s: 3

informations locales : 9

petites annonces : 2


LES INFORMATIONS GÉNÉRALES se décomposent en :

un article d’opinion sans le dire, sorte d’éditorial à la sagesse floue.

un dossier. Cette semaine sur les quotas laitiers et qui occupe à lui seul une page et demie.

un calendrier de la semaine écoulée.

les programmes télé de la semaine à venir.

quelques nouvelles des pays de la Loire.

Ces pages n’apportent donc aucune information de poli tique générale, étrangère, etc...


LES INFORMATIONS LOCALES

sont ventilées par canton et par commune. Elles sont assez inintéressantes pour des lecteurs non concernés : état-civil ; accidents di­vers ; concours de belote ; cérémonie des vœux ; la mairie vous informe ; sec­tion de basket, de foot­ball ; cyclotourisme ; UNC-AFN ; mise à jour des listes électorales ; goûter du club ; tentative de vol ; dispen­saire ; en correctionnelle ; etc.

Mais, contrairement à ce qu’on pense souvent, il y a pour une commune donnée, très peu d’informations. Pour la commune qui nous intéresse, cela se borne à : “Le 51 janvier prochain, le Conseil d’Administration de la caisse de Crédit Mutuel présentera ses voeux aux sociétaires et offrira un pot à l’occasion du départ de M. J., responsable de la caisse pendant treize ans, qui vient d’être affecté à la caisse de S.. A cette occasion, il invite tous les sociétaires qui souhaitent participer à cette manifestation qui se déroulera à partir de 20h30 à la salle des Goé1ands. Le Conseil informe ses so­ciétaires que c’est M. P. qui remplace M. J. comme responsable de la caisse.”

L’ÉCOLE

L’école accueille 85 élèves dont 40 en maternelle, 4 enseignantes et une femme de service qui ont choisi de ne constituer que 3 classes (2-5 ans ; CP-CE1 ; CE2-CM1-CM2) afin de libérer quelqu’un en permanence pour la B.C.D. et les micro-ordinateurs.

C’est la première année, explique la directrice, qu’on fonctionne ainsi. Les enfants viennent pour une partie de la journée en groupes. Par exemple, pour que les CP puissent rester seuls un moment avec la maîtresse, les CE1 viennent ici. Mais en fait, l’essentiel de ce poste dégagé sert è l’animation BCD et à l’informatique.


Il y a. 2 ans, on a reçu ELMO car l’Amicale Laïque l’a payé à l’École (Goupil II, plus logiciel) en profitant de la subvention à 75% que l’Association pour le Dévelop­pement de la Lecture proposait. Il nous a fallu quelques mois pour comprendre tout ce qu’on pouvait en tirer. L’année d’après, on avait toujours nos 4 classes et chacune se déchargeait 1 heure et demie par jour pour permettre aux CE1-CM1-CM2 d’utiliser le micro. Par exemple, j’avais la grande Section/ CP à l’époque ; quand je m’occupais des enfants autour d’EL MO, les grandes sections allaient en maternelle et les CP partaient au CE ou au CM. Et inversement pour les autres. On suivait donc un groupe d’enfants pendant six mois.


L’année d’après, on a trouvé que notre travail autour d’ELMO était vraiment efficace, mais c’était quand même au détriment d’autre chose. ELMO était dans le couloir dans un meuble à roulettes. On a décidé de regrouper beaucoup d’ac­tivités dispersées. Et c’est comme ça qu’on a créé la B.C.D., donc, après ELMO. Mais, d’abord dans une classe qui continuait de fonc­tionner, dans laquelle nous avions regroupé tous les livres de l’école et où pouvaient venir les enfants des autres classes. Mais cela n’a pas duré longtemps et nous avons franchi le pas. Une classe de moins que d’enseignants ; et l’institutrice déchargée pour la B.C.D., ELMO et des animations en activités d’é­veil”.

EL MO fonctionne bien avec les élèves, et là, nous démarrons avec ELMO O. Nous faisons un stage de huit jours entre collègues de plusieurs communes pour maîtriser les -aspects techniques et surtout réfléchir aux aspects pédagogiques.


En ce qui concerne ELMO, il est en principe ouvert aux gens de la commune, mais franchement ça ne marche pas. La première année, quelques vacanciers en ont vu l’intérêt et l’ont utilisé ; mais les habitants ne viennent pas à 2 ou 3exceptions près. On a sans doute à faire un travail d’information et surtout de déculpabilisation les gens ne sont pas à l’aise avec leur lecture”.


La formation et la concertation des enseignants, dans cette zone rurale, ont lieu à l’intérieur de l’é­cole de manière informelle (l’am­biance est excellente) et entre les écoles des petites communes voisi­nes grâce aux structures Education Nationale (stages, conférences pé­dagogiques nombreuses) mais enri­chies par l’Association pour le Développement de la Lecture en Zone rurale.


L’Association pour le Développement d’une Politique de Lecture en Secteur Rural a été créée il y a cinq ans pour faciliter les efforts entrepris en vue de changer les conditions de la lecture et de son apprentissage par l’implantation de B.C.D. puis grâce à l’utilisation d’ELMO.


Elle est d’abord intervenue pour aider à résoudre des problèmes d’équipement (achats de livres, de micro-ordinateurs loués aux écoles qui s’engageaient dans une politique clairement définie...), pour faciliter la circulation d’informations et pour aborder des questions de formation... Malgré une authentique volonté d’ouverture, elle était alors composée d’enseignants...


En 1982, l’organisation d’un stage d’une semaine ouvert aux enseignants, aux parents intervenant dans les écoles a marqué un tournant décisif dont les effets sont mesurables aujourd’hui. Il a été l’amorce de deux projets ambitieux (ouverture d’une boutique de lecture et d’informatique à NANTES, organisation d’une Université Régionale d’Eté) et a surtout permis d’établir des relations entre les institutions (Education, Temps Libre), des Associations et des individus décidés à agir en commun... On est alors passé d’une perspective d’ouverture de l’école à une approche plus large, visant à définir des actions autour desquelles un projet se préciserait peu à peu...


Aujourd’hui, l’A.D.P.L. organise son fonctionne­ment pour répondre aux demandes qu’elle reçoit, pour maîtriser les réponses données en son nom et pour approfondir la formation de ses membres... Pratique­ment, le travail interne à l’Association repose sur le fonctionnement de commissions (ELMO – ELMO 0 - Boutiques de Lecture et d’informatique – BCD et littérature enfantine - pratiques communautaires...) et sur les efforts d’un groupe de pilotage chargé de fonctions d’impulsion, d’organisation et de coordination.


Vers l’extérieur, 1’A.D.P.L. intervient de plusieurs façons ponctuellement dans des réunions et tables rondes, en proposant des journées régulières d’information et de formation, en apportant son aide sur le terrain (mise en place d’une politique communautaire dans un village, utilisation d’ELMO O dans C.A.T.) ou encore en participant à des projets régionaux (formation des T.U.C., nouvelle Université Régionale d’Eté).


Les moyens de telles actions sont liés à une profonde transformation de la composition l’Association et à une réelle spécialisation de certains d’entre eux... Deux postes créés au titre des T.U.C. sont attendus...


L’A.D.P.L. a profondément transformé son approche des problèmes ; plus globale, moins centrée sur l’école, cette approche est plus dynamique et plus vivante...


L’A.P.L. se vit maintenant, et est perçue comme un groupe local de l’AFL.


La municipalité subvient de manière satisfaisante aux besoins. Elle estime qu’un élève, toutes charges comprises, revient à plus de 1.000 F. par an dont 270 F. pour l’achat de fournitures. Sans parler de la construction d’une aile nouvelle à l’école qui abritera une salle de jeu et une BCD réellement conçue comme une bibliothèque et un lieu d’animations multiples.


La BCD compte environ 1.500 livres dont une bonne moitié est équipée. Le prêt est assuré et les enfants emportent les livres chez eux. Des apports et des échanges ont lieu avec “la Bibliothèque pour tous” de la commune. Rien avec la BCP. On n’observe pas de fréquen­tation de la part des parents, d’autres adultes ou d’anciens élèves aujourd’hui au collège. Les animations sont celles qu’on a l’habitude de voir dans les BCD.



LA BIBLIOTHÈQUE

La Bibliothèque installée dans la commune fait partie du réseau des Bibliothèques pour tous. Créée en 1971, elle fonctionne dans un local prêté par la Paroisse et entretenu par la Municipalité. Elle a une grande activité pendant la saison avec les estivants, où elle réalise un chiffre d’affaires de 15.000 F. entre les prêts et les abonnements. Cet effet “locomotive et le suréquipement dont elle a besoin pour fonctionner .l’été jouent un rôle sans doute favorable hors saison. Pour les 10 mois restants, les rentrées d’argent n’excèdent pas 5.000 F. Ce qui laisse malgré tout un budget pour des politiques d’achat et d’équipement de l’ordre 15 à 20.000 F. par an.


Les bibliothécaires sont totalement bénévoles et peuvent recevoir, si elles le désirent, une formation en deux ans dans le cadre de l’Association.


Hors saison, la bibliothèque est ouverte 3 fois par semaine. Mais peu de gens la fréquentent. En fait, l’ouverture signifie que les bibliothécaires viennent y travailler pour équiper les livres et décider des politiques d’achat : environ 3 à 400 livres par an.


On estime qu’une cinquantaine de personnes de la commune fréquentent assez régulièrement la biblio­thèque ; soit entre 5 et 10% de la population dont quelques-uns viennent seulement passer le weed-end ici. Au moins 2/3 de ces lecteurs sont du « troisième âge ».


Un mercredi par mois, à l’occasion de l’heure du conte, les enfants, même non inscrits, peuvent em­prunter des livres gratuitement.


La fréquentation des 16-25 ans est extrêmement ­réduite. On trouve donc essentiellement des très jeunes, quelques adultes, artisans, commerçants de la commune, et des retraités, ces derniers en grosse majorité.

Les utilisateurs réguliers sortent enmoyenne 2 livres tous les 10 jours. Ils sont surtout attirés par les nouveautés, ou par des livres même anciens,subrepticement réintroduits sur les tables d’exposition. Peu de lecteurs choisissent directement leurs livres sur les rayons. Le public est soucieux des nouveautés et le macaron de l’année est un gage assuré d’emprunt.


« Ce qui est désolant, dit une des bibliothécaires, c’est ce qui nous est demandé... Je comprends bien que des personnes du troisième âge ne veuillent pas trop “se casser la tête”, mais la lecture, c’est vraiment la détente, genre La Baronne rentre 5 heures (de Rotschild), Dehli, Barbara Catland, Fanny Deschamps, ou depuis quelques temps, Régine Deforges et Sa bicyclette bleue.


Dans cette perspective, une demande existe aussi pour des ouvrages de vulgarisation historique comme les Rois de France de Georges Bordeneuve. Mais pour les documentaires plus techniques, sur la pêche, la nature, le jardin, on n’observe pas de demande aussi n’en a-t-on pas dans la bibliothèque. Finalement, le fonds est essentiellement basé sur des romans et quel­ques biographies. C’est vraiment la lecture conçue comme une détente”.


La Municipalité verse une subvention annuelle de 800 F., ce qui représente 1/10.000e (un dix millième) du budget total de la commune. Au niveau national, la part de la Culture dépasse allègrement 1 % du budget national ; et dans une ville comme Bobigny, le budget des bibliothèques est supérieur à 2,8 % (2). Para­doxalement, dans une petite commune rurale où l’environnement et les sollicitations en livres sont rares (par exemple, parce qu’il n’y a pas de grandes librairies, etc...), on pourrait s’attendre à ce que les pouvoirs publics compensent cette “pauvreté” relative par une politique volontariste d’équipement et d’animation. Au minimum qu’il en soit “fait” autant pour un campagnard que pour un citadin. Cent fois moins ! Et sans que cela pose de problèmes ! Car la municipalité n’a jamais refusé de satisfaire une demande. Personne ne semble s’étonner vraiment qu’un Nantais puisse emprunter gratuitement un livre choisi à la bibliothèque au milieu de dizaines de milliers d’autres, et qu’ici, il faille payer entre 3 et 5 francs pour emprunter un livre choisi parmi quelques centaines.


Pour qu’un livre soit amorti, explique une des bibliothécaires, il doit être emprunté au moins par une vingtaine de personnes. Du coup, ce n’est pas du tout évident de choisir un livre un peu difficile ou de tenter de faire évoluer les politiques d’emprunt des lecteurs.


Cette nécessité de ne pas trop s’éloigner de la rentabilisation, même pour une Association à but non lucratif, contraint à proposer ce qui est spontanément demandé, et cela va à l’encontre d’une véritable politique de Lecture. On donne à lire à ceux qui lisent et on ne leur donne à lire que ce qu’ils lisent... “.

Il est évident que ce qui coûte cher dans une politique de lecture, c’est l’action de promotion, c’est de gagner des lecteurs parmi les non-lecteurs. N’a-t-on pas l’habitude de dire qu’il faut dépenser autant pour gagner 1% de lecteurs en dehors du public “naturel” des bibliothèques qu’on en dépense pour satisfaire l’ensemble de ce public naturel.


Cette action volontariste suppose donc qu’on anticipe sur une demande qui n’existe pas puisque les lecteurs ont des livres chez eux, en achètent et en trouvent dans les bibliothèques. Et que les non-lecteurs n’ont aucune demande vis-à-vis de l’écrit.

C’est sans doute une des impressions les plus fortes que l’on éprouve, déclare un des responsables de l’Association pour le Développement de La Lecture en Zone Rurale, que cette harmonie qu’on vient troubler dès qu’on propose quelque chose en lecture. On a l’impression que l’équilibre s’est établi au point le plus bas, entre l’offre et la demande, et que tout va bien ainsi. Il n’y a pas, au niveau communal, de demandes insatisfaites et sûrement pas en provenance des non­-lecteurs. Si bien que ce qui devient la norme implicite, c‘est la propre pratique de lecture des responsables municipaux. Un maire et des conseillers qui utilisent beaucoup d’écrits auront tendance à penser que cette possibilité d’accès à l’écrit est aussi indispensable, pour tous, que le raccordement à l’adduction d’eau, au tout à l’égout, le branchement EDF ou la desserte de l’habitation par une route accessible en tout temps. Davantage encore, ils s’inquièteront de ceux qui refuseraient ces possibilités et enverront des assistantes sociales dans les familles qui n’ont ni l’eau ni l’électricité, au moins dans l’intérêt des enfants. C’est la même chose pour l’écrit, ils envisageront des actions envers les non-lecteurs. En revanche, un maire et des conseillers qui utilisent peu d’écrits vont avoir tendance à croire que la lecture, c’est une affaire de goût, une distraction parmi d’autres, quelque chose qui n’a pas à être pris en charge par la collectivité comme le serait le développement de l’hygiène, des transports ou de la sécurité. On subventionnera donc la bibliothèque comme les autres associations, comme Le club du chien de défense ; mais la lecture n’est pas l’enjeu d’une politique communale. Et tant que le problème reste posé ainsi, il n’y a aucune raison pour que quelque chose vienne perturber cet équilibre. D’où l’urgente nécessité d’un travail d’information sur la lecture, sur ses enjeux politiques, culturels, écono­miques, auprès de la population et auprès des élus, dont on n’a aucune raison a priori de suspecter l’attachement au progrès et au bien publics”.


TÉMOIGNAGES

Le personnel municipal

Ce qui frappe, c’est la panique du public devant l’écrit administratif. C’est immédiatement le refus de lire et une demande d’aide. Et lorsqu’il y a néanmoins effort pour lire, il y a souvent incompréhension, la plus fréquente étant de ne pas être sensible à la forme négative. Autrement dit, on est accroché par un mot, on le comprend, mais on ne comprend pas la phrase dans laquelle il est employé on retrouve le même phénomène pour les artisans qui ne rempliront jamais un papier sans demander à leur comptable.


Le Bulletin municipal est tiré à 200 exemplaires. Il est difficile à remplir, car il ne correspond pas vraiment à un besoin, mais plutôt à une habitude, le signe qu’il y a un dialogue entre la commune et les administrés. Alors on essaie d’obtenir de chaque asso­ciation un petit texte et on passe des informations. Par contre, on est souvent sollicité par des poètes locaux qui nous envoient leurs oeuvres en espérant qu’elles seront publiées dans le Bulletin. Une des expositions de l’Amicale laïque l’avait montré : beaucoup de gens ont des activités cachées de création : ils brodent, ils peignent, ils sculptent et ils écrivent. Mais ils n’ont pas de public...


C’est vrai qu’il n’y a pas de politique de la lecture au niveau de la commune. On a l’impression que les responsables ont personnellement un malaise envers l’écrit et qu’ils le répercutent dans leur gestion. C’est leur pratique culturelle qui devient la norme implicite de leur action municipale. Il est probable que 4 conseillers sur 13 ont des habitudes de lecture régulières pour des raisons professionnelles ou de loisir. Les autres en sont plus éloignés. Par exemple, le Journal officiel n’est regardé par personne dans la municipalité ; et quand les dossiers sont épais...


Cette proportion, c’est aussi celle qu’on retrouve dans la population. Il n’y a sûrement pas plus de 3 maisons sur dix dans lesquelles se rencontrent des livres qu’on utilise...”


Les gens du troisième âge

Vous savez, c’est une illusion de croire qu’on va se mettre à lire à la retraite. Ceux qui lisaient déjà liront peut-être un peu plus parce qu’ils ont plus de temps, ou que d’autres activités leur deviennent plus difficiles. Mais on ne se met pas à la lecture, passé soixante ans.


Dans le village, les gens lisent peu ou pas ; quand on rentre dans les intérieurs, on ne voit pas de livres.

Il n’y a sûrement pas un dictionnaire par maison. On trouve peut-être un livre rapporté d’un voyage à Lourdes ou un livre reçu en prime. Mais c’est tout. Il n’y a aucune politique d’achat de livres dans les familles. Dans le meilleur des cas, ce sont plutôt des journaux ou des revues. Il y a peut-être 5 ou 6 foyers qui achètent des livres par correspondance. Mais, en fait, les livres sont concentrés dans quelques familles moins de 50 en tout cas et qui regroupent 80 à 90% des livres de la Commune.


Il y a des gens qui écrivent dans la commune et on serait souvent surpris de savoir qui. Mais ça n’intéresse pas les autres. On pourrait penser que des gens qui lisent peu “la littérature de Paris” vont être intéressés par ce qu’écrivent leurs voisins, par ce qui se dit de ce qu’ils connaissent. Et bien non...”



Les commerces de livres et de journaux

Dans la commune, 3 magasins vendent des livres.


Une petite mercerie qui, hors saison, propose des livres pour enfants et des livres régionaux. En moyenne, elle n’en vend pas un par semaine.

Un bazar propose également des livres pour enfants et des collections “grand public”. En moyenne, il en vend une dizaine par semaine et essentiellement des collec­tions populaires (Genre Harlequin) à des personnes qui les achètent régulièrement pour se constituer des séries complètes.

Enfin, une Maison de la Presse qui fait bar et tabac et qui veut avoir une politique dynamique par rapport à l’écrit et particulièrement les livres. Voici un regard sur ses ventes.


La Presse Quotidienne :

- les quotidiens parisiens 18 vendus dont 7 “Figaro”, 6 “France-Soir”, 2 “Pari­sien”

Le samedi, du fait du week-end et des magazines associés au quotidien, il vend une dizaine de France-Soir et une vingtaine de F igaro.

- les quotidiens régionaux genre Ouest-France, Presse-Océan : 115.

- une quarantaine d’abonnements à la Presse quotidienne sont servis par la Poste.

Au total, on peut estimer que la presse quotidienne entre dans 50 à 55% des familles.



La Presse hebdomadaire ou mensuelle :

Le journal local (le courrier de Paimboeuf) : 120 exemplaires

Paris Match : 15

Prima : 15

Femmes actuelles : 16

Bonnes soirées : 10

Parents : 10

Femmes d’aujourd’hui : 8

VSD : 5

Revues spécialisées : 10


Au total, on peut estimer que la presse régionale hebdomadaire entre dans 35% des foyers ; et la diversité des hebdomadaires nationaux et des mensuels dans une pro­portion notablement inférieure.



La presse pour enfants et pour adolescents :

Pour les enfants, la vente est inexis­tante : 1 J’aime lire et Pif : 1 exemplaire.

Pour les adolescents, une dizaine d’exemplaires (entre O.K. Magazine, Salut les Copains et Girls).


Cela confirme l’impression générale, plusieurs fois exprimée, que la tranche d’âge 15-30 ans n’est pas celle qui fréquente le plus l’écrit.




Les livres :


Malgré un effort important de cette Maison de la Presse pour promouvoir aussi le Livre, les résultats sont décevants, dès qu’on n est plus en saison.


Quelques livres ont été vendus à l’ap­proche des fêtes, 2 ou 5 par jour, mais aussi O ! Avant et depuis, presque rien. Une bonne partie des Livres de poche sont sur les rayons et pourtant, il ne s’en vend certainement pas plus de 10 à 15 par mois.


Le Libraire choisit les livres, à partir de l’émission de Pivot mais aussi sous les conseils des représentants Hachette et tout est fait dans la présentation pour tenter l’acheteur. Ces efforts seraient économi­quement absurdes s’il n’y avait les deux mois d’été... Mais la qualité de ce suréquipement relatif dans un lieu nécessairement fré­quenté (bar- tabac) ne parvient pas à créer des habitudes d’achat.


Il est difficile d’obtenir au niveau d’une commune, même petite, une information incontestable sur les pratiques de lecture et d’achat de livres. Nous avons, auprès de tous nos interlocuteurs, proposé un indi­cateur : le nombre de foyers ou de familles qui dépensent plus de 200 F. par mois pour acheter “de l’écrit”. 200 F., au niveau d’une famille, entre les parents et les enfants, c’est un journal chaque jour, un hebdomadaire et un journal pour enfants, et un ou deux livres par mois. Toutes les personnes questionnées s’accordent pour estimer que le nombre de familles qui consacrent 200 F. par mois à l’achat d’écrits sous toutes ses formes est certainement inférieur à 10 pour l’ensemble de la commune.


Sans doute certaines emplettes peuvent se faire en dehors de la commune, mais l’inverse est vrai, et il est certain que les gens de passage et ceux qui ne viennent qu’en week-end compensent les achats à l’extérieur.


Certes, 200 F. par mois pour une famille, c’est 5% du SMIG; mais dans d’autres domaines, c’est un budget bien vite atteint : un paquet de cigarettes par jour et 2 ou 3 apéritifs par semaine ; pour un seul des membres de la famille ; sans parler du loto ou du tiercé.


Moins d’une dizaine de familles sur 300. 3% donc selon les estimations unanimes. En se donnant toutes les garanties, assurément moins de 6% des foyers....




SOUS FORME DE CONSTAT

L’état de la lecture dans une petite commune rurale ?


On lit peu et on ne s’en plaint pas, car ce qu’on vit n’implique pas qu’on lise ; aussi la lecture apparaît-elle pour quelques-uns seulement comme une forme, parmi d’autres, de loisirs. Le recours à l’écrit est bien peu intégré à la vie.


Cette constatation est difficilement admissible pour tous ceux qui vivent au milieu des livres. Incompréhensible même, donc suspecte, tout comme la publication voici quelques années, d’une étude révélant qu’il y avait en France moins d’une brosse à dents pour 2 habitants. Comment est-ce possible ? Chacun de mes amis en a au moins une ; l’information doit être fausse...


Quelle est la politique locale qui répond à l’état de ces pratiques ?


1. Politique d’information. Elle est inexistante.

L’école apparaîtrait comme un centre privilégié pour ces prises de conscience dans la population. Mais une démarche d’information est difficile car elle risque d’être comprise comme un constat d’échec de sa propre action. Et on voit mal quels seraient les autres militants d’une information sur les enjeux de la lecture.


2. Partage de l’implication sociale.

Cela pourrait être un point fort, car la vie associative est assez intense dans la commune. En fait, le pouvoir, l’initiative, le dévouement des animateurs, tout cela reste concentré dans quelques mains, à coup sûr moins d’une centaine de personnes, moins de 15% de la population.


3. Formation des formateurs.

Les instituteurs apparaissent comme les seuls formateurs. Les conditions de leur formation permanente sont bonnes du fait de l’Association créée au niveau de la circonscription d’inspection. Mais ils ne parviennent pas à ouvrir le dialogue avec les autres co-éducateurs, en particulier les parents, qui font confiance et délèguent facilement leur responsabilité.


4. Mise en réseau des équipements.

Ces équipements existent B.C.D. d’un côté, bibliothèque pour tous de l’autre. Mais le budget qui leur est consacré est faible. Elles ont peu d’activités communes et encore moins de politique concertée. La B.C.D. ne s’ouvre ni sur son environ­nement, ni aux parents ou aux anciens élèves.


5. Nouvelle lecture

Il y a bien peu de démarches envers les non-lecteurs pour leur faire rencontrer les écrits existants, pour mettre en relation leurs préoccupations avec des livres ou des journaux, pour les aider à observer la littérature comme un fait social cohérent avec une organisation qui leur confère le statut qu’ils ont et qu’ils pourraient faire évoluer.


6. Nouveaux écrits.

On serait tenté de trouver les conditions favorables : des gens qui ont envie d’écrire, des supports de publication, des expériences communes au sein des Associations, des goûts communs pour l’histoire, l’environnement, les contes...

Et pourtant, rien. il manque un catalyseur qui fasse naître ces circuits-courts autour de l’écrit, ce public actif qu’on voit facilement apparaître dans un domaine voisin : celui des conteurs.


7. Investissement méthodologique.


Incontestablement, l’école et l’amicale laïque ont su créer les conditions d’une méthodologie différente ; aussi bien pour la pédagogie de la lecture à l’école que pour le perfectionnement de la lecture des adolescents et des adultes. Et pourtant, il ne se passe rien en dehors de l’école. Une vingtaine de personnes trouvent normal de consacrer deux heures par semaine au bon état de leur corps grâce à la gymnastique volontaire, mais personne ne profite de la possibilité offerte de se maintenir en forme ou de progresser dans ses rapports à l’écrit. Cette prise de conscience n’a pas encore eu lieu.


Un tel constat peut sembler pessimiste. Cette photographie de la lecture dans une petite commune rurale exprime bien ce que permettent d’imaginer par ailleurs les froides statistiques générales : bien peu de Français lisent. Mais un élément n’apparaît pas dans les statistiques : c’est la qualité de l’écoute et l’intérêt en profondeur qui se manifestent dès qu’on aborde les problèmes de lecture dans leurs vraies dimensions, dans leurs conséquences scolaires, sociales, économiques, démocratiques, culturelles. Toutes les personnes que nous avons rencontrées expriment, à leur manière, la nécessité raisonnable de passer du bon sentiment à la politique cohérente. La lecture est, certes, dans l’état où elle est, mais elle n’apparaît plus comme un choix individuel, un goût qui ne se discute pas. Elle semble à tous un enjeu social, une clé du futur, qui mérite bien qu’on s’y consacre ensemble.


Jean Foucambert



(1) Voir le n°3 des A.L. (sept. 83) p.78 et suiv…


(2) Ce qui représente 160F par habitant, non compris les investissements. Cela ferait pour la commune de P.,la somme de 120 000F au lieu de 800E (soit 1 500 fois plus) !