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La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°27  septembre 1989

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PROJETS

Nous continuons (cf. AL n°26, juin 1989, p.15) la publication de projets d’actions en faveur de la lecture à la fois originaux et susceptibles d’aider à la mise en œuvre d’innovations semblables non pas en tant que modèles directement transposables, mais comme des exemples dont on puisse s’inspirer. Le premier est un avant-projet pour une politique de lecture sur un quartier de Nîmes, une proposition des CEMEA et du centre de classes-lecture de Bessèges aux divers acteurs pour constituer un réseau et coordonner les initiatives en faveur de lutte contre l’illettrisme. Le second montre comment le Conseil général des Hauts-de-Seine entend participer à la lutte contre l’échec scolaire à l’échelon du département par une aide à la lecture techniquement et pédagogiquement conçue par l’École Normale.

Organismes promoteurs : Centre National des Classes Lecture à Bessèges (AFL) et Centres d'Entraînement aux Méthodes d'Éducation Active (CÉMÉà) départements « Enseignement » et « Animation - Insertion Jeunesse ».

Lieu où pourra se dérouler l'action : Nîmes ou Alès (quartiers populaires)

Organismes et Structures associées :

- les associations locales ayant déjà des initiatives en liaison avec la lecture, l'écriture ;

- les bibliothèques municipales, scolaires (BCD) ;

- les centres sociaux, structures municipales ;

- les écoles : GAPP - CEFISEM

- les associations de parents d'élèves, de locataires, de jeunes...

Durée du dispositif : 12 mois

Groupe d'appui constitué par :

- les organismes publics concernés par le développement social et culturel ;

- les administrations et les missions contribuant au financement de l'opération ;

- des partenaires de voisinage.

Objectifs : impulser et coordonner une série d'initiatives visant au développement d'une politique de lecture sur un ou des quartiers, avec des effets sur l'ensemble de la population ; d'en favoriser la pérennité :

- parents à partir de leur rapport à leur enfant écolier ;

- travailleurs en situation de reconversion ;

- jeunes bloqués dans leur désir d'apprendre: ;

- population d'origine étrangère en recherche d'insertion sociale ;

- titulaires du RMI isolés ou intégrés dans des accompagnements-soutiens ;

- militants du loisir, du sport, de la culture, du milieu syndical, mutualiste, de solidarité, etc.

Démarche : il sera constitué un « noyau impulseur », personnes issues du quartier et porteuses d'une dynamique de transformation du milieu. Hétérogène dans sa constitution, ce groupe pourra être composé de jeunes déjà leaders positifs, de jeunes TUC, d'adultes actifs ou sans emploi, de mères de familles, de stagiaires venant de modules d'insertion du dispositif jeune ou adulte... tous habitant le quartier.

Ce groupe non spécialisé en lecture, dont certaines personnes auront elles-mêmes des besoins d'aide à la lecture, sera coordonné par deux permanents des CÉMÉà et de I'AFL, conducteurs jusqu’à son terme de l’opération globale. Un dispositif de formation organisé à partir des ressources des deux organismes, et tout particulièrement du Centre National de Bessèges, contribuera à rendre le « noyau impulseur » opératoire auprès de leurs pairs.

Il s'agira de mobiliser toute une population par une multitude d'initiatives, régulières, croisées, spectaculaires ou discrètes afin de mettre en mouvement tout un réseau. Le chiffre de 500 personnes visées paraît possible. Il s'agira aussi de rentabiliser les forces déjà investies dans les quartiers sur la question de l'illettrisme en favorisant des dynamiques convergentes (et non concurrentes). À partir du « noyau impulseur » le plus à même « d'appeler » ceux qui sont incapables de lire, sera favorisée progressivement la mise en confiance, les gens devenant acteurs eux-mêmes appelant à leur tour par des actes concrets des personnes isolées et marginalisées, détectant ceux qui sont « hors lecture et écriture » La tentative vise donc à modifier la réalité sociale, concernant le phénomène d'illettrisme et de recul face à la lecture pour déclencher une situation d'apprentissage et de conduites d'actions.

ACTION DIRECTE SUR LE QUARTIER

Première étape : constitution du « groupe impulseur » et premier inventaire de la réalité visible : connaître les actions déjà menées sur place les équipements existants, les volontés potentielles. Première phase de formation.

Deuxième étape : sensibilisation de l'environnement par :

- la mise en œuvre de modules d'acquisition et de perfectionnement techniques de lecture - ordinateur (ELMO) ;

- une campagne d'information sur les enjeux de la lecture ;

- des animations autour de lieux de lectures :

     * émission radio, Fêtes du livre, rencontres,

     * ateliers affiches, mini-imprimerie, productions journaux de quartier, fabrication de livres à thèmes (cuisine, hygiène, information locale, etc.) ;

- des aides individualisées à toute personne inscrite dans une réalisation (soutien en lecture-écriture, aides aux examens, démarches de la vie quotidienne nécessitant lecture et écriture).

Troisième étape : veiller à la prise en charge, par les ressources locales du processus contribuant à une politique de lecture sur le terrain. Favoriser des relais (associatifs, administratifs) qui permettront de maintenir l'action les « relais de savoir «  créés parmi la population.

FORMATION

Contenu :

1. Amélioration technique de la lecture grâce au module informatique utilisant les logiciels ELMO.

2. Maîtrise des pratiques documentaires et de l'usage de la bibliothèque.

3. Intégration des stratégies de lecture, au-delà des activités de loisirs, dans des pratiques d'action et de transformation du milieu environnant.

4. Approfondissement de la prise de conscience du statut social d'utilisateur d'écrit à travers la découverte et l'analyse des diverses productions.

5. Production d'écrit à l'aide des technologies nouvelles à l'intérieur de projets d'action sur les divers milieux.

6, Démarrage avec l'équipe pédagogique d'une politique de lecture à poursuivre au retour sur le quartier.

Déroulement :

- deux séjours de vingt jours à BESSÈGES au Centre National des Classes Lecture. Durant ces deux séjours, les stagiaires participeront aux actions lecture menées par le CNCL ;

- cinq regroupements de cinq jours soit sur le quartier, soit au CNCL. Ces regroupements seront consacrés aux réajustements et aux compléments de formation révélés nécessaires par les actions menées sur le quartier. Ils seront également l'occasion de coordonner les relations avec les autres structures intervenant sur ce même quartier.

Moyens onéreux :

- deux permanents à temps plein durant douze mois,

- location d'appartements HLM

- location appareils offset ou mini-imprimerie et ordinateurs,

- frais de fonctionnement.

Moyens complémentaires gratuits :

- locaux associatifs et municipaux,

- équipements scolaires,

- bibliothèque,

- centre de documentation,

- ressources diverses sur la ville.

* * *

Le Conseil Général entend apporter sa contribution à la lutte contre l'échec scolaire, par une aide appropriée à la lecture à l'intention d'enfants du département en situation difficile. Il ne s'agit pas, pour lui, de substituer sa responsabilité à celle de l'école, pas davantage d'intervenir dans les Communes, aux lieu et place des municipalités. L'intention est d'affecter des moyens à des actions de soutien.

Ces actions devront être coordonnées, dans le cadre du quartier et de la commune, avec toutes celles qui sont Conduites dans les divers lieux sociaux fragmentés par les enfants (l'école, lieu privilégié des apprentissages, la bibliothèque municipale, la maison de quartier, le musée, la ludothèque, bref l'ensemble des espaces culturels). Il a semblé naturel au Département de charger son École Normale d'une mission technique de mise en Oeuvre de ce plan d'aide à la lecture, en liaison avec les municipalités, les responsables de l'Éducation Nationale et ceux du monde associatif.

1. ORIENTATION GÉNÉRALE

Pour aider les enfants en difficulté de lecture, il serait illusoire de reproduire le soir ou le mercredi des démarches qui, malgré les efforts entrepris au sein de l'école, n'ont pas abouti. Il convient donc de recourir à une méthodologie résolument novatrice dont les grandes lignes sont les suivantes :

  • Restaurer ou instaurer la lecture comme activité sociale : le succès de l'entreprise passe par la transformation des conditions qui permettent à ces enfants d'intégrer la lecture dans leur vie quotidienne.
  • Favoriser l'accès aux écrits sociaux et faire en sorte que chacun puisse les trouver là où ils existent. Le développement de ce pouvoir suppose une véritable politique de mise en réseau des équipements collectifs. Le département a, de ce point de vue, un rôle à jouer, comme fédérateur des énergies.
  • Opérer un véritable investissement méthodologique. Notre société a besoin de lecteurs véritables et non de déchiffreurs. Il est donc indispensable de mettre à la disposition de tous les utilisateurs, à l'école, dans les lieux de formation comme dans les équipements collectifs, des outils et des modules de perfectionnement des divers aspects techniques constitutifs de la lecture. Le micro-ordinateur permet aujourd'hui d'utiliser de puissants logiciels d'entraînement à la lecture qui ont fait leur preuve, dans les écoles et dans les institutions de la formation permanente.

2. DÉMARCHE FONCTIONNELLE

Rien ne serait plus infructueux que de laisser se multiplier des opérations ponctuelles dont on attendrait qu'à elles seules, elles modifient sensiblement l'état des choses, Une multitude d'actions devront être menées de front pour permettre aux enfants engagés dans ce projet de réinvestir leurs acquis dans les lieux sociaux qu'ils fréquentent : la famille, l'école, le quartier, les équipements collectifs, les associations.

La première de ces actions, véritable lancement du processus, comportera deux types de modules, adaptés l'un à des enfants de 6-7 ans, au moment où leur première confrontation avec l'écrit révèle un risque d'échec, l'autre à des enfants scolarisés en CM.1 et/ou 2, à un moment où leur échec est devenu plus « visible ».

C'est de ces actions de soutien qu'il sera question ici. Il reste entendu qu'elles devront être poursuivies, notamment dans le cadre d'une politique globale de lecture voulue, pensée et réalisée par l'ensemble des partenaires sous la responsabilité des villes. L'objectif final sera donc d'apprendre à lire, à écrire et à agir en exerçant l'outil de la responsabilité individuelle et collective qu'est la lecture.

Les modules proposés dans ce document sont organisés en fonction de cet objectif et visent à soutenir l'action actuelle et ultérieure de l'école et des autres lieux au sein desquels les enfants évoluent.

3. LES SITES

Un site est l'un des lieux de l'action. Il est implanté dans l'institution du quartier qui réunit le plus grand nombre de conditions favorables au succès de l'entreprise : accessibilité, qualité de l'équipement, informatique notamment mais pas seulement (ressources documentaires, salles, mobilier...), facilités d'accueil (horaires d'ouverture, présence de personnel de service...). L'institution choisie pour servir de lieu d'appui pourra être :

     . un établissement public : par exemple une école ;

     . une institution gérée par des personnels communaux : une bibliothèque, une ludothèque, un musée...

Le souci de « socialiser la lecture » fera choisir entre deux lieux possibles, celui qui apparaîtra comme le moins scolaire.

Les implantations

Dans une toute première phase d'une durée d'un semestre, quinze sites seront choisis auxquels on ajoutera ensuite quinze autres sites.

Contraintes matérielles

Chaque site disposera, au minimum, de moyens fournis par l'institution d'appui :

     - une salle équipée,

     - un accès à un centre documentaire ou à un centre de ressources,

     - un accès à un nanoréseau de 12 postes ;

et de moyens fournis par le Conseil Général, dans le cadre du budget, alloué pour l'opération :

     - une dotation en heures d'encadrement,

     - un crédit de fonctionnement.

4. LES MODULES

Ils sont au nombre de deux par site :

     - un module pour élèves de C.P.,

     - un module pour élèves de CM1 et/ou 2.

Trois principes seront retenus : l'entrée de l'enfant dans l'atelier sera le point d'aboutissement d'une procédure qui sera conduite par le responsable de l'atelier en étroite liaison avec les parents, l'instituteur de la classe et, si possible, l'équipe pédagogique de l'école animée par le Directeur sous l'autorité de I'IDEN. Par ailleurs, l'enfant sera considéré comme l'une des parties contractantes de l'accord. C'est dire que tous les aspects du contrat devront être définis le plus clairement possible. La durée du module sera de quatre mois et demi, à raison de :

     . deux séances par semaine, d'une durée d'une heure (entraînement sur micro-ordinateur et prêt éventuel de livres) ;

     . une séance par semaine d'une durée d'une heure et demie consacrée à une animation autour de l'écrit ;

     . une évaluation des compétences de lecteurs des enfants concernés sera conduite avant le début du module et une autre après.

L'information des divers partenaires (inspecteurs départe- mentaux, instituteurs, parents..) sera assurée pendant le déroulement des modules.

5. LES FORMATEURS

Le choix du personnel d'animation de ces ateliers se fera exclusivement selon les critères de compétence, sous la responsabilité de l'École Normale d'instituteurs.

Les qualités attendues des responsables d'ateliers sont les suivantes :

     - avoir suivi un stage préalable de formation de 18 heures pour s'assurer de son accord avec le cahier des charges,

     - avoir participé à la gestion et à l'animation d'une BCD, comme instituteur ou bibliothécaire ou travailleur social... ;

     - participer régulièrement à une journée de formation chaque trimestre avec les autres responsables d'atelier,

     - accepter le principe d'une intégration progressive dans le réseau (l'école, le collège, la bibliothèque municipale, la maison de quartier...) à l'issue du module, dans le cadre de la politique globale définie par la commune.

6. ROLE DE L'ÉCOLE NORMALE

Sur mandat du Conseil Général, en liaison avec les municipalités, les Inspecteurs départementaux, les écoles et les divers lieux concernés, l'École Normale aura la responsabilité de mettre en place, de gérer, de coordonner et d'assurer le suivi de l'opération. Elle établira, en début d'exercice, à l'issue des consultations et après désignation des sites, un cahier des charges et, en fin de semestre à l'issue de chaque module, un compte rendu d'activité, assorti d'une annexe concernant l'évaluation. Ces documents seront communiqués à l'ensemble des parties par le Conseil Général.