La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°54  juin 1996

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Note de lecture


Lire, faire lire.
Des usages de l'écrit aux politiques de lecture. 
Ss la dir. de Bernadette Siebel
Le Monde Éditions. 1996. 407 p. 98F
 

Les Villes-lecture sont-elles une utopie aflienne de plus ou un concept réaliste pour le troisième millénaire ? Nos difficultés actuelles à faire avancer ce type de projet proviennent-elles du fait que nous avons de l'avance sur nos partenaires et interlocuteurs divers ou, sous-estimant la complexité des problèmes, notre impatience et notre volontarisme nous condamnent-ils à être systématiquement insatisfaits de l'état d'avancement de nos actions en matière de politique de lecture ? Ne faut-il pas, au contraire, relativiser les échecs, les mettre en perspective, afin de rester mobilisé pour que chaque difficulté soit l'occasion d'un défi et non une raison de se plaindre ? Le degré d'information des responsables institutionnels et des élus permet-il d'espérer plus, en terme de conscience et de volonté politique, que ce que nous constatons actuellement ?

À supposer que ces quelques questions aient une quelconque pertinence, la lecture de l'ouvrage dirigé par B. Siebel paraît toute indiquée à qui souhaite faire évoluer sa réflexion sur l'efficacité des politiques de lecture.

Il s'agit d'un compte-rendu extrêmement riche et dense du colloque La bibliothèque dans la ville organisé à Marseille les 20 et 21 novembre 1994 par la ville de Marseille, avec le concours de l'Observatoire France Loisirs de la Lecture et le Monde Diplomatique.

Le but recherché par le colloque lui-même était d'" offrir aux divers acteurs sociaux, professionnels du livre, décideurs politiques, médiateurs culturels, les moyens de maîtriser le plus complètement et efficacement l'ensemble des connaissances scientifiques élaborées dans des conditions historiques et sociales toujours particulières... ". Le livre, quant à lui, se propose de présenter l'essentiel des résultats les plus récents de la recherche sociologique sur la lecture ; les contributions des différents chercheurs, tous sociologues, sont organisées selon un plan en trois parties : 1 - Utilisations de l'écrit et fonctions de la lecture 2 - Usages de la bibliothèque et acteurs de la médiation 3 - Politiques de la lecture.

L'abonné(e) aux A.L. reconnaîtra certaines signatures : Bernard Lahire, Roger Establet, Christian Baudelot, Bernard Pudal, Jean-Marie Privat... Il y retrouvera aussi des analyses et des opinions déjà développées dans la revue. Au total, chacun apporte le point de vue d'une investigation rigoureuse et fine qui paraît souvent pertinente dans ses remarques ou ses conclusions. Peu à peu, les portraits de lecteurs ordinaires, opprimés, captifs, étudiants, populaires ou experts prennent place dans le décor des bibliothèques municipales ou nationales ou autres médiathèques, qui s'inscrivent elles-mêmes dans le paysage départemental, puis régional, puis national et enfin européen des politiques du livre et de la lecture. Ce croisement de données sociologiques, individuelles et collectives, micro et macro, est du meilleur effet sur le lecteur : le "maillage discursif" est serré et souple à la fois, pas de doute, on est en présence d'un bel ouvrage de vulgarisation scientifique. 

Le lecteur mû par une curiosité intellectuelle, culturelle ou professionnelle, sera comblé ; le militant pour la lecture sans doute aussi, même si, après la lecture de la contribution de B. Pudal (intitulée Les usages politiques de la symbolique lettrée. 1981-1995), une question reste vrillée dans un repli de sa conscience (politique ?) : Si Pudal a raison, pourquoi ferions-nous mieux aujourd'hui qu'hier ? Mais comme dit l'adage : Un homme averti en vaut deux ! alors, trêve de présentation, lisez sans plus attendre le livre de Bernadette Siebel et de ses collègues sociologues afin d'agir sur les comportements de lecture et sur les choix des responsables culturels et politiques avec toujours plus de pertinence et d'efficience.

Jean Louis BRIAND