La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°60  décembre 1997

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note de lecture

Regards sur la lecture en France
Chantal Horellou-Lafarge, Monique Segré
L'Harmattan. Coll. Logiques sociales. 1997


Les deux auteurs de cet ouvrage, sociologues au CNRS, font le point sur l'ensemble des recherches sociologiques sur la lecture menées en France ces trente dernières années (depuis 1960 exactement avec quelques incursions dans des travaux plus anciens). Il s'agit donc d'un bilan commenté, d'un récapitulatif ordonné de travaux divers et abondants, d'une analyse critique d'une production foisonnante afin d'en déterminer les points forts mais aussi les lacunes, de répertorier les apports mais aussi les oublis et les interrogations qui demeurent.

Dans les premiers chapitres, on se situe du côté du lecteur, des destinataires de l'offre de lecture, dans une exploration de l'ensemble des enquêtes, des sondages et des évaluations empiriques et quantitatives comme dans celle des travaux sur les aspects culturels et symboliques des pratiques de lecture. Qui lit en France et qui ne lit pas ? Quelles compétences requiert une offre d'écrits très diversifiés et quels statuts ont encore les différentes formes de lecture et les différents types d'appropriation des textes que cette offre suscite ? Quelles conceptions s'affrontent dans le débat sur l'illettrisme ?

La partie suivante, consacrée aux liens qui se nouent entre l'offre et la demande, est davantage historique et porte, d'une part sur les textes et les travaux rendant compte de l'évolution ou évaluant les effets des politiques nationales et municipales dans le domaine des équipements de lecture publique (les bibliothèques, leur nombre, leur fréquentation, leur influence sur les comportements des lecteurs) et d'autre part sur l'économie et la diffusion du livre.

Reprenant le concept de «champ de consommation» du bien culturel et littéraire de P. Bourdieu, les auteurs s'efforcent donc de couvrir tous les aspects du « fait social total » qu'est la lecture.
Une partie annexe présente enfin les organismes, les institutions publiques et les associations présents dans le «champ». Pour ces dernières, toutes n'y sont pas, mais l'AFL a l'honneur d'y figurer.

L'intérêt d'un tel ouvrage, d'un tel regard rétrospectif, est certainement de situer les recherches sociologiques sur la lecture dans le contexte des enjeux politiques et des luttes institutionnelles, dans les problématiques et les débats de leur époque. Faire le point ainsi permet en outre de percevoir les manques, les imprécisions de certaines enquêtes quant À la définition des domaines examinés (ne serait-ce que celle de la lecture par exemple) et de suggérer ainsi les objets de nouveaux travaux.

Une telle vue d'ensemble, forcément synthétique et difficilement exhaustive malgré la somme de travail qu'elle représente et d'informations qu'elle réunit et analyse, est-elle capable de satisfaire les spécialistes ? Les bibliographies spécifiques À chaque domaine abordé et celle générale qui termine le livre... les points qui sont faits sur ce que nous savons et comment et sur ce que nous ignorons encore sur tel ou tel aspect de la lecture... la présentation des principaux acteurs... le répertoire des sigles... font de cet ouvrage, À la lecture aisée, un excellent document À la disposition des étudiants et de toute personne que les problèmes et l'état de la lecture en France intéressent. À

Michel Violet