La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°62  juin 1998

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La dissonance cognitive :
quelques pistes pour l'enseignement du français
en contexte multiculturel



Pour des allophones, mais pas seulement pour eux, la forme et les normes d'utilisation du français sont sources de difficultés auxquelles on ne songe pas. Dany Crutzen, chargée de recherche au Centre Interdisciplinaire de Formation de Formateurs de l'Université de Liège (CIFFUL – Sart Tilman – B5. B4000 Liège.), auteur d'un ouvrage intitulé Objectif lecture ! Pratiques de lecture en classe multiculturelle A paraître aux Éditions De Boeck, montre en quoi le concept de « dissonance culturelle » peut aider A développer des stratégies pédagogiques qui tiennent compte des difficultés des élèves d'origine culturelle et linguistique étrangère.



« Pour continuer de remettre en question la notion
et l'utilisation de « représentation mentale », une
conclusion en forme de « poire A docte » : ce que
je dis n'épuise jamais ce que je sais de ce sur quoi
je dis, et pourtant je me construis ce que je sais en le disant. »
Alain Miossec (1)

« L'inadaptation est le fait de l'école, de l'institution,
qui impose aux enfants un changement d'identité
sociale quand elle refuse leur langage d'origine. » (2)


LA DIMENSION LINGUISTIQUE N'EST PAS NEUTRE :
évident, diront certains, mais encore…

Il semble que certaines difficultés linguistiques vécues par les élèves allophones immergés en culture francophone s'appuient sur des dissonances cognitives provoquées par les normes d'utilisation de la langue française. En ce cas, le concept de dissonance cognitive (3) peut-il nous aider A développer des stratégies pédagogiques qui tiennent davantage compte de l'origine culturelle et linguistique des élèves ?

« Dans les écoles, les enseignants ignorent que suivant leur groupe d'appartenance, les enfants ont été « accueillis » A la naissance de façons diverses et qu'ils ont été bercés dans une langue qui les structure de la même façon que les autres membres de l'ethnie, différente de celle de l'ethnie voisine et de la nôtre. Cette langue, celle de l'ethnie dans laquelle l'enfant naît, a une structure propre qui constitue le premier système logique dans lequel l'enfant doit entrer (s'il n'y entre pas, il devient autiste). Dès que l'enfant entend et parle, la langue lui apporte des éléments qui ne sont pas immédiatement accessibles mais qui serviront plus tard. A travers les mots, se glisse A l'insu du groupe (et A celui de l'enfant) un sens philosophique propre A chaque langue. L'enfant, en apprenant ces différents mots, comprend leur différents sens et ne pourra jamais s'en défaire : il est contraint par la langue que sa naissance lui a imposé. Il est tout aussi contraint par les différentes règles grammaticales, ou bien par l'ordre des mots. » (4)

Ce constat, frictionné A l'observation du comportement scolaire en classe multiculturelle, nous servira de point de départ pour envisager les obstacles A l'apprentissage, mais avant d'entrer dans les aspects proprement linguistiques de la question, il nous paraît nécessaire de situer la réflexion dans un cadre plus global et de préciser en quoi l'identification de dissonances cognitives peut nous être utile.

I. QUELQUES PRÉALABLES

L'intérêt d'une telle question n'est pas de « mettre en boîte » une fois de plus des comportements stéréotypés, mais de débusquer quelques portes d'entrée opérantes pour faciliter les apprentissages. Les exemples développés dans cet article vont dans le sens d'une méthodologie de l'écoute et de l'observation de l'autre/de soi : nous partons de l'hypothèse que les dissonances identifiées peuvent devenir des leviers d'action (5) pour réduire les tensions et stimuler les apprentissages.

Ici plus qu'ailleurs, il faudrait tout écrire au conditionnel pour tenter de respecter la fluidité et l'intangibilité des phénomènes décrits. Pas de généralisation donc, ni de « méthode en kit » A resservir en classe ! Comme souvent – ce que ça peut être agaçant ! – nous nous contenterons d'une série de questions et de pistes de travail A soumettre au regard étonné, fouineur et critique du « cas par cas ».

Une balise importante guidera toutes nos hypothèses : la non-spécificité culturelle des difficultés identifiées.

- Le statut d'«étranger» ne prédispose en rien A subir les aléas de la dissonance cognitive. L'autochtone – l'enseignant en particulier – les vit au contact de l'«autre» de façon similaire ; il les réduit sans doute plus facilement en raison de sa position dominante : en quelque sorte, il peut compter sur la force du groupe majoritaire pour éliminer ce qui lui est trop insupportablement dissonant, sauf dans les cas où il est lui-même minorisé. Le témoignage des enseignants autochtones «immergés en classe multiculturelle» est, A cet égard, très éclairant.

- Dans la relation pédagogique, et dans l'interaction sociale en général, nous sommes tous concernés par les multiples dissonances qui ébranlent et transforment nos paysages mentaux. A une vitesse exponentielle, le multiculturalisme ambiant – et pas uniquement multiethnique – force le passage d'une espèce de confort culturel, de l'ordre du « OU BIEN c'est noir » / « OU BIEN c'est blanc », A une réalité plus paradoxale, A la fois plus inconfortable et plus riche, de l'ordre du « c'est ET blanc, ET noir, ET encore jaune et vert et bleu… ». Cette négociation des normes et des vérités, du statut même de la réalité, devient un paradigme de la pensée et du comportement : l'adaptation paradoxale s'impose A tous les humains «mondialisés», même A ceux dont la migration n'est pas géographique.

- Les difficultés que nous observons sont beaucoup plus déterminées par les origines socio-économiques ou socioculturelles des élèves que par leur origine ethnique. Autrement dit, dans le cadre scolaire et linguistique, la composante ethnique de la dissonance culturelle existe, mais n'est pas prépondérante. C'est un élément qui mérite une attention particulière, en tant qu'obstacle et/ou ressource potentiels pour l'apprentissage, mais qui ne suffit pas A expliquer la relation difficile aux normes scolaires.

Le propos de cette recherche est donc de nous inviter, au jour le jour, A découvrir – avec horreur et délice ! – A quel point nos plus solides évidences sont caduques dès qu'elles quittent le giron douillet de la «mono-pensée». Et de nous renvoyer A l'éternelle négociation entre identité et changement, aussi inconfortable que dynamique.

II. LA DISSONANCE COGNITIVE

Par dissonance cognitive, on entend un état pénible pour l'être humain, une sorte de malaise psychologique résultant de croyances ou d'attitudes impliquées simultanément bien qu'elles soient incompatibles, ou d'une incompatibilité subjective entre croyance et comportement. Cet inconfort pousse l'individu A réduire la dissonance ou A éviter les situations et les informations qui peuvent augmenter la dissonance entre deux NOTIONS, c'est-A-dire entre deux éléments cognitifs constituant nos représentations mentales conscientes.

Les notions (en anglais, « cognitions ») sont « toute connaissance, opinion, croyance, relatives au milieu, A soi-même ou A sa propre conduite ». « Certains de ces éléments représentent des connaissances relatives A soi : ce que je pense, ce que j'éprouve, ce que je veux ou désire, ce que je suis… Les autres éléments de connaissance concernent le monde où l'on vit : la situation des objets, ce qui y amène, ce qui est satisfaisant ou pénible, ou négligeable ou important… » (6)

Pour faire simple, disons que deux notions sont dites consonantes lorsque l'une d'elles implique logiquement ou psychologiquement l'autre (par exemple : je suis énervé ð je fume une cigarette) ; elles sont dites dissonantes lorsque, pour le sujet, A implique non-B (par exemple : je sais que le tabac nuit gravement A la santé ð ne pas fumer; mais je fume tout de même!). La dissonance peut être produite par une incohérence logique, mais aussi par une friction entre normes culturelles ou encore par une incompatibilité entre un fait présent et les expériences passées…

Sans entrer dans le débat sur la pertinence scientifique du concept, ce qui nous
paraît A la fois intéressant et opératoire dans les hypothèses posées par cette théorie, c'est le postulat d'un besoin interne de COHERENCE COGNITIVE, qui serait inhérent au psychisme humain : l'organisation cognitive exigerait de maintenir la plus grande consonance possible entre les notions en présence ; la dissonance susciterait des réactions d'approche et d'évitement des éléments dissonants, jusqu'A disparition de la tension.

En particulier, la tension ou le conflit plus ou moins intense que suscite toute situation de choix produirait ce jeu d'approche/évitement - disons entre A et B -, jusqu'A ce qu'une décision tombe. Cependant, A la tension antérieure A la décision succéderait une autre tension, liée cette fois A la dissonance cognitive produite par la décision elle-même : le sujet se retrouve en effet en consonance avec les avantages de A et l'évitement des inconvénients de B, mais dans le même temps, en dissonance avec les inconvénients de A et la perte des avantages de B. Dans tous les cas de conflit ou de choix, il y aurait donc un travail A faire sur la dissonance qui suit la décision, et partant, sur la panoplie de stratégies qui permettent d'y faire face.

Si l'on replace ces explications dans le contexte du choc culturel, on pourrait décrire la réaction en chaîne suivante :



CHOC CULTUREL

F CONFLIT - DISSONANCE 1

F CHOIX-DÉCISION (7)

F DISSONANCE 2

F RÉDUCTION-CHANGEMENT

La dissonance 2 a, comme la dissonance 1, des composantes affectives et cognitives. Cependant, nous proposons d'essayer de l'aborder d'un point de vue cognitif, en travaillant sur des NOTIONS qui peuvent être identifiées et verbalisées.

Prenons un exemple banal de choc culturel.

CHOC CULTUREL : Isabelle, choquée par le comportement des étudiants marocains de l'Université, « qui considèrent les filles belges comme de la marchandise A consommer, sans aucun respect pour leurs sentiments » ; se sent grugée.

CONFLIT : après une expérience malheureuse qu'elle partage avec une copine, elle tombe pourtant amoureuse d'un étudiant marocain.

CHOIX-DÉCISION : elle décide de ne plus fréquenter les étudiants marocains ; le risque d'être encore blessée lui est insupportable et elle développe un préjugé « anti-Marocains ».

DISSONANCE COGNITIVE : Isabelle est intelligente, elle sait que ses arguments ne tiennent pas vraiment la route et ses sentiments s'accommodent assez mal de la décision prise; elle rencontre par ailleurs une jeune femme qui vit maritalement avec un étudiant marocain depuis cinq ans.

RÉDUCTION-CHANGEMENT : Un psychologue marocain explique A Isabelle la façon très différente de gérer les interdits sexuels dans la société maghrébine et dans la société occidentale. En résumé (8), l'Islam imposerait le respect des règles sexuelles par des modalités plutôt externes (conduites ségrégationnistes, port du voile… = extériorité), tandis que l'Occident chrétien procéderait essentiellement par une forte intériorisation des interdits sexuels dans le processus de socialisation (intériorité). Deux éléments d'analyse lui sont proposés pour décrypter son choc culturel :

- l'interdit moral est moins intériorisé dans la société maghrébine ; la sensualité et la tentation seraient plus fortes dans les relations hommes/femmes lorsqu'elles ne sont pas gérées par des règles précises de comportement ;

- dans la société musulmane, l'espace public étant traditionnellement un espace masculin, le comportement public de la femme occidentale, dont l'interprétation stéréotypée est renforcée négativement par certains médias, pourrait la transformer en « femme publique ».
Sortir des stéréotypes, sans devoir choisir d'accepter ou d'exclure totalement, ce sera pour Isabelle changer le regard qu'elle porte sur le comportement en question. Elle va sortir d'une logique stigmatisée de groupe pour entamer un dialogue particulier avec la personne concernée. En raccourci : elle peut être et femme occidentale dans un espace public et femme respectable ; il peut être et musulman maghrébin et respectueux d'une femme occidentale ; la relation de couple dit « mixte » - comme si tous les couples ne l'étaient pas…- peut être et un risque accru d'incompréhension et une opportunité accrue de sain dialogue…

Partant de ce contexte très général, ce qui nous intéresse d'un point de vue pédagogique, ce sont les effets de la dissonance 2 et la nécessité de changement qui s'ensuit. Dans de nombreux cas, on pressent que les choix-décisions résultant du choc culturel se sont cristallisés dans une position défensive, productrice d'une dissonance larvée, insidieuse car non dicible : nous faisons l'hypothèse que cette position défensive, non seulement produit de la dissonance, mais en entrave la réduction, pourtant nécessaire A l'équilibre psychique. Elle peut donc être un puissant frein A l'apprentissage, mais elle est aussi une ressource particulière A ne pas manquer pour construire le sens de l'apprentissage et le changement (9). Un processus pertinent devrait pouvoir faciliter ce changement dans le sens d'un plus grand confort psychologique et cognitif : comment faire pour articuler des notions contradictoires (ET) ? comment faire pour légitimer cette articulation ?

L'interaction pédagogique et sociale est ici A considérer A la fois comme un risque de création de dissonance cognitive, et comme un moyen de la réduire. Par une méthodologie d'écoute de l'autre/de soi, on peut favoriser l'émergence consciente des représentations et tenter d'y débusquer ces éventuelles dissonances. Le fait de les « mettre A plat » ne les neutralise pas automatiquement, mais produit au moins deux effets bénéfiques :
- l'enseignant prend conscience de la difficulté et peut en tenir compte ;
- l'élève identifie et exprime les termes du malaise ; il est reconnu dans ce qu'il vit et invité A envisager positivement les changements qu'il mettra en œuvre pour réduire la tension.

« La représentation peut être considérée, au sens large, comme une façon d'organiser notre connaissance de la réalité, elle-même construite socialement. Une telle connaissance s'élabore A partir de nos propres codes d'interprétation, culturellement marqués, et elle constitue en ce sens un phénomène social en soi… »(10)
Les représentations mentales opposent au changement une grande résistance, et dans bien des cas, peuvent demeurer intactes, même après un processus d'apprentissage apparemment performant. Elles sont la structure et la substance du « DÉJA LA », la trame – consciente ou inconsciente – qui décode les perceptions et les informations données par l'environnement. Elles constituent un filtre A tout apprentissage et un point de départ obligé : elles ne doivent cependant pas être envisagées uniquement comme des freins, mais au contraire, être valorisées dans ce qu'elles peuvent apporter au processus d'apprentissage. Certains comparent cette structure interne A une sorte d'iceberg, dont l'essentiel est invisible : l'idée d'émergence se réfère A cette image, postulant que l'on peut, en partie, amener A la surface des modèles mentaux immergés. D'autres suggèrent que le chemin apparaît au fur et A mesure de la marche, émergeant donc de façon dynamique, en même temps que l'action. Ce qui est certain, c'est que ces images ou représentations, anodines en apparence, interrogent A bien des égards la conception habituelle des tâches scolaires.
En classe, on sera, par exemple, particulièrement attentif A tout ce qui émerge d'inattendu : les décalages qui interpellent, les étonnements, sont autant de symptômes d'un écart important entre les représentations de l'élève et les conceptions de l'enseignant. C'est précisément A cet endroit qu'il est intéressant de s'arrêter, en tant que révélateur potentiel d'un obstacle cognitif.



On propose donc A l'élève une aide méthodologique pour sortir d'une POSITION DEFENSIVE qui entrave ses apprentissages. Si l'identité est concrètement reconnue dans le quotidien de la classe, en ce qu'elle est A la fois légitime, continue et mouvante, apte A s'adapter sans se perdre, elle peut cesser d'être un jardin secret ou bafoué qu'il faut défendre bec et ongles, pour devenir une terre fertile où les semences nouvelles trouveront A germer.

Pourtant, par simple injonction et en toute inconscience, l'école place souvent l'élève en situation d'agir en contradiction flagrante avec son identité et ses convictions profondes. Si la dissonance est importante et récurrente, on s'aperçoit qu'elle génère des mécanismes de défense quasi permanents : la défense identitaire risque de s'installer comme une entrave systématique A l'apprentissage scolaire.

Exemple :
Un élève arménien est amené A réaliser un travail de groupe avec des élèves kurdes et turcs. Il peut considérer qu'il est en présence d'«ennemis», mais est contraint d'agir selon la consigne scolaire. Si cette situation n'est pas déminée, l'élève a le choix entre l'agression, la fuite ou la soumission. L'enseignant ne peut ni casser la représentation «ennemis» (modèle résultant d'une situation objective sur le terrain), ni renoncer A son objectif pédagogique (se référant A un modèle de citoyenneté égalitaire). Il ne peut que cadrer chacun des modèles en fonction du contexte, afin de permettre leur cohabitation. Nous avons tenté, par exemple, une articulation du type : « sur le terrain, l'ortie pique ; mélangée A d'autres ingrédients dans un potage, elle devient bénéfique …»
Cependant, sans une approche émergente, l'enseignant peut jusqu'A ignorer qu'il existe un problème ; sur papier, tous ces élèves sont Turcs. Pour interpréter les réactions «surprenantes» de ses élèves, l'enseignant ignore une donnée essentielle : son propre déni – involontaire – de l'identité de l'autre. Il s'agit lA, malheureusement, d'une «violence scolaire» courante.

A la décharge des uns et des autres, il faut bien dire que les notions qui produisent ici les dissonances ne sont ni vérifiables ni falsifiables en dehors du consensus qui les fonde, il n'est pas question de simplement confronter des réalités sociales ou des croyances A un «modèle scientifique ou universel» qui mettrait tout le monde d'accord (comme on peut le faire pour une expérience physique, par exemple).

Les enjeux sont souvent considérables, autant pour l'«étranger» que pour l '«autochtone» : un individu ne peut ainsi changer d'opinion ou récuser une opinion du groupe auquel il appartient, sans modifier les relations qu'il entretient avec les personnes qui la tiennent pour vraie. Et plus la dissonance s'attaque A la pertinence des finalités même du groupe ou du système, plus elle est importante et génère de la résistance. Si l'individu ne peut «faire changer» les autres, il sera peut-être contraint de quitter son groupe d'appartenance pour satisfaire A son besoin de consonance. Les conséquences d'une telle démarche sont loin d'être anodines…

Le travail sur l'émergence des représentations et l'identification des dissonances demande donc de la part de l'enseignant et de l'école une grande faculté de «lâcher-prise» sur le résultat du processus. C'est l'élève qui négocie la sortie du malaise : c'est lui qui passe d'une réalité binaire (OU…OU…) A une représentation plus complexe et plus paradoxale (ET…ET…) ; c'est lui qui trace la troisième voie, créative et dynamique pour son psychisme, son identité, ses apprentissages. Le temps nécessaire A ce processus lui est donc propre.

Pour résumer la démarche, on pourrait dire qu'il n'y a de conflit ou de dissonance réels que si les termes du choix sont mutuellement exclusifs : il n'y a pas de dissonance si A et B peuvent coexister, même sous une forme modifiée, dans une troisième voie (ou voix). La fonction même du dispositif pédagogique est de permettre que la possibilité du « ET » ne soit pas exclue. Dans ce cas, l'individu ne devrait pas être soumis A un quelconque « bricolage identitaire A tout vent » ; il apprend qu'il est un acteur comme les autres, sur le chemin d'une identité plurielle, qui devient la norme pour tous les citoyens en culture humaniste. A notre sens, il vaut mieux double ou multiple appartenance, que double ou multiple non-appartenance.

Encore une fois, cette approche n'est pas spécifique au multiculturalisme ethnique : elle répond A une complexité beaucoup plus générale, qui oblige la pensée contemporaine A accepter la cohabitation de notions apparemment contradictoires. Cette contrainte, sans doute vécue de façon plus aiguë en classe multiculturelle, donne peut-être A ceux qui s'y frottent une longueur d'avance sur les autres, mais révèle surtout un défi majeur pour notre rapport au savoir et aux normes : TOUTE CULTURE EST INTERCULTURELLE PAR NATURE et nous n'avons donc d'autre choix que de renoncer aux illusions de la mono-définition et de la mono-appartenance. L'identité culturelle est un patchwork multicolore et mouvant, sur fond de permanence ; identité et changement sont indissolublement liés par le paradoxe du vivant.

III. LES RÉSISTANCES A LA RÉDUCTION DE LA DISSONANCE.

REACTANCE (11)
« Decrease in the attractiveness of an activity, behavior, or attitude as a result of having been forced or induced by external sources to engage in the activity or behavior, or to maintain the attitude. Such reactions may appear as emotional dissatisfaction, involvement and performance decrements, or negative attitude ».



Bien que n'étant pas neuf, ce concept décrit bien le genre de réaction négative que nous nous efforçons de prévenir. Comment pouvons-nous désamorcer les conséquences désastreuses provoquées par les injonctions aveugles et uniformes du système scolaire ? Comment pouvons-nous diminuer l'occurrence des situations où l'élève est contraint et forcé d'adopter un comportement ou une attitude contraire A son système de représentation de la réalité ? Comment pouvons-nous le faire sans renoncer pour autant A nos propres valeurs et représentations, sans renoncer A tout contenu normatif, pourtant incontournable ?

ð La systémique nous suggère une première piste de travail : la réduction de la dissonance par passage A la limite.

Selon J.P. Poitou : « Pour réduire la dissonance qu'il éprouve, un individu cherche des informations susceptibles de réduire la grandeur de la dissonance, et évite celles susceptibles de l'augmenter, et cela d'autant plus que la grandeur initiale de la dissonance est élevée. » (12) Ce mode de résistance au changement consiste donc A rechercher activement des informations consonantes par rapport au choix qu'on a fait et A éviter activement toutes les informations dissonantes : ce qu'en langage courant, on appellera «la sourde oreille» ou la «mauvaise foi».
Mais il semble que les tendances s'inversent lorsque la dissonance est poussée aux limites : lorsque les informations consonantes ne suffisent pas A produire une réduction assez importante de la dissonance, l'individu cesse de chercher A la réduire et se met A chercher des informations qui vont l'accroître. Il peut ainsi en arriver, de proche en proche, A transformer chacune de ses notions de départ en son contraire, c'est-A-dire A changer complètement d'opinion.
Si l'on ajoute A cela que la réduction de la dissonance semble plus efficace lorsqu'elle a été précédée par un conflit fort, il faut sans doute entendre que la confrontation culturelle, le conflit socio-cognitif, l'audace de la limite, sont autant d'outils et de leviers d'action que l'apprentissage ne doit pas craindre.

ð La surévaluation du choix que l'on vient de faire est une autre stratégie pour protéger l'individu des assauts trop violents de la dissonance. En choisissant A, l'individu peut se convaincre que A est très supérieur A B ; il minimise les avantages de ce qu'il abandonne et les inconvénients de ce qu'il choisit.

Exemple :
Dimitri est fils d'immigré grec. Il a choisi une forme d'assimilation pure et dure dans le système culturel et social majoritaire d'une petite ville bourgeoise de province. Ses opinions sur sa communauté d'origine rejoignent, de façon très affirmée, les stéréotypes dévalorisants véhiculés par la nébuleuse autochtone. Il a choisi «belge» contre «grec» : il surévalue le A choisi et dévalue le B rejeté. On peut cependant supposer que la dissonance persistera insidieusement, dans la mesure où il ne peut dévaloriser une partie de son identité sans porter atteinte A sa propre estime de soi.
On notera qu'en laboratoire, ce type de réévaluation subjective ne se produit que lorsque le sujet a la certitude que A et B sont mutuellement exclusifs : c'est apparemment le caractère irrévocable du choix qui est déterminant dans ce changement d'évaluation. « Lorsque, après avoir exprimé leur préférence entre deux éventualités qui s'excluent mutuellement, les sujets doivent exprimer la valeur subjective qu'ils attribuent A ces éventualités, ils le font de façon A confirmer le bien-fondé de leur choix. En d'autres termes, ils modifient leur échelle de valeurs subjectives de manière que la décision prise apparaisse aussi rationnelle que possible. » (13) L'approche systémique proposerait ici aussi de légitimer l'articulation paradoxale entre des termes apparemment contradictoires : l'interaction pédagogique peut soutenir les individus dans la construction d'une troisième voie qui n'exige ni la négation des normes scolaires et sociales autochtones, ni la négation des normes d'appartenance A un autre système de références.

ð Récuser le choix qu'on a fait en l'attribuant A une pression externe est une autre stratégie courante pour résister au changement. On peut toujours se réfugier derrière le fait qu'on a été contraint dans son choix, et ainsi ne pas en endosser la responsabilité. Ce confort apparent place néanmoins l'individu dans une position de victime, dont les aléas vont provoquer d'autres dissonances.
Le changement consisterait ici A sortir de la position défensive pour endosser au mieux la responsabilité des choix d'adaptation que chaque acteur est amené A faire. On peut aussi reconnaître explicitement la difficulté pour chacun de négocier son identité entre des exigences ontologiques et des exigences pragmatiques : il s'agit d'entendre que permanence et changement sont aussi contradictoires que concomitants. En fait, la dynamique identitaire serait ce paradoxe même.

ð L'organisation cognitive en tant que telle est un autre frein au changement.

En effet, changer un élément qui est consonant avec beaucoup d'autres va créer des dissonances en chaîne, éventuellement dangereuses pour l'équilibre cognitif et affectif. La systémique proposera dès lors de respecter l'intensité de la résistance jusqu'A ce que le système soit mûr pour un changement en profondeur.

On renoncera, en ce cas, A entrer dans la dissonance de façon fracassante, par la grande porte, et on se contentera d'accompagner le processus de maturation, par exemple en agissant sur un autre élément dissonant moins résistant.
Ne perdons pas de vue que la consonance est un besoin interne A chaque individu : ce n'est pas la médiation pédagogique qui crée la nécessité de réduire la dissonance; elle s'appuie sur cette dissonance pour faciliter le changement dans le sens d'une dynamique positive pour l'apprentissage et le développement global de la personne.

Exemple :
En formation A la pédagogie interculturelle, des enseignants motivés cherchent A comprendre ce qui se passe dans une série de chocs culturels qu'ils ont vécus en classe. En tant que formatrice, je suis particulièrement agacée par les emballements émotionnels répétitifs qui se cristallisent autour de deux thèmes :
- le foulard islamique et la peur irrationnelle de l'Islam ;
- la difficulté du groupe A considérer l'élève de milieu «défavorisé» comme un acteur porteur d'histoire et de projet, propriétaire de ses ressources.

La grande porte. Les personnes ont vécu des conflits, ont fait des choix et pris des décisions sur leur terrain, mais demeurent dans l'inconfort : stigmatiser l'Islam est en contradiction avec leur conviction éthique et leur honnêteté intellectuelle, mais l'émotion s'accroche aux stéréotypes. La résistance est maximale : on tourne en rond, d'autant que le groupe est exclusivement autochtone.

La petite porte. L'Islam est momentanément rangé au placard pour entamer un travail sur la notion plus neutre de TEMPS(14). Après une phase d'identification de nos propres représentations du temps, nous les confrontons aux travaux de E.T. Hall sur le temps culturel, et A ceux de L. Colles sur le temps en culture maghrébine. Après une journée de travail, nous pourrons aborder sereinement toutes sortes d'aspects de l'Islam, sans tomber dans les pièges initiaux. Il semble que le temps était un terrain vierge où la différence a pu être entendue sans qu'on se sente menacé. L'étonnement a suffi A provoquer une réaction en chaîne entraînant dans sa chute résistances les plus fortes.

ð Lorsque la dissonance est provoquée par l'un de nos comportements, le changement se heurte fréquemment A la difficulté de le modifier concrètement. Ainsi, pour prendre un exemple très simple, il ne suffit pas d'être convaincu que le tabac nuit A la santé pour arrêter de fumer.
La systémique nous invite A ne pas «lutter contre» ces comportements, qui ne peuvent disparaître tant qu'ils sont les porte-parole d'une réalité plus complexe. Ainsi, il semble que nous tenions paradoxalement A nos impasses et A nos habitudes – même inconfortables ou souffrantes : la dissonance qu'elles provoquent est inférieure A la consonance qu'elles assurent sur un autre plan, souvent inconscient. Elles seraient ainsi au service de finalités essentielles pour notre psychisme individuel ou pour l'inconscient collectif d'un groupe. En d'autres termes, elles auraient un sens caché, avec lequel il faut faire.

En contexte multiculturel, nous touchons souvent A des défenses identitaires, d'autant plus puissantes qu'elles puisent dans un contexte – objectif ou subjectif – d'insécurité. Les accompagner sans les prendre de front, c'est respecter leur sens, et par lA, cesser de les alimenter.

Rappelons qu'accompagner un processus de changement, c'est lâcher prise sur son résultat et prendre le risque d'en sortir modifié soi-même : par exemple, être amené A réévaluer ce qui est urgent et ce qui peut attendre, A réviser son jugement sur ce qui est bien ou mal...

Trois règles d'or s'imposent au regard posé sur la différence culturelle :

- Les changements ne sont pas linéaires, notamment entre «modernité» et «tradition» : les identités ne se réduisent pas A du tout ou rien, A des choix entiers et définitifs.

- L'ethnocentrisme nous pousse A assimiler modernisation et occidentalisation : nos jugements – par ailleurs inévitables – sont A considérer avec circonspection.

- Nos propres conflits et dissonances influencent nos perceptions de la différence culturelle : les sujets brûlants, comme la condition de la femme par exemple, exigent une grande discipline de décentration.

En d'autres termes, le changement doit rester la propriété de celui qui le vit : il nous renvoie aux limites de l'interaction sociale et pédagogique. JUSQU'OÙ FAUT-IL POUSSER LES GENS A ABANDONNER CE QUI LES DIFFÉRENCIE ?

IV. LES DISSONANCES COGNITIVES COMME OBSTACLES A L'APPRENTISSAGE DE LA LANGUE FRANÇAISE.

T. Nathan : « La langue est le bien le plus spécifique d'un groupe social et contient son âme, sa dynamique, sa créativité. De la même manière, pour un individu, sa langue maternelle est le lieu d'où diffuse continuellement son sentiment d'identité. » (15)

Y. Johannot : « Rien n'est neutre dans la façon dont on transmet une connaissance. Ni le choix de cette connaissance, ni la place qui lui est attribuée par rapport A l'ensemble du savoir, ni la valeur symbolique qui lui est reconnue par la culture légitime. Celle-ci va déterminer l'importance que revêtira son acquisition, pour l'enseignant aussi bien que pour l'apprenant. » (16)

Greffer des objectifs scolaires formels sur une identité floue, ou sur un conflit d'identité, ne peut que générer l'incompréhension : le renforcement identitaire n'est donc pas l'ennemi, mais bien l'allié d'une intégration harmonieuse. Nous sommes, en effet, persuadés que l'école doit chercher A comprendre le terrain sur lequel elle travaille et relativiser son illusion d'universalité. Nos représentations du monde étant, pour la plupart, inconscientes, mettre les nôtres «en sourdine», pour permettre l'émergence et la découverte de celles de l'autre, est un exercice difficile, mais primordial pour la dynamique interculturelle. C'est A partir de lA que l'école pourra rejoindre ses objectifs d'universalité, et travailler plus sereinement : bien qu'enseignant toujours A partir des préjugés dominants, elle devient plus consciente du sens qu'elle se donne.

Le contexte socio-linguistique.

Le niveau de maîtrise de la langue maternelle et les caractéristiques socioculturelles de la famille sont prépondérants : le fils d'un diplomate sri lankais ou marocain ne rencontre pas les problèmes de l'immigré de deuxième génération en milieu populaire (17) ; par contre, les élèves de milieux populaires, autochtones ou non, ont en commun la plupart de leurs difficultés avec l'écrit.

Cependant, comme le souligne J. Fijalkow « …les caractéristiques culturelles des enfants de milieu populaire ne constituent pas en soi des freins ou des gênes pour l'apprentissage, (mais bien) dans les conditions culturelles habituelles de l'enseignement. » (18)
Quelles sont-elles ces conditions culturelles habituelles qui entrent en dissonance avec la culture populaire ?

- Prédominance de l'écrit sur tous les autres médias.
- Parallèlement, transmission orale de contenus théoriques structurés, dont la forme et le fond reflètent les normes bourgeoises cultivées.
- Prédominance du rationnel sur l'affectif ; de la reproduction sur l'expression ; de l'abstrait sur le concret.
- Formalisme encore largement majoritaire : le sens des tâches scolaires est posé en prérequis ; le contexte est peu ou pas du tout signifiant pour les milieux populaires.

La langue en milieu populaire serait plutôt utilitaire et affective. Elle utiliserait peu l'abstraction et ignorerait la plupart des règles propres au code écrit. Autochtone ou non, l'élève de milieu populaire se retrouve en terre étrangère A l'école : son premier défi sera de comprendre tout simplement ce qu'on lui veut.

Pour beaucoup de familles, l'enjeu identitaire pèse lourd : quelle langue va dominer l'autre ? quand les enfants parlent une autre langue, que deviennent les parents qui ne les comprennent plus ? Autant de questions sans réponse qui font pression sur l'enfant A qui l'on demande de choisir entre sa famille et l'école.

Le contentieux historique.

Le passé colonial de la langue française lui confère, par ailleurs, aux yeux des anciens colonisés toute une série de valeurs symboliques, pas toujours des plus positives.
Dans le cas du monde arabe ou de l'Afrique noire, il est évident que les stéréotypes dévalorisants subis actuellement par les populations immigrées ne peuvent que faire écho aux attitudes racistes vécues historiquement. Dans ce contexte, le rapport A la « langue dominante » peut provoquer des réactions négatives subtiles.

Exemples :
- Au Liban, le français est fortement associé A la minorité chrétienne, que le système politique confessionnel, mis au point par le colonisateur, a longtemps placée en position dominante. Les classes aisées placent leurs enfants dans des écoles privées, où le français est enseigné par des professeurs natifs : langue des salons, celui-ci devient une marque symbolique de l'attachement historique A l'Occident et A la chrétienté, ainsi qu'aux privilèges qui s'y rattachent.
Dans les école publiques, particulièrement dans les secteurs musulmans de la société, l'anglais est souvent considéré comme plus pragmatique et le français devient secondaire. Le fait de bien parler le français est presque synonyme de snobisme, ou du moins, d'une attitude dévalorisante A l'égard de la culture arabe musulmane.
Ainsi, lorsqu'on est contraint de parler le français en exil, continuer A rouler les « r » est une façon subtile, mais très symboliquement chargée, de préserver une part inviolable de son identité, de ne pas se soumettre totalement A la loi du plus fort.

- Certains pays arabes enseignent les mathématiques en arabe, d'autres en français. En Syrie, par exemple, on revendique l'apport considérable de la culture arabe au monde des mathématiques : l'arabe devrait s'imposer en cette matière comme l'anglais dans les affaires. Pour un étudiant syrien, utiliser le français en mathématique n'est pas seulement une affaire de code.

- Les « Robin des Bois » de banlieues vivent parfois les contraintes de la langue française comme un symbole de leur exclusion socio-économique de la société bourgeoise autochtone. Se soumettre aux règles de l'orthographe, de la grammaire, du code écrit, ce serait en quelque sorte accepter l'ordre établi qui les exclut.

Le paradigme cartésien.

La logique cartésienne, dont la plupart d'entre nous s'imprègnent dès le sein maternel, est très culturellement marquée dans la langue française. Beaucoup d'autres cultures ont une approche plus syncrétique de la réalité et de la langue.
Exemples :
- L'arabe, beaucoup plus affectif et suggestif que le français, a tendance A juxtaposer des concepts, sans forcément expliciter les liens logiques de la syntaxe. C'est d'ailleurs ce qui fait sa richesse poétique incomparable et intraduisible, car ses possibilités connotatives nous sont inaccessibles.

- Le turc parlé a aussi tendance A juxtaposer les idées, avec très peu de coordination. Souvent, la proposition subordonnée est sans verbe : il n'y a donc ni concordance des temps, ni conjonctions assurant les liens logiques.

- Selon l'expérience de E.T. Hall (19), la tradition japonaise se caractérise par un mode de communication riche en contexte : les Japonais ne vont pas au fait très rapidement. «Ils tournent autour de l'essentiel, et pensent que des individus intelligents devraient être capables de deviner précisément de quoi on parle en fonction du contexte qu'ils s'attachent A définir avec circonspection… La culture occidentale, dont les origines remontent A Platon, Socrate et Aristote, a intégré des postulats selon lesquels le seul moyen naturel et efficace de présenter des idées est une invention grecque appelée « logique ». Les Japonais voient en notre méthode syllogistique et son raisonnement déductif une tentative de pénétrer leur esprit et de penser A leur place. »

- Pour les cultures théocentriques, le simple fait de prôner le doute critique comme la seule démarche intellectuelle valide, entre en dissonance avec l'évidence de la vérité de Dieu.

Le statut de la langue et de l'écrit.

A tout occidental, il paraît évident que la langue est un outil au service de l'homme : on y reconnaît bien une dimension poétique, mais ses fonctions sont essentiellement profanes et pragmatiques. Cette représentation standardisée entre également en dissonance avec d'autres valeurs symboliques de la langue.

Exemples :
- L'arabe est, d'abord et avant tout, la langue sacrée du Coran. L'association entre l'affiliation religieuse et l'écriture est très forte en culture musulmane. Entre les courants laïcisants contemporains (dans le monde arabe comme dans les milieux de l'immigration) et le retour aux sources islamiques (notamment dans les écoles coraniques), l'investissement religieux et social de la langue arabe peut avoir comme corollaire une dévalorisation de la langue française profane. Celle-ci devient le vecteur de tous les dangers que représentent la société de consommation, les médias…, mais aussi certains contenus scolaires comme les romans, les écrits philosophiques…

- Au Bénin, le système langagier est organisé en domaines cloisonnés et ritualisés : le fon, langue véhiculaire, sert pour les choses simples et techniques de la vie quotidienne ; le nagô est requis pour interroger quelqu'un sur sa vie ; le yoruba est parlé pour soigner une personne malade ; si elle est très malade, le thérapeute utilisera le yoruba ancien (20)
Par ailleurs, les Fon parlent de l'« accouchement de la parole qui est dans le ventre ». Ce serait une conception qu'on retrouve un peu partout en Afrique : le discours s'élaborerait dans les organes du corps, siège des principes spirituels. En raison de la puissance des mots, les enfants Fon sont d'ailleurs mis en garde contre les dangers de la parole : ils doivent se taire et écouter parler les adultes ; seuls les Anciens sont sensés maîtriser les codes stylistiques très complexes de la langue.

Cela implique aussi une méfiance vis-A-vis de l'écriture :« Beaucoup d'Africains pensent encore aujourd'hui que l'écriture « fige » la parole et lui ôte sa force. Elle a de plus l'inconvénient de divulguer des paroles qui devraient rester secrètes et réservées A certains initiés. C'est tout l'aspect « initiatique » de la parole, la révélation progressive de la connaissance au fur et A mesure de la maturation de la personnalité, qui sont remis en cause par l'écriture. Dans les sociétés traditionnelles, c'est ce qui est transmis par la parole et consigné dans la mémoire qui est assuré de durer et de conserver son efficacité. » (21)

La dimension culturelle du temps.

Outre les notions de polychronie et monochronie développées par E.T. Hall (22), la façon dont les langues expriment leur rapport au temps est une source permanente de diversité et d'étonnement.

Notre culture scolaire considère comme universel le temps linéaire, orienté vers le progrès. Elle le perçoit essentiellement comme une dimension non réversible, presque tangible, dont l'intériorisation psychologique et sociale permet notamment d'organiser et de planifier toutes les activités : l'horaire est en quelque sorte dans notre surmoi. Le temps est cloisonné pour définir des priorités, il peut être saucissonné… Il est aussi ce réservoir vide qu'il faut A tout prix remplir : le temps se gagne, se perd, est gaspillé…

Les cultures méditerranéennes ont, en revanche, un rapport au temps beaucoup plus souple. S'apparentant plus A « un point dans l'ici et maintenant » qu'A une route, il a beaucoup moins d'importance en terme d'organisation et est soumis aux priorités relationnelles. Il est moins cloisonné ; on y fait volontiers plusieurs choses A la fois… Cette perception plus globale s'accommode ainsi fort bien de ce qui nous paraît désordre.

La représentation culturelle du temps nous amène forcément A interroger ses conséquences linguistiques.

Exemples :
- La concordance des temps.
Ni le turc ni l'arabe ne se préoccupe de ce genre de logique linguistique.
- La conjugaison.
Le turc conjugue des formes de base combinées avec le verbe « être » : son système comprend 32 formes verbales au total, réparties en 10 classes. Il est A peu près impossible de traduire littéralement les formes turques en français, car elles ne correspondent pas A nos divisions temporelles. D'autres notions que la linéarité entrent en jeu : par exemple, un temps qui exprime l'ouï-dire...
L'arabe préfère A la notion de temps, celle d'accompli/inaccompli, et ce indépendamment de la position du locuteur (23).

La conjugaison utilise en outre beaucoup de particules et les temps se construisent différemment du français. Par exemple, l'imparfait est un temps composé (accompli du verbe « être » + présent du verbe A conjuguer) ; le conditionnel n'existe pas (la condition s'exprime par une particule).

FRANCAIS
ARABE


1. Situation chronologique : passé – présent - futur.

2. Aspect achevé/inachevé : le passé composé exprime l'achevé, l'imparfait ne le précise pas.

3.
Situation du locuteur, qui est plus oumoins relié au moment de l'énonciation : le passé composé exprime un lien, le passé simple non.



L'accompli recouvre plus ou moins le passé et l'inaccompli plus ou moins le futur.
MAIS
Le degré de certitude prime sur le temps et sur la situation de l'objet. L'accompli exprime un accomplissement réel ; l'inaccompli représente un accomplis-sement pas encore réel. Un accompli définitif peut dès lors s'exprimer dans le futur : par exemple, dans une description de l'au-delA, de la résurrection, du paradis…, ou lorsqu'un fait implique un fait futur inéluctable (une promesse…).



Dimension non négligeable, on notera que, dans un cas, c'est l'homme qui est au centre du système (position du locuteur), dans l'autre, c'est la transcendance divine qui prime.



- La flèche du temps.
Le temps musulman est davantage tourné vers l'origine que vers l'avenir : en fait, l'avenir est son origine. « Selon l'interprétation traditionaliste, la Révélation coranique est le fondement du temps et de l'histoire, elle en est le commencement. Aussi la Révélation n'est-elle pas seulement le temps passé mais le temps dans sa totalité : l'hier, l'aujourd'hui et le demain. …L'avenir constitue moins une dimension de découverte qu'une opportunité de conservation et de reprise : il n'est pas une instance de changement, mais un simple instrument d'agencement et de réagencement de ce qui a déjA été donné tout entier. » (24)

Très concrètement, Luc Colles cite ces remarquables exemples où le PASSÉ et le DEVANT peuvent être conceptuellement réunis dans la langue (25) : « La racine QDM dont dérive qadam, le pied, exprime l'idée de « devant » (quddâm) dans l'espace, mais aussi celle du passé (qaduma, qidam, qadîm, etc). Or, le cas n'est pas unique : la poitrine (sadr) est elle aussi liée A la notion de commencement, d'origine (sadara'an) dans le temps (sadr al-nahâr, sadr al-Islâm) ainsi qu'A la position antérieure dans un lieu (sadr al-makân) et de préséance en dignité. Ce qui réunit passé et « devant », c'est le fait que les deux sont assurés, établis et bien connus. Nous ne percevons en effet dans l'espace que ce qui est devant nous, ce qui est derrière nous n'étant connu que par analogie ou A l'aide de notre mémoire. De plus, toute connaissance est fondée sur l'expérience, donc sur le passé. »

- La description faite par E.T. Hall du système temporel des Indiens Hopi nous offre aussi quelques exemples intéressants. Notamment : «Dans la langue hopi, les verbes ne se conjuguent ni au passé, ni au présent, ni au futur. Ils n'ont pas de temps, mais indiquent la validité d'une affirmation – la nature de la relation entre celui qui parle et sa connaissance ou son expérience de ce dont il parle. Quand un Hopi dit : « Il a plu cette nuit », l'auditeur sait comment cet interlocuteur hopi a su qu'il avait plu : ou il était dehors et la pluie l'a mouillé, ou il a regardé dehors et il a vu qu'il pleuvait, ou bien quelqu'un est entré chez lui et lui a dit qu'il pleuvait, ou encore, il a constaté, en se réveillant le matin, que le sol était mouillé, et il en a déduit qu'il avait plu. » (26)

Les verbes ÊTRE et AVOIR.
Plusieurs dissonances aussi flagrantes que généralement méconnues constituent des obstacles majeurs A l'utilisation correctes des verbes « être » et « avoir », par les élèves d'origine arabe et turque, par exemple. A cet égard, le désespoir - parfois franchement irrité ! - des enseignants est éloquent : comment est-il possible qu'après quatre, cinq ou six années de scolarité, certains élèves ne parviennent pas A conjuguer correctement ces verbes, sans parler de leur utilisation en tant qu'auxiliaires ?
Le mystère s'éclaire lorsqu'on se réfère aux langues maternelles respectives.

En arabe, le verbe « être » est peu utilisé ; il n'a pas de présent : on dira « toi gentil » pour « tu es gentil », par exemple. Le verbe avoir n'existe pas ; on utilise la préposition « chez » ou « avec » suivie d'un pronom personnel ou d'un nom : on dira « avec moi cent francs » pour « j'ai cent francs » ou « chez vous un chien » pour « vous avez un chien ».

En turc, le verbe « être » est très complexe. En général, c'est un suffixe qui varie selon le temps, le mode et la personne. Il ne s'emploie pas A la troisième personne et n'existe qu'au présent, A deux temps du passé, ainsi qu'A deux temps se rapprochant du conditionnel (un temps exprimant l'ouï-dire et un temps dit « suppositif »). Pour les autres formes, il existe un verbe équivalent au verbe « devenir ». Le verbe être sert d'unique auxiliaire.
Le verbe avoir n'existe pas. Il y a une expression équivalente, correspondant A « est existant pour moi » ou « il y a pour moi ». L'élève a tendance A utiliser « il y a » ou A remplacer « avoir » par « être ».

Dans nos classes, peu d'enseignants ont conscience du caractère non-universel des formes verbales ETRE et AVOIR : elles sont enseignées techniquement comme une évidence, alors qu'elles représentent une construction complexe, sans équivalent dans les langues d'origine. Le simple fait de les présenter A la forme infinitive pose problème : en arabe, l'infinitif n'existe pas…

L'ordre syntaxique.
LA aussi, les dissonances peuvent être importantes et totalement ignorées par la logique scolaire : l'ordre syntaxique est analysé A partir de la troisième primaire, mais n'est pas enseigné en tant que tel. Au départ de langues comme le turc, l'arabe, le hongrois…(27), l'exercice représente pourtant une savante gymnastique.

Exemples :
- Le turc est une langue agglutinante, c'est-A-dire que son système a pour fondement la suffixation : de nombreux liens syntaxiques sont donc exprimés par des suffixes.
En outre, la structure de base de la phrase est la suivante :

S – COMPL. DE TEMPS – COMPL. DE LIEU – OBJET INDIRECT – OBJET DIRECT – VERBE.

Le complément déterminatif se trouve avant le nom (complément déterminatif + nom avec un élément indiquant la possession). On dira « de ma sœur le manteau » pour « le manteau de ma sœur », induisant en français des erreurs du type « le directeur de son fils » pour « le fils du directeur ». Lorsqu'il y a double détermination, l'élève ne sait quel élément mettre avant l'autre : « la voiture de l'ami de ma sœur » est équivalent A « la voiture de la sœur de mon ami ». En turc, on dirait quelque chose comme « ami(suffixe mon) sœur(suffixe sa) voiture(suffixe d'elle) ».

Non seulement le verbe se retrouve systématiquement en fin de phrase, mais on peut dire que le passage d'une syntaxe A l'autre ressemble A un véritable retournement de chaussette… L'élève doit tout penser A l'envers, ou mieux, apprendre A penser différemment selon la langue qu'il utilise.

- En arabe, la proposition relative n'existe pas : on utilise des propositions coordonnées par une particule. Le complément déterminatif se marque par la simple juxtaposition de deux éléments : « la chaise le directeur » équivaut A « la chaise du directeur ». La proposition subordonnée est toujours introduite par une expression invariable suivie d'un verbe conjugué. La proposition infinitive n'existe pas : elle est remplacée par la coordination ou la juxtaposition de deux propositions. L'interrogation s'exprime par une particule, sans inversion du sujet par rapport au verbe.

Les accords en genre et en nombre.


Outre le fait évident que les mots n'ont pas forcément la même identité masculine ou féminine (un serpent sera, par exemple, féminin en espagnol et en arabe), des dissonances apparaissent également dans l'expression grammaticale du genre et du nombre.

Exemples :
- Le turc ne connaît pas la notion de genre. L'article n'existe pas. Il n'y a pas de pluriel irrégulier : le mot au pluriel se transforme par addition d'un suffixe, qui se prononce. L'adjectif qualificatif est invariable. L'adjectif démonstratif est un mot indépendant, précédant toujours le mot qu'il détermine ; il n'a pas de pluriel. L'adjectif possessif est un suffixe invariable. Les adjectifs indéfini et interrogatif ne s'accordent pas.
- En arabe, tous les noms sont masculins, sauf ceux des personnes ou des animaux de sexe féminin, ainsi que les noms terminés par « a ». Le pluriel est un changement interne au mot : le mot singulier ressemble très peu au mot pluriel. Il existe un duel (pluriel de ce qui va naturellement par deux, comme les yeux, les parents…) : l'élève a tendance A l'expliciter en français, par exemple en disant « j'ai mal aux deux oreilles ».
Il n'existe qu'un seul article défini « al », intégré au nom qu'il détermine. L'article indéfini singulier s'exprime par un numéral cardinal + « al » + le nom. En outre, l'élève distingue phonétiquement mal la différence entre « le » et « les », entre « un » et « une ».
L'adjectif qualificatif se place après le nom, en répétant l'article défini : « le chien le grand » = « le grand chien ».
Ce qui ressemble le plus A l'adjectif possessif français est un pronom personnel (équivalent de « A toi », « A moi »….), placé en suffixe A la fin du nom : « darak » (A toi) = « ta maison ».
L'adjectif démonstratif est une particule invariable (particule + « al » + le nom) : l'élève a tendance A utiliser toujours le même démonstratif en français.


V. EN GUISE DE CONCLUSION.

De l'ensemble de ces considérations, on retiendra l'ABSENCE DE CONCEPTS COMMUNS comme fil rouge de la démarche pédagogique. Si l'on ajoute aux exemples choisis les difficultés particulières liées A l'utilisation des pronoms (en particulier les pronoms personnels), il nous semble primordial d'inclure dans la formation des enseignants les techniques propres au Français Langue Etrangère et au Français Langue Seconde, notamment pour expliciter et exercer au mieux les difficultés suivants :

ETRE et AVOIR
conjugaison et valeurs des temps
PRONOMS (personnels, possessifs, indéfinis)
ACCORDS GRAMMATICAUX et SYNTAXIQUES
SUBORDINATION et CONCORDANCE DES TEMPS
COORDINATION et LIENS LOGIQUES

Ces techniques peuvent en effet aider l'enseignant A se décentrer par rapport A ses évidences linguistiques et au fonctionnement « instinctif » de sa propre langue.

Utiliser l'écriture comme outil d'apprentissage de la langue et de la lecture est une autre piste de travail. Plus un enfant est en difficulté par rapport A la norme scolaire, plus il est pertinent d'utiliser l'écriture pour médiatiser l'apprentissage. Ce que l'élève accepte de mettre sur papier, c'est-A-dire de livrer de lui-même, est un moyen privilégié de reconnaissance et d'identification des représentations, mais aussi une façon de démystifier l'écrit.
En valorisant le quotidien, l'apprentissage s'ancre dans du vécu : l'écriture sert de pont entre un code proche – le langage parlé – et un code moins familier – le langage écrit. L'élève découvre progressivement les contraintes de l'écrit (par exemple, la compréhensibilité par le destinataire) dans l'expression de ses propres préoccupations.

L'écriture est en outre un comportement actif. L'élève est acteur et sujet dans une dynamique qui l'aide A réduire l'écart entre l'école et la vie. Même lorsqu'un élève ne parle pas du tout le français, on peut faire traduire son récit de vie : l'enseignant – ou le groupe – devient le secrétaire de celui qui raconte. Ainsi ancré dans l'affectif, ce genre de récit donne du sens A la lecture. On peut parler de soi en JE ou en NOUS, de ce qu'on vit… On peut aussi – de façon moins personnelle – écrire des histoires qu'on a entendues, qu'on invente…

Enfin, la langue maternelle des élèves doit être réhabilitée : elle devrait être valorisée et enseignée dans le cadre même de l'école, non pas comme un gadget folklorique ou nostalgique, mais comme un outil de développement linguistique et un vecteur de reconnaissance identitaire. La négociation paradoxale (ET…ET…) entre les divers référents culturels ne peut trouver sainement sa voie que dans une société qui assumerait son multiculturalisme de fait et qui prendrait les mesures nécessaires pour juguler la paranoïa assimilationniste de nos institutions. Nous sommes loin du compte !

Plus les fondations identitaires, culturelles et linguistiques seront légitimées et fortes, plus le code commun sera sainement approprié et enrichi. Un être sans racine ne s'assimile pas et n'assimile rien. Pensons A ces enfants réfugiés, dont la culture est niée ou assassinée dans le pays d'origine, niée une seconde ou une énième fois dans la société d'accueil.

Comme dans l'univers de L. Carroll, le déraciné se perd A la quête d'un être indicible (28) :
« Personnage dessiné tout en négatif, (il) en vient A s'oublier lui-même A force d'oublier les choses. Son être est d'effacement comme l'espace blanc qui subsiste quand on supprime d'une carte de géographie tous les repères possibles. Et pourtant, le manque d'être est ici compensé par un excès d'être sans que cette compensation parvienne A nous faire oublier le vide originel : que de noms, en effet, pour un personnage qui a perdu le sien ! »

L'ennemi n'est pas la culture de l'autre, mais bien sa négation protectionniste et ethnocentrique – n'ayons pas peur des mots, l'ignorance…



notes
(1) In N. DE SMET et N. RASSON, A l'école de l'interculturel. Bruxelles, CGE-Vie Ouvrière, 1993, p.18.
(2) Institut Coopératif de l'École Moderne, Pour une méthode naturelle de lecture. Casterman, 1980, p.41.
(3) voir A la source, L. FESTINGER, A theory of cognitive dissonance. Stanford University Press, 1957.
(4) C. MESMIN, M. BA, La médiation interculturelle en langue, in Psychothérapie des enfants migrants. Grenoble, Éd. La Pensée Sauvage, 1995, p.25.
(5) Cet article se réfère, dans son ensemble, au paradigme systémique développé par l'école de Palo Alto.
(6) L. FESTINGER, op. cit., p.3 et 9.
(7) Voir notamment les stratégies identitaires. C. CAMILLERI, Enjeux, mécanismes et stratégies identitaires dans les contextes pluriculturels, in Les hommes, leurs espaces et leurs aspirations. Ouvrage collectif ; Paris, L'Harmattan, 1994, pp. 291-298.
(8) Voir, par exemple, A ce propos : L. Colles, Littérature comparée et reconnaissance interculturelle. Bruxelles, De Boeck-Duculot, 1994, pp.53-60.
(9) P. WATZLAWICK dirait le « changement 2 ».
(10) G.N. FISCHER, Les concepts fondamentaux de la psychologie sociale. Dunod-Bordas, 1987, p.116.
(11) Voir J.W. BREHM, A theory of psychological reactance. New York-London, Academic Press, 1966. « Diminution de l'attrait pour une activité, un comportement ou une attitude, résultant du fait d'avoir été forcé ou induit par des agents externes A s'engager dans l'activité ou le comportement, ou A maintenir l'attitude. De telles réactions peuvent se manifester sous forme d'insatisfaction émotionnelle, de diminution de l'implication et du rendement, ou d'attitude négative. »
(12) J.P. POITOU, La dissonance cognitive. Armand Colin, 1974, p.32.
(13) J.P. POITOU, op.cit., p.30.
(14) Voir plus loin dans cet article, la dimension culturelle du temps.
(15) T. NATHAN, A qui appartient l'enfant ? Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie, n°21. Grenoble, Éditions La Pensée Sauvage, 1993, pp.13-22.
(16) Y. JOHANNOT, La représentation de l'écrit dans notre culture, in C. BARRE DE MINIAC – C. LETE, L'illettrisme. Bruxelles, De Boeck et Larcier, 1997, p.23.
(17) Ainsi, nos élèves marocains, par exemple, parlent généralement A la maison, un dialecte qui ne reflète pas du tout la complexité de la langue arabe classique.
(18) J. DOWNING, J. FIJALKOW, Lire et raisonner. Privat, 1990.
. (19) E.T. HALL, La danse de la vie. Paris, Seuil, 1984, pp.77-78.
(20) C. MESMIN, M. BA, op.cit., p.26.
(21) G. CALAME-GRIAULE, in J. POIRIER, Histoire des moeurs. Paris, Gallimard-La Pléiade, 1990-92. Tome II, pp.68-72.
(22) E.T. HALL, op.cit..
(23) Voir L. COLLES, op.cit., p.125.
(24) ADONIS, Le fixe et le mouvant, in La prière et l'épée. Essais sur la culture arabe. Traduit de l'arabe par Leïla KHATIB et Anne WADE MINKOWSKI. Paris, Mercure de France, 1993, p.12.
(25) L. COLLES, ibid, p.126.
(26) E.T. HALL, op.cit., pp.48-49.
(27) L'arabe appartient au groupe chamito-sémitique ; le turc au groupe ouralo-altaïque ; le hongrois forme un groupe A part avec le finnois, le lapon, l'estonien et quelques langues de Sibérie. Ces systèmes sont particulièrement éloignés de la plupart des langues indo-européennes. Pour la petite histoire, on notera que l'arménien, le berbère et probablement le kurde ont en revanche des origines indo-européennes.
(28) SAMI-ALI, L'espace imaginaire. Paris, Gallimard, 1974, p.230.
Dany Crutzen