La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°63  septembre 1998

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École du conte et conte de l'école

Dans le cadre d'un travail universitaire en Sciences de l'Education, Christel Duprat a mené en 1996 une recherche sur L'influence des contes sur le développement psychopédagogique de l'enfant qui l'a conduite A considérer plus concrètement la réalité pédagogique du conte. Elle présente ici quelques résultats de son enquête notamment pour ce qui concerne le statut et les usages du conte A l'école d'une manière générale d'abord, puis comparativement selon qu'on est établissement public ou privé, en classes maternelles ou élémentaires ensuite.


On ne peut que constater A l'évidence la place de plus en plus importante accordée au conte sur la scène scolaire (et par extension dans la société). Soutenu par les courants parallèles de la psychologie moderne et de l'éducation nouvelle, le conte est aujourd'hui reconnu comme un facteur d'organisation affective et d'impulsion cognitive pour l'enfant. Au regard de cette perspective psychopédagogique qui lui est propre, ce genre littéraire est ainsi progressivement introduit dans le milieu scolaire.

D'un point de vue général, notre enquête a abouti A une critique épistémologique relative A la praxéologie du conte A l'école, introduisant le rapport entre le « dire » et le « faire », entre les discours théoriques et les pratiques didactiques... Dans un premier temps, nous rappellerons les conditions situationnelles de cette investigation empirique. Nous pourrons par la suite développer les hypothèses de la valorisation pédagogique (A partir des représentations et de l'expérience des enseignants) et de la dévalorisation didactique (A partir des critères de formation) ; l'interprétation de ces conclusions nous permettra d'éclairer les contradictions révélées dans ces témoignages.

Contexte de recherche
La population enquêtée comprend des enseignants issus de dix écoles primaires (laïques et privées confondues, de la Grande Section Maternelle au Cours Moyen II), du centre de Toulouse.
Le questionnaire (Cf. annexes) qui leur était destiné présentait huit questions d'opinion abordant progressivement les thèmes généraux de l'objet conte (représentations personnelles), de l'expérience (connaissance et utilisation du conte), et enfin de la formation (motivations et investissements personnels). Sur la globalité des questionnaires distribués (une centaine), un septième seulement a été retourné, témoignant tout de même un équilibre par le nombre, de part et d'autre, entre les établissements publics et privés. Ce premier constat donne a priori un « avant-goût » quant A la réalité de cette pratique pédagogique, qui sous-tend diverses hypothèses explicatives : les enseignants ne se sentent pas réellement concernés par cette thématique éducative nouvelle (les méthodes traditionnelles sont encore pour beaucoup davantage rassurantes) ; ou bien, ils ne sont pas vraiment en mesure de répondre (en raison d'un manque de formation en ce domaine, encore récent) ; ou alors, ils estiment simplement ne pas avoir le temps (sans peut-être prendre tout A fait conscience que ces démarches de recherche ont forcément un intérêt pour les praticiens)... L'analyse nous permettra de répondre A ces interrogations, de par les éléments d'information signifiés dans les résultats.

Afin de clarifier plus concrètement le sens de ces témoignages écrits, nous avons soumis ces questionnaires A une analyse de contenu (technique particulièrement adaptée A la recherche en sciences humaines). En effet, étant donnée la structure du questionnaire choisi (questions « ouvertes »), il m'a semblé préférable de traiter les réponses (et par lA les résultats) A travers une analyse de type qualitatif. Le processus de catégorisation propre A l'analyse thématique élémentaire nous a permis de construire des hypothèses théoriques, sources d'interprétation; une macro-analyse a donc été menée, A partir des éléments homogènes de l'échantillon (thèmes de la valorisation et de la dévalorisation), faisant apparaître un paradoxe entre les discours et leur mise en pratique.

Plus précisément, en termes de résultats, l'étude de ces réponses nous a révélé deux types de discours : d'une part, certains enseignants considèrent le conte comme un objet d'enseignement, exploitant tant ses intérêts structuraux que sémantiques, au sein même de sa richesse, sans le détourner de son essence fondamentale (discours minoritaire) ; d'autre part, certains praticiens l'utilisent en tant qu'auxiliaire d'enseignement, le réduisant A sa fonction d'outil ou de support, au service des apprentissages fondamentaux de la lecture et de l'écriture (discours majoritaire).

discours
CONTE
OBJET D'ENSEIGNEMENT
(tendance minoritaire)
pratique de type incitatif A orientation personnelle

- référents psychologiques : le conte alimente la vie intérieure de l'enfant
- référents sociaux : le conte aide l'enfant A s'intégrer A son environnement
- référents culturels : le conte initie l'enfant aux connaissances et aux comportements de la société humaine
AUXILIAIRE D'ENSEIGNEMENT
(tendance majoritaire)
pratique de type transmissif A orientation normative

- référents cognitifs : le conte est un support narratif aux apprentissages fondamentaux de la lecture et de l'écriture
- référents dynamiques : le conte est facteur de stimulation intellectuelle
- référents ludiques : le conte est plus un support relevant de l'amateurisme qu'un outil professionnel


Valorisation pédagogique
Dans l'ensemble, les praticiens témoignent de l'enthousiasme quant A la pratique pédagogique du conte. Selon les représentations que ces enseignants de maternelle et de primaire laissent entendre, le conte serait considéré comme une excellente nourriture pour l'enfance. Même s'ils sont majoritairement d'accord pour reconnaître le statut pédagogique de ce genre littéraire, les activités centrées sur les apprentissages fondamentaux de la lecture et de l'écriture sont nettement supérieures aux activités destinées aux disciplines annexes, et d'autant plus aux activités d'éveil.

Dans la logique de cet optimisme, la communauté enseignante semble globalement sensibilisée et familiarisée en matière de contes. En effet, ils différencient le registre classique et traditionnel (auquel ils attribuent des critères de validité littéraire et culturelle) et le registre moderne (qu'ils associent A des critères d'adaptation pédagogique). Les partisans de la valorisation du conte dans l'enseignement préélémentaire et élémentaire doivent cependant faire face A une minorité opposante, hostile A ce genre d'outil qu'ils qualifient de récréatif...
Pour résumer, dans le contexte scolaire, le conte fait majoritairement fonction d'auxiliaire d'enseignement, de message pluri-codé : il obéit aux principes de variété didactique, visant A maximaliser les chances d'une adéquation entre les activités didactiques et les caractéristiques des élèves. Il a en effet été vérifié que plus les moyens de connaissance sont nombreux, plus la pédagogie se montre stimulante et facteur de réussite. L'utilisation pédagogique du conte s'insère donc bien dans la pratique « active », en opposition A la pratique « laissez-faire » : tandis que la première insiste sur l'attitude facilitatrice et structurante (source des conduites actives et réflexives pour les élèves), la seconde est centrée sur la transmission de savoirs déjA constitués. Ainsi, par la pratique active, les savoirs expérientiels et opératoires sont pris en compte et rendus conscients en vue de l'élaboration des savoirs notionnels (eux-mêmes considérés comme des productions et non comme des produits).
De plus, ces pratiques optimisantes reflètent les dernières instructions officielles concernant l'état des lieux de l'utilisation des livres de jeunesse dans le projet de programmes pour l'école maternelle et élémentaire. Il est donc indéniable que le statut didactique du conte marque une évolution dans l'histoire de la pratique pédagogique.

discours
VALORISATION PÉDAGOGIQUE
REPRÉSENTATIONS - référents irrationnels : le conte nourrit l'imaginaire de l'enfant, et donc ses potentialités créatrices
- référents rationnels : le conte participe A la structuration mentale de l'enfant, développant ses facultés cognitives
EXPÉRIENCE - référents culturels : les contes traditionnels introduisent l'enfant A l'univers de la littérature, mémoire et traces de l'humanité
- référents contemporains : les contes modernes évoquent A l'enfant son vécu quotidien, facilitant ainsi son adaptation A la réalité


Dévalorisation didactique
En revanche, cette démarche pédagogique traduit un réel paradoxe, qui la définit plus en détails. En effet, dans un premier temps, A l'encontre d'une utilisation apparente et certifiée, les enseignants ne semblent pas avoir recours A des matériaux didactiques spécifiques (manuels, cassettes, fichiers...). Pour la plupart, ils font appel A leur seule inspiration ou bien se réfèrent A leurs acquis personnels, alors qu'il faut rappeler qu'une maison d'édition spécialiste en matériaux didactiques sur le conte siège A Toulouse (il s'agit de la SEDRAP ou Société d'Édition et de Diffusion pour la Recherche et l'Action Pédagogique); ces supports originaux particulièrement bien adaptés aux ateliers de structuration langagière et aux cycles des apprentissages fondamentaux, sont spécialement conçus dans le but d'être scolarisés, A l'intention des enseignants... Par conséquent, si le corps enseignant a accordé au conte sa fonction pédagogique, il ne paraît néanmoins pas encore prêt A s'investir sérieusement dans l'utilisation qu'il en fait.

Cette enquête se conclut donc sur une contradiction évidente entre les discours théoriques sur la pratique pédagogique du conte et les pratiques elles-mêmes. L'idéal d'une adéquation entre les univers théorique et pragmatique, entre le dire des éditeurs et le faire des enseignants est encore loin. Cet état de fait n'a rien de surprenant: les études praxéologiques des chercheurs en Sciences de l'Education nous informent sur la difficile articulation théorie-pratique... Tenant compte des critères de complexité, cet outil pédagogique n'en est qu'aux prémices de son insertion dans le milieu scolaire.

discours
DÉVALORISATION DIDACTIQUE
FORMATION - référents personnels : les démarches relèvent essentiellement de l'inspiration
- référents scolaires : les ressources (matérielles et humaines) principales sont les manuels, et les acteurs du mésosystème que constitue l'école (collègues, parents...)
- référents récréatifs : les priorités se réduisent au plaisir et A l'enthousiasme des enfants


Ce questionnement sur la scolarisation du conte traduit deux réalités fondamentales. Tout d'abord, ce support didactique est désormais légitimé au simple regard de la valorisation générale qui le caractérise. Cet état de fait dévoile les « carences spirituelles » de notre société; les contes constitueraient alors ces « nourritures humaines » qui guident l'individu sur les voies de la maturation cognitive et affective, de son équilibre psychosocial. Cependant, même si ces récits imaginaires se sont faits une place au sein du système éducatif, il semblerait que les citoyens de la communauté enseignante ne soient pas vraiment libérés de l'héritage positiviste qui influence encore aujourd'hui fortement l'histoire des sciences (humaines et sociales).

Le conte est donc réellement utilisé en tant qu'outil didactique, mais sous conditions : avant d'être effectivement mis en pratique, ce support est avant tout soumis aux règles du contrôle pédagogique et de l'adaptation pragmatique (largement dénoncées par Bruno Duborgel dans sa critique de l'iconoclasme scolaire...), perdant en fin de compte de sa richesse et de son pouvoir, origines et essences mêmes de ces écrits fictionnels.

Ainsi, si l'on veut arriver A affirmer au mieux l'efficacité pédagogique du conte, les théoriciens et les praticiens se doivent de réviser leurs démarches respectives. Du côté des politiques et des éditeurs, non seulement la place et l'importance réservées au conte doivent être revendiquées sous un statut autre que récréatif ou secondaire, mais son intérêt pédagogique ne doit également pas être limité aux apprentissages fondamentaux. De cette façon, les enseignants témoigneront peut-être plus facilement (car guidés et soutenus par les décideurs...) d'une pratique plus vertueuse, A l'image de cet objet d'enseignement, méthodologiquement novateur.


LA SCOLARISATION DU CONTE :

Convergence pédagogique, divergence didactique.
Ce chapitre traite de la scolarisation du conte et plus particulièrement des différences didactiques qui la caractérisent: entre les établissements publics et privés d'une part, et entre les enseignements préélémentaires et élémentaires d'autre part.

Même si les écoles privées ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles étaient jadis (strictement confessionnelles), la plupart de leurs membres adhèrent cependant encore A l'éthique religieuse propre A ces institutions, perpétuant leur éducation personnelle. C'est en ce sens qu'il m'a paru intéressant d'observer de façon comparative les deux approches respectives du conte. On peut par avance noter que les réponses des enseignants de maternelle ont été quantitativement plus importantes de par la longueur.

Le processus de catégorisation propre A l'analyse thématique élémentaire nous a permis de construire des hypothèses théoriques, sources d'interprétation ; faisant écho A la macro-analyse propre aux chapitres précédents, une micro-analyse a dès lors été menée, A partir des éléments différenciateurs de l'échantillon (relatifs aux institutions et aux enseignements).

En conclusion, l'étude de ces réponses nous a conduit A définir deux types de discours, distinguant d'une part les enseignants plaidant pour la réalisation de l'imagination créatrice (secteur privé et préélémentaire), et d'autre part ceux dont la priorité reste le développement de la pensée rationnelle (secteur publique et élémentaire). Il est important de préciser que ces catégories, établies A partir des fréquences lexicales qui les constituent, représentent des constellations de conduites enseignantes signifiantes, et non pas des caricatures stéréotypées... Il ne s'agit donc pas d'enfermer ces lieux d'éducation dans des clichés simplistes, mais plutôt de faire l'état des lieux des diverses pratiques en ce domaine.

discours
PRATIQUE/CONTE
ÉCOLES PRIVÉES
+
MATERNELLES
perspective créatrice

- référents subjectifs : la dimension ésotérique du conte participe A l'équilibre psychoaffectif de l'enfant
- référents pluridisciplinaires : les ateliers conte relèvent de toutes sortes de travaux, visant également les facultés intellectuelles, artistiques, manuelles...
ÉCOLES PUBLIQUES
+
PRIMAIRES
Perspective rationnelle

- référents objectifs : le conte est un support A l'acquisition et A l'évaluation des compétences, selon les exigences académiques
- référents monodisciplinaires : les ateliers conte portent davantage sur des activités strictement intellectuelles et particulièrement linguistiques


Différenciation institutionnelle
Dans un premier temps, une première hypothèse comparative a confirmé les distinctions relatives aux représentations qu'ont les enseignants du conte et A l'utilisation qu'ils en font. Les membres de l'institution privée semblent en effet avoir une vision plus « ésotérique » des récits imaginaires, et surtout moins rationnelle; contrairement A leurs collègues de l'institution laïque qui prennent davantage en compte l'aspect structural des contes, les enseignants des établissements privés s'intéressent essentiellement A leur fond sémantique (d'où l'importance qu'ils accordent A la moralité inhérente A ces récits fictionnels, point révélateur de la pensée judéo-chrétienne).

De même, tandis que la pratique pédagogique A partir des contes propre aux établissements privés relève plutôt d'un travail pluridisciplinaire (scolaire, mais aussi manuel, artistique, culturel...), celle des enseignants laïques reflète dans l'ensemble un travail « monodisciplinaire » (portant principalement sur les apprentissages fondamentaux ou l'enseignement du français).

Pour résumer, ces deux approches distinguent d'une part les partisans de l'intelligence pragmatique (préoccupés par le souci de l'adaptation pédagogique), et d'autre part ceux de l'intelligence créatrice (respectueux de l'essence imaginaire et de la richesse symbolique de ces récits).

Ces différences idéologiques ont certainement un lien avec l'éducation religieuse (présente ou absente), elle-même facteur de différenciation. On pourrait ainsi penser que par elle, l'imaginaire est amené A se développer, A dévoiler sa fantaisie et son authenticité. En dehors de leur caractère sacré (qui les différencie des contes ou récits profanes), les récits bibliques sont effectivement chargés de merveilleux, constituant de la sorte des productions de l'imaginaire irrationnel, au même titre que les contes. On peut alors se demander si, dans notre société contemporaine, la religion ne contribuerait pas A sauver et préserver ce patrimoine spirituel et culturel face au courant scientiste dominant...

discours
PRATIQUE/CONTE
ÉCOLES PRIVÉES - référents irrationnels : le conte nourrit l'imaginaire de l'enfant
- référents culturels : le conte permet de faire le lien entre les différentes disciplines scolaires, guidant l'enfant vers un savoir pluriel
ÉCOLES PUBLIQUES - référents rationnels : le conte sert la structuration mentale de l'enfant
- référents linguistiques : le conte est principalement utilisé pour l'enseignement de la langue française et de ses paramètres orthographiques, syntaxiques, phonologiques...


Différenciation scolaire
Par ailleurs, la critique comparative précédente renvoie, de par les questions de fond qu'elle soulève, A la différence comparative entre les enseignants de maternelle et ceux de primaire.

Il semblerait en effet que l'approche du conte soit différente selon les programmes scolaires. De la grande section au cours moyen II, les priorités pédagogiques s'inversent : les activités visant le développement de l'imagination créatrice (caractéristiques de l'enseignement préélémentaire) se substituent A celles dont le but est de développer la pensée rationnelle (conformément aux prérogatives de l'enseignement élémentaire).

Les enseignants de maternelle se représentent le conte de manière moins superficielle et approximative; sans se restreindre A la dimension imaginaire du conte, ils semblent sensibilisés A sa nature (formelle et thématique) et séduits par sa fonction (psychologique et sociale, soit éducative).

De plus, l'utilisation pédagogique qu'ils en font relève de la multidisciplinarité, dans le souci premier de l'adaptation au rythme de l'enfant, du respect de son potentiel imaginaire, sans être nécessairement réduite A des activités seulement ponctuelles ou rituelles.

Par conséquent, de la maternelle au primaire, le processus de scolarisation fait perdre au conte de sa valeur : ses vertus bienfaisantes et vitales sont délaissées au profit de son utilité pragmatique. Ces deux démarches procèdent bien évidemment d'une idéologie pédagogique par laquelle sont dictés les statuts scolaires accordés tantôt A l'imagination symbolique, tantôt A la pensée positive. Cette étude comparative illustre la critique de Bruno Duborgel sur la programmation des phases de l'enfance : d'un niveau d'enseignement A l'autre, les impératifs du programme, de l'âge, des compétences et donc de la connaissance, supplantent ceux qui défendent le plaisir, le bien-être et la créativité de l'enfant. La logique de cette progression imposée néglige de fait l'équilibre psychoaffectif de l'enfant; son développement cognitif est alors l'ultime priorité de ce processus d'« adultarisation ».

discours
PRATIQUE/CONTE
ÉCOLES MATERNELLES - référents affectifs : le conte permet A l'enfant de mettre en oeuvre son imagination, libérant ainsi son énergie personnelle
- référents éducatifs : l'exploitation des diverses dimensions du conte enrichit les potentialités propres A l'enfant
ÉCOLES PRIMAIRES - référents cognitifs : le conte est au service du développement de la pensée rationnelle et logique, et par conséquent de l'apprentissage et de la connaissance
- référents pragmatique : le conte est soumis au contrôle pédagogique, devant la priorité des apprentissages fondamentaux auxquels il doit s'adapter


Pour résumer, de l'école maternelle A l'école primaire, les pratiques changent d'orientation : on commence par privilégier l'« être-enfant », pour finalement se centrer sur l'« être-adulte », avant même son devenir. Sur le chemin de cette toute première scolarisation, l'heure du conte se fait rare : la créativité ne fait pas le poids face aux lois imposées et imposantes de l'autorité socioculturelle. Les pédagogues de notre société se voient incomber le devoir d'éduquer les enfants de l'humanité dans la plus stricte fidélité au modèle du citoyen raisonnable.

L'homme moderne serait alors encore le produit de cette lourde tradition positiviste, qui influence toujours chacune de ses pensées et chacun de ses actes... Ayons tout de même confiance en ces philosophes contemporains qui, sous l'impulsion bachelardienne, défendent les droits de l'Imaginaire, militent pour la réhabilitation de la « folle du logis », au nom de l'Homme et contre la dictature de la Raison. A


ANNEXES

Questionnaire

École : Laïque, Privée Classe : G.S.M., C.P., C.E.1, C.E.2, C.M.1, C.M.2

1) Quelle est votre propre définition du conte ?
2) Selon vous, ce genre littéraire est-il une bonne ou mauvaise nourriture pour l'enfance? Pour quelles raisons ?
3) Pensez-vous que les contes peuvent faire fonction de support pédagogique aux apprentissages fondamentaux ? Expliquez.
4) Utilisez-vous cet outil lors de vos démarches éducatives ? Développez.
5) Selon vous, les contes dits « classique » (Cf. Perrault, Grimm, Andersen...) et les contes dits « modernes » (Cf. Prévert, Aymé...) sont-ils pareillement efficaces quant aux apprentissages scolaires de base (contexte pédagogique) ? Expliquez.
6) Utilisez-vous indifféremment ces deux registres (classique et moderne), ou bien avez-vous une préférence pour l'un ou pour l'autre ? Commentez.
7) Connaissez-vous des matériaux didactiques spécifiques aux contes (manuels, cassettes, fichiers...) ? Expliquez.
8) Vous aidez-vous de ces produits pédagogiques relatifs aux contes, ou utilisez-vous d'autres moyens, ou bien faites-vous simplement appel A votre inspiration ? Commentez.

ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE ET DE L'ÉCRITURE
(Cycles des apprentissages fondamentaux)


OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
ACTIVITÉS DIDACTIQUES
OUVERTURES SCOLAIRES
Familiarisation avec le langage et la communication - description d'une situation ou d'une image (identification des personnages, des lieux, des séquences, du début et de la fin du conte ; recherche de la chronologie des situations du conte)
- évocation des situations absentes ou imaginaires (activités d'identification, illustration et schématisation de situations; création A partir d'éléments du conte)
- réalisation d'albums
- lecture des contes écrits aux classes (activités BCD)
- édition d'un recueil de contes (utilisation d'un logiciel informatique)
- exploitation artistique (peinture, dessin, sculpture, théâtralisation du conte....)
- communication sociale des contes (correspondants, famille...)
Initiation A l'écriture : habileté manuelle et geste graphique - développement du geste graphique (graphisme, représentation de personnage, paysage ou autre) - attribution de significations aux traces graphiques (labyrinthes, chemins) - découverte de l'espace de la feuille, de la page (recherche et présentation de la chronologie des situations du conte) - activités illustratives en histoire, en géographie, en sciences naturelles
Initiation au monde de l'écrit - identification, comparaison et utilisation des écrits (hypothèse de lecture et identification de mots)
Initiation A la production orale de textes - discrimination visuelle
- recherche d'une légende
Repérage linguistique - références linguistiques des situations d'analyse et d'écriture du conte (analyse structurale, modèle actanciel)
- analyse de l'énoncé et de l'énonciation
Pratique de l'écrit - production de contes (analyse de la structure, dictée au professeur)
- écriture autonome de contes (écriture partielle - épisode inséré/conte transplanté ; écriture intégrale d'un conte transplanté/ d'un conte imaginé)
- écriture sur un thème
- déconstruction et réécriture de conte (invention du début, de la fin....) - résumé de contes - transposition d'un conte traditionnel A un conte moderne
Pratique de l'oral - lectures magistrales de contes (travail sur les éléments physiologiques de la diction et sur le texte)
- recherche documentaire (lecture sélective / comparative, repérage et classement d'informations)
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A

Bibliographie
BACHELARD Gaston, La poétique de la rêverie, 1993, Quadrige/PUF, 183 p.
CHATEAU Jean, Le réel et l'imaginaire dans le jeu de l'enfant, 1963, Vrin, 290 p.
DECOURT Nadine, in Repères, Le conte comme outil de médiation en situation interculturelle, n°3, 1991, 193 p.
DUBORGEL Bruno, Imaginaire et pédagogie, 1992, Privat, 277 p.
DURKHEIM Émile, L'évolution pédagogique en France, 1969, PUF, 403 p.
GABAUDE Jean -Marc, La pédagogie contemporaine, 1988, Privat, 342 p.
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GRUNY Marguerite, ABC de l'apprenti conteur, 1995, Bibliothèque l'Heure Joyeuse, 165 p.
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LÉON Renée, La littérature de jeunesse A l'école, 1994, Hachette Education, 239 p.
LEQUEUX Paulette, L'enfant et le conte, du réel A l'imaginaire, l'école, 1974, L'École, 277 p.
LOISEAU Sylvie, Les pouvoirs du conte, 1992, PUF, 172 p.
MALRIEU Philippe, La construction de l'imaginaire, 1967, Charles Dessart Editeur, 246 p.
MICHEL Jeanne, L'imaginaire de l'enfant, les contes, 1976, Nathan, 223 p.
RESWEBER Jean-Paul, Les pédagogies nouvelles, 1995, PUF, 127p.
ROYCOURT Denis, in Le nouvel éducateur, Conte télématique et macro-structure du récit, n°226, 1991, 24 p.
SARTRE Jean-Paul, L'imaginaire, 1994, Gallimard, 379 p.
SCHNITZER Luda, Ce que disent les contes, 1995, Éditions du Sorbier, 184 p.
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WEBER Edgar, in Les mille et une nuits, conte sans frontières, Le conte du pêcheur, de l'analyse A l'écriture, 1994, Aman, 344 p.
Christel Duprat