La revue de l'AFL

Les actes de lecture   n°67 septembre 1999

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LU

Lire des textes littéraires au cycle 3.  

CDDP Auvergne,  
1998 - 151p. - 98F 

L’ouvrage est issu d’un stage de formateurs réunis A Clermont-Ferrand en septembre 1997, Lire le littéraire au cycle 3, organisé par Michel Amrein, I.P.R. chargé de mission académique Maîtrise de la langue. Les auteurs sont soit des gens de terrain (maîtres formateurs, documentalistes), soit des universitaires : professeurs d’IUFM, inspecteurs, chercheurs, maîtres de conférences (en sciences du langage, en sciences de l’éducation).

L’objectif de l’ouvrage est d’apporter «un certain nombre d’éclairages théoriques et de témoignages de pratiques de classe qui justifient une conception littéraire de lecture d’œuvres littéraires A l’école élémentaire et qui proposent en conséquence des orientations et des démarches pédagogiques.» 
Les premiers chapitres rassemblent des réflexions et des éléments théoriques et didactiques : nécessité de faire entrer la littérature dans la classe afin de faire de la lecture une «activité existentielle» : littérature et culture - rapport au savoir, au langage, A la « raison graphique » : activités réflexives pour l’apprenant sur sa propre activité de lecture - choix de textes polysémiques, qui résistent, A interpréter A plusieurs : travail de la lecture en réseaux, dans l’intertextualité - alternance d’activités de lecture et d’activités d’écriture : la lecture comme activité sociale, de construction du sujet A la fois social et individuel... Les critères du « littéraire » sont définis et on veut démontrer qu’il faut aller plus loin que ce que préconise la brochure Maîtrise de la langue, A savoir la seule fréquentation des œuvres littéraires pour préparer aux «études littéraires ultérieures», qu’il faut construire des capacités A interpréter, «l’interprétation est incluse dans le processus de compréhension du texte littéraire».
Pour illustrer cette partie théorique sur la lecture littéraire de textes littéraires, une partie pratique propose des comptes-rendus d’expériences, témoignages, pistes de travail, approches de textes littéraires choisis dans la littérature jeunesse. 

- lecture plurielle d’un album au cycle 3, Le Livre disparu, complémentarité texte-image, intertextualité, réseau de références culturelles
- recherche du «double état» de la littérature («ni donnée ni A prendre, ni fermée ni ouverte, ni forme sensible ni contenu intelligible, ni instantanée ni figée pour l’éternité, ni globale ni successive, ni espace ni temps, mais toujours au moins les deux A la fois»), A travers trois présentations d’albums, Les fables d’Ésope lues par Maître Renard, Tout-Petits déjA..., L’Homme
- activités de lecture de poésie, une lecture A envisager comme une «lecture d’invention, de mobilisation de son univers intérieur»
- lecture et écriture A partir de l’approche des genres épistolaire et carnet de voyage : Le professeur a disparu, Iles d’Auvergne 
- lecture longue : des activités en BCD, des exemples d’aides A la lecture pour L’homme qui plantait des arbres
- lecture d’un roman au CE2, Mon copain bizarre, ou comment interroger un texte par des parcours de relecture variés
- lecture longue au CM2, approche du récit épique, La fameuse invasion de la Sicile par les ours
- donner le goût de lire, par des activités ludiques en C.D.I. en collaboration avec les professeurs de lettres.

Cet ouvrage s’adresse «A des enseignants de cycle 3 demandeurs d’informations, de réflexions et de conseils» est-il annoncé dans la présentation. On y aborde, il est vrai, des notions fondamentales en matière d’enseignement de la lecture : horizon d’attente, anticipation, intertextualité, réseaux de lectures, choix de textes complexes, qui troublent et dérangent, interaction lire-écrire, place et rôle du maître dans l’interprétation, compréhension par l’ensemble des co-lecteurs, la classe comme véritable lecteur expert... 
Rien de bien nouveau pour les lecteurs des A.L. qui sont déjA largement informés sur ces notions et familiarisés avec ces idées mais qui savent aussi qu’il ne suffit pas d’avoir le désir et de faire le vœu «de répandre dans toutes les classes sociales et chez tous les enfants ce qui ne ressortissait autrefois que du rare privilège des élites» pour que tous les problèmes soient résolus : compétences, formation des maîtres, travail en équipe (enseignants/enseignants, enseignants/professionnels du livre, école/quartier...), statut de l’enfant, de l’apprenant, absence de BCD... Et ces notions étant encore bien peu familières A bon nombre d’enseignants, ces derniers ne pourront que difficilement s’en emparer, se les approprier et transformer leurs pratiques si elles ne sont pas accompagnées d’explications et de situations illustrant le concept.
D’autre part, la présentation de la conduite pédagogique des séquences d’enseignement de lecture, et surtout d’écriture, reste trop allusive, trop imprécise. On n’aborde pas les problèmes de mise en œuvre d’une autre pédagogie de la lecture et les questions pratiques des activités réflexives A engager, des aides, des supports, des activités de théorisation sur le fonctionnement du texte littéraire, des exercices d’entraînement permettant aux élèves d’acquérir des savoirs puis de les réinvestir dans les lectures ultérieures en autonomie.

Le titre, le contenu de cet ouvrage pourraient laisser croire que la lecture savante est réservée au texte littéraire. Pourtant tous les types de textes nécessitent une lecture experte. Ne faut-il pas tout savoir lire en soupçonnant le texte, en recherchant l’implicite, les partis pris d’écriture, les intentions de l’auteur et les effets sur le lecteur, ne serait-ce que pour pouvoir, savoir dire qu’un texte (littéraire, documentaire ou de presse) est mauvais ? La lecture savante s’enseigne, s’apprend sur tous les écrits : apprendre A lire implique une analyse et une théorisation rigoureuses du fonctionnement du texte, du fonctionnement de l’écrit et du fonctionnement de lecteur ainsi qu’un entraînement systématique.

 
André Mourey