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Lire écrire au cycle 2 |
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La descolarisation de la lecture Il y a plus d'un siècle, à l'école devenue obligatoire échoit la tâche d'éduquer l'ensemble des petits Français. Lourde tâche que d'inculquer le minimum de connaissances (lire, écrire, compter) jugées indispensables pour entrer rapidement dans la vie active (à 12 ans au début, puis à 14 ans)... Pour ne considérer que la lecture, il n'est pas étonnant que, par souci d'efficacité, on ait choisi l'alphabétisation. Les techniques de déchiffrement, en effet, permettent une acquisition collective, facilement programmable et assez rapide. Quelques centaines d'heures y suffisent. L'école s'est rapidement organisée en fonction des impératifs de cette tâche au point d'en revendiquer l'exclusivité, au point de ne plus tolérer la moindre immixtion - à coup sûr perturbatrice - dans le déroulement très construit de son action. Exigence que son indéniable réussite a renforcées. Rapidement la lecture est devenue l'affaire d'une institution spécialisée et pour la plupart des Français le résultat d'un enseignement scolaire. Dans un contexte social, économique et culturel radicalement différent, l'école est maintenant sommée d'élever l'efficacité du savoir-lire. Or, conçue pour alphabétiser, elle ne peut répondre à cette demande sans remettre en cause ses objectifs, ses démarches et son organisation. L'accès du plus grand nombre à la communication écrite ne peut être que le fruit d'un apprentissage social car, si l'alphabétisation par l'inculcation du code de correspondance peut relever d'un enseignement collectif, l'apprentissage de la lecture est affaire de démarches individuelles infiniment plus complexes dont on ne peut décider ni du commencement ni de la durée. Ce changement qualitatif ne peut être du seul ressort de l'école qui, responsable unique d'une entreprise d'alphabétisation réussie mais obsolète, voit son hégémonie remise en cause. L'action de l'école, aussi importante qu'elle soit, doit maintenant s'inscrire dans une continuité et se conjuguer avec celle d'autres partenaires éducatifs, savoir qu'elle intervient dans un processus continu. Descolariser la lecture, c'est rendre publiques les questions de lecture. Faire en sorte que ces questions qui touchent à la vie intime et sociale de chacun ne soient plus réservées aux spécialistes et aux professionnels ; que de ces savoirs nouveaux naissent une autre attente et d'autres exigences à l'égard des décideurs, de l'école et de toutes les instances susceptibles d'intervenir en faveur de la lecture. Les difficultés rencontrées peuvent néanmoins faire craindre soit qu'on en reste souvent au niveau des bonnes intentions, car la descolarisation de la lecture remet en cause des habitudes de penser et d'agir, des statuts et des territoires, soit qu'on ne la considère que comme un moyen de pallier la "défaillance" de l'école et qu'on transfère dans d'autres lieux des manières de faire qu'elle s'efforce d'abandonner. On le voit, souvent entendue à tort comme une critique et une dévalorisation de l'école, la descolarisation de la lecture est un projet politique qui propose d'ouvrir, après celle de l'alphabétisation, une ère de lecturisation susceptible de généraliser à l'ensemble des citoyens la maîtrise de l'écrit et de répondre ainsi aux exigences de vie démocratique et aux impératifs économiques et culturels de notre époque. Comme telle elle est un défi dans lequel l'école, pour peu qu'elle se transforme, doit jouer un rôle nouveau et important. Michel Violet |
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